Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Delaune (Étienne)

Artiste français (Orléans [?] v. 1518  – ? 1583).

Entré au service du roi Henri II en 1551, il fut employé à la Monnaie de Paris, où il est mentionné en 1555. Son œuvre de graveur est très abondant (premières estampes datées, 1561). Il a beaucoup gravé les artistes de l'école de Fontainebleau (Primatice, Luca Penni surtout) et Jean Cousin, contribuant ainsi à répandre hors de France leur influence ; il fut graveur d'ornements et d'orfèvrerie, d'allégories et de mythologies, illustrateur de livres. Calviniste, Delaune dut quitter Paris en 1572 lors de la Saint-Barthélemy ; il s'établit à Strasbourg, puis à Augsbourg, où il est mentionné en 1576. Sa dernière estampe datée, le portrait d'Ambroise Paré, est de 1582.

   L'œuvre de Delaune (plus de 400 pièces, surtout de petit format) est caractéristique du goût maniériste pour le style miniature. Ses dessins, d'une extrême finesse, parfois exécutés