Moreau (Louis-Gabriel) , dit Moreau l'Aîné
Peintre français (Paris 1740 – id. 1806).
Il fut élève de De Machy et, s'il ne put se faire admettre à l'Académie, il fut " peintre du comte d'Artois " avant 1787. Connaissant bien la tradition des paysagistes classiques, il préféra faire de ses tableaux de simples descriptions de la nature, sans accorder une place trop importante au sujet, se contentant de placer en évidence le tronc tordu d'un arbre brisé avec une liberté de touche qui rappelle celle de Hubert Robert (Paysage, musée de Nîmes ; Parc de Saint-Cloud, 1804, Los Angeles, County Museum of Art). Une grande attention aux effets perspectifs (le Château de Madrid, 1774, musée de Rouen), quelques études luministes (Feu dans un port, Chicago, Art Inst.), l'emploi de verts francs, dégradés selon les plans, et de nombreuses études sans ciel, fort éloignées de l'esprit néo-classique, l'apparentent aux paysagistes anglais et annoncent les harmonies colorées des paysagistes français du milieu du XIXe s. Cependant, Moreau, à la différence de Bruandet, n'emprunte rien aux Néerlandais (très bien représentés dans la coll. d'un Aved) ; il peint seulement l'atmosphère calme de la campagne parisienne (Vue des coteaux de Meudon prise du parc de Saint-Cloud, 1780, Louvre). Ses gouaches (Louvre) et ses eaux-fortes présentent les mêmes caractéristiques de fraîcheur, de précision, voire d'acuité dans le détail, les mêmes effets lumineux, et témoignent aussi d'une très grande sensibilité de l'artiste devant chaque paysage.
Moreau (Luc-Albert)
Peintre et lithographe français (Paris 1882 – id. 1948).
Comme les principaux " néo-réalistes " qui se manifestèrent entre les deux guerres, il se forma à l'Académie Julian, puis à celle de la Palette, à Montparnasse. Il devint l'ami de Segonzac et de Boussingault, mais sans partager la noble austérité des peintres de la Bande noire. On lui doit ainsi des images du milieu des plaisirs, et d'autres de la guerre, au cours de laquelle il fut grièvement blessé. Le charme de l'artiste réside dans la virtuosité d'un dessin qui souligne des formes un peu molles et l'agrément de ses couleurs, aux tons souvent éteints. Il est représenté à Paris (M. N. A. M.) par plusieurs peintures (la Normande, 1925 ; Boxeur knock-out, 1927). Il a illustré des ouvrages de Francis Carco (l'Amour vénal), de Paul Morand (Ouvert la nuit), de Colette.
Moreelse (Paulus)
Peintre et architecte néerlandais (Utrecht 1571 – id. 1638).
Élève préféré de Mierevelt à Delft de 1596 à 1598, il se rendit en Italie de 1598 à 1600 environ ; il revint à Utrecht en 1602 et fut l'un des fondateurs de la gilde de Saint-Luc en 1611. Pratiquant, sous la forte influence de Bloemaert, une sorte de Caravagisme clair très maniérisant, il peignit quelques scènes de genre et d'histoire — Vertumne et Pomone (Rotterdam, B. V. B.) — et surtout de nombreux portraits : Autoportrait (Rijksmuseum ; Mauritshuis), Portraits d'hommes (1612, Louvre ; musée de Metz), Portraits de femmes (Mauritshuis ; 1631, musée de Metz ; 1615, Rotterdam, B. V. B.), la Belle Bergère, la Petite Princesse, Michiel Pauw (1625), Philips Ram (1625), Anna Ram-Strick (1625), Marguerite Van Dompselder (musée d'Utrecht), Frédéric V, Électeur de Palatinat (1632, Rijksmuseum). Ses charmants portraits d'enfants et de dames travesties en bergères ont fait sa réputation, et de nombreux artistes se formèrent dans son atelier, dont Baburen. À cet égard, une opposition très remarquable existe entre la Charité romaine (Édimbourg, Nat. Gal. of Scotland) très modérée de ton que peignit Moreelse et celle, violente et agressive, de Baburen. Son frère, Johannes ( ?av. 1594 -Utrecht [ ?] 1634) , commerçant d'objets d'art, peignait également : le Géographe (1634, musée d'Utrecht). Quant à son neveu et élève, Willem (Utrecht v. 1620 - id. 1666) , inscrit à la gilde de Saint-Luc d'Utrecht en 1646, il a laissé des portraits exécutés dans un style rembranesque : Portrait d'homme (1648, Rome, G. N. , Gal. Corsini), Portrait de femme (1655, musée d'Utrecht).
