Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

Castello (les)

Famille de peintres italiens.

 
Bernardo (Gênes 1557  – id. 1629). Tant dans la fresque que dans le tableau de chevalet, Bernardo Castello n'est qu'un continuateur sans forte personnalité de Luca Cambiaso. Il a laissé de nombreuses œuvres à Turin, à Plaisance et surtout à Gênes (Ascension à S. Caterina). Son amitié pour le Tasse, qu'il avait rencontré à Ferrare en 1575, l'amena à illustrer, le premier, la Jérusalem délivrée (1581).

 
Il ne put exercer aucune influence sur son fils Valerio (Gênes 1624 – id. 1659) , qui fut élève de Domenico Fiasella et de G. A. De Ferrari. Fortement marqué par les toiles laissées à Gênes par G. C. Procaccini, il se rendit à Milan pour mieux étudier l'artiste et les autres peintres lombards, puis à Parme, où les œuvres de Corrège et de Parmesan furent pour lui une révélation. La diversité de ces influences, auxquelles il faut joindre celles de Rubens et de Van Dyck, ne devait nullement étouffer sa personnalité, l'une des plus originales de la peinture génoise de la première moitié du XVIIe s. Sa touche, scintillante et fluide, relâchée et frémissante (qui apparaît particulièrement dans les esquisses, les " modelli ", tel le Mariage de la Vierge de la G. N. du Palazzo Spinola à Gênes), annonce celle d'un Magnasco, alors que son goût du mouvement et d'un clair-obscur évanescent, sa poétique font de lui un baroque du XVIIIe s. avant la lettre. Parmi ses œuvres, assez nombreuses, conservées à Gênes, il faut au moins signaler ses fresques au palais Balbi-Senarega et au palais Royal-Durazzo (plafond de la Renommée ) et quelques tableaux : le Baptême de saint Jacques (1647, Oratorio S. Giacomo della Marina), la Sainte Famille et le Repas chez Simon du Palazzo Rosso, et citer, hors de Gênes, l'Enlèvement des Sabines des Offices, l'Adoration des mages de la Gal. Pallavicini de Rome, le Frappement du rocher du Louvre et le Pietà du musée de Nancy.

Castelo (Felix)

Peintre espagnol (Madrid v.  1600  – id. 1651/52).

Petit-fils de G. B. Castello, dit le Bergamasque, et fils de Fabrizio Castelo, peintre du roi, il travailla constamment pour les palais de Philippe IV en participant aux plus importants chantiers décoratifs mais ne reçut jamais de consécration officielle : il peignit des portraits de souverains médiévaux pour l'Alcazar et le Buen Retiro (Teodoric, musée de l'Armée, Madrid), la Récupération de l'île de San Cristobal (Prado) pour le Salon des royaumes du Buen Retiro, décora à fresque le Sagrario de la chapelle de l'Alcazar (détruit) et réalisa de nombreuses œuvres religieuses (Parabole de l'invité aux noces, Madrid, coll. part, deux toiles pour le retable principal de l'église Sainte-Madeleine de Getafe) qui montrent sa forte dépendance vis-à-vis de Bartolomé Carducho, aux grandes entreprises de qui il dut collaborer. Son œuvre est encore mal connue.

Castiglione (Giovanni Benedetto) , dit le Grechetto

Peintre italien (Gênes v.  1610  – Mantoue v. 1665).

Castiglione demeura à Gênes jusqu'en 1632. Ses maîtres furent alors G. B. Paggi, puis G. A. De Ferrari et aussi Van Dyck (lors de son second séjour à Gênes de 1621 à 1627). Mais c'est plutôt vers les peintres de genre d'origine flamande qu'il se tourne alors et surtout vers un élève de Snyders, Jan Roos (à Gênes de 1614 à 1638). Il lui emprunte ce type de composition présentant des animaux surchargés d'ustensiles divers, qu'il traite d'une manière beaucoup plus large que ne le faisait S. Scorza, évoquant également Aertsen et Beuckelaer. J. Bassano, dont l'œuvre était loin d'être inconnue à Gênes, dut également l'impressionner. Adepte du naturalisme du Nord, il produit alors des scènes animalières à prétexte biblique comme le Voyage d'Abraham (Düsseldorf, K. M.), thèmes qu'il traitera pendant toute sa carrière. C'est aussi l'époque où il exécute des eaux-fortes (têtes enturbannées) marquées par l'étude de celles de Rembrandt, qu'il fut le premier parmi les Italiens à découvrir. C'est donc encore par l'intermédiaire des Nordiques qu'il fut touché par le Caravagisme. Rembrandt devait d'ailleurs rester pour lui, sa vie durant, une source de renouvellement, surtout dans le domaine graphique.