Morellet (François)
Artiste français (Cholet 1926).
Après une courte période figurative, François Morellet parvient à l'Abstraction en 1950 sous l'influence de Pierre Dmitrienko (1925-1974) : il pratique alors une peinture très dépouillée, bientôt marquée par l'exemple de Mondrian. Dès 1952, il adopte un langage géométrique composé de formes simples, lignes, carrés, triangles, assemblées dans des compositions élémentaires bidimensionnelles, de type " all over ", qui jouent avec un nombre restreint de couleurs, posées en aplats et sans facture apparente.
Ces œuvres sont surtout exécutées d'après un système : marqué par l'art de Max Bill et les entrelacs de l'Alhambra de Grenade, Morellet entend contrôler le processus de la création et démystifier la conception romantique de l'art et de l'artiste ; il justifie chacun de ses choix par un principe établi au préalable, qui peut aller, à partir de 1958, jusqu'à faire intervenir le hasard dans l'attribution des différentes composantes du tableau (Répartition aléatoire de triangles suivant les chiffres pairs et impairs d'un annuaire de téléphone, 1958, musée de Grenoble). L'œuvre d'art, pour François Morellet, ne renvoie qu'à elle-même et son titre indique la règle de jeu qui a présidé à son élaboration.
Jusqu'en 1960, il établit les différents systèmes d'arrangement des formes qu'il emploie (superposition, fragmentation, juxtaposition, interférences...), en créant notamment sa première " trame ", un réseau de lignes parallèles noires superposées selon un ordre déterminé qui recouvre toute la surface d'une structure homogène (4 Doubles Trames traits minces 0°, 22°5, 45°, 67°5, 1958, Paris, M. N. A. M.). Il est ensuite, de 1961 à 1968, l'un des protagonistes de l'art cinétique avec le G. R. A. V. (Groupe de recherche d'art visuel), qu'il a fondé avec 5 autres artistes (J. Le Parc, H. Garcia-Rossi, F. Sobrino, J. Stein, J.-P. Yvaral). Il participe également au mouvement international de la Nouvelle Tendance. Il cherche dans ce contexte à créer un art expérimental qui s'appuie sur les connaissances scientifiques de la perception visuelle et qui soit élaboré collectivement. En 1963, d'autre part, soucieux de trouver de nouveaux moyens d'expression picturaux, Morellet commence à utiliser des tubes de néon en s'appuyant sur les qualités spécifiques de ce matériau (intensité de l'éclairage, allumage instantané, fabrication impersonnelle). Il continuera d'utiliser ces tubes au néon en lien avec la toile (Relâche n° 2, 1992) ; ou isolément (Gitane n° 2, 1991).
Après 1970 débute une période marquée par la création d'œuvres de plus en plus dépouillées, qui jouent avec leur support et l'espace qui les environne (Lignes horizontales passant sur 3 carrés : 1° de la moitié du côté à la moitié du côté leur faisant face ; 2° de la moitié d'un côté à un angle ; 3° d'un angle à un angle, 1974, F. R. A. C. de Bourgogne). Il réalise alors un grand nombre d'intégrations architecturales (Plateau La Reynie, Paris, 1971 [détruit] ; École supérieure de l'armée allemande, Hambourg, 1977 ; Centre culturel de Compiègne, 1979), qui attestent sa parfaite maîtrise dans le maniement des formes, leur qualité monumentale, leur juste rapport et leur adéquation parfaite avec l'architecture (la Défonse, 1991, Paris, la Défense)
Morellet — qui, dès l'abord, s'est distingué par ses préoccupations de l'Abstraction géométrique traditionnelle — reste le seul créateur français appartenant à cette tendance à pouvoir se mesurer avec les artistes américains du Hard Edge, de l'Art minimal et conceptuel, dont il a largement devancé les propositions. Une importante exposition rétrospective concernant ses dessins lui est consacrée en 1991 (musée de Grenoble ; Reutlingen, fondation pour l'Art concret). Une nouvelle exposition, consacrée à cinquante années de travail, est présentée (Oldenburg, Stadtmuseum) en 1995.