   Castiglione quitta Gênes pour Rome vers 1631-1632, où il fit deux séjours, le premier jusqu'en 1635, le second de 1647 environ à 1651. On pense que la période intermédiaire a dû se dérouler à Naples, où il est mentionné en 1635, ainsi que dans diverses villes italiennes, mais surtout à Gênes. Durant son premier séjour romain, il fut en relations avec le cercle de Poussin et de Cassiano dal Pozzo ; il n'est pas très éloigné stylistiquement de P. Testa et de P. F. Mola, qui se trouvent à Rome. Il se détacha alors de l'art flamand pour devenir un adepte du néo-vénétianisme de Poussin dans les années 1630-1635, lui empruntant ses thèmes bachiques et élégiaques. Son répertoire s'élargit, son style se fait plus ordonné et son coloris plus chaud ; ses compositions sont allégées et ses dessins plus libres. Il élabore une technique du dessin à l'huile sur papier, héritée sans doute des Flamands et des Vénitiens, lui permettant d'employer des couleurs telles que le vermillon, qu'il est le seul à utiliser alors. Il invente aussi la technique du monotype, consistant à faire un tirage unique à partir de la plaque métallique qui supporte le dessin à l'encre ; ces deux procédés autorisent une plus grande liberté et des effets de clair-obscur. De retour à Gênes, il y peignit de grandes compositions religieuses d'un effet baroque accentué : l'Adoration des bergers (1645, église S. Luca ; version de petit format au Louvre) ; Saint Bernard adorant le Christ en croix (église S. Martino à Sampierdarena) ; Saint Jacques chassant les Maures d'Espagne (oratoire de S. Giacomo della Marina). L'Adoration des bergers témoigne d'un sens certain de l'espace, tandis que dans le Saint Bernard apparaît pour la première fois le sentiment de l'extase, qu'il développera plus tard dans ses " bozzetti ". La leçon de Rubens devient alors prépondérante, comme le montre le Saint Jacques chassant les Maures, directement tiré des scènes de chasse rubéniennes.

   Durant son second séjour romain (1647-1651), Castiglione ne suit plus Poussin, qui emprunte alors une voie classique et trop intellectuelle pour lui. Par l'intermédiaire de patrons communs, les Raggi et les Fiorenzi, il est en contact avec Bernin et avec P. da Cortona ; sous l'influence de ce dernier, il pratique un moment " la grande manière " dans l'Immaculée d'Osuno (1650 ; Minneapolis, Inst. of Arts). Mais la note dominante est celle du fantastique et du pittoresque, qui apparaît dans le Diogène (Prado) ou l'Offrande à Pan (Gênes, coll. Durazzo). Ces œuvres se placent dans la ligne des recherches bizarres de P. Testa ; elles eurent une influence considérable sur S. Rosa.

   La dernière partie de la vie de l'artiste, de 1651 à 1665, se déroula surtout à Mantoue, où il est peintre de cour des Gonzague. À la suite d'un voyage à Venise en 1648, sous l'influence des grands Vénitiens et d'un contemporain, Jan Liss, mais surtout au contact de l'art de Fetti, son prédécesseur à la cour de Mantoue, sa touche devint plus libre ; s'il continue à traiter des sujets philosophiques et pittoresques, la figure humaine devient le centre d'intérêt principal de ses tableaux (la Découverte de Cyrus, Dublin, N. G.). L'influence latente de Bernin et de Rubens apparaît dans des dessins tels que Moïse recevant les Tables de la Loi (Windsor Castle), renforçant la tendance baroque, déjà sensible à Gênes en 1645. Entre 1659 et 1665, il partage son activité entre Mantoue, Gênes, Parme et Venise, mais en restant toujours au service des Gonzague. Il revient alors aux compositions de sa jeunesse avec souvent un étalement extraordinaire de gibier au premier plan et de petites figures au loin. Mais le Maniérisme a fait place au Baroque, comme le montre les Marchands chassés du Temple (Louvre) ou le Voyage des enfants d'Israël (Brera). Un peu comme Bernin et Strozzi, Castiglione termine sa carrière sur une note mystique avec une série de dessins et de " bozzetti " représentant des saints franciscains en extase ou des Christ en croix : il paraît ainsi, à la fin de sa vie, à la tête du mouvement de peinture mystique génois issu de Strozzi et représenté par D. Piola et G. De Ferrari.

   Historiquement, Castiglione est une figure significative de la phase de l'art italien qu'ont régénérée Flamands et Néerlandais. Adepte du Baroque, il l'exploite à tous les niveaux ; parti de la simple virtuosité pour aboutir à l'imagination la plus vive, aussi à l'aise dans le genre rustique que dans la " grande manière ", prodigieux dessinateur et graveur, il aura une influence très large au XVIIIe s. sur Ricci, Tiepolo et surtout Boucher et Fragonard.

 
Il eut comme élèves directs son fils Francesco († 1716) , qui lui succéda à la cour de Mantoue, et Anton Maria Vassalo (actif de 1640 à 1660), qui continua son genre animalier ; sa grande manière intervint dans la formation de D. Piola et de Gregorio De Ferrari. Une importante exposition Castiglione a eu lieu à Gênes en 1990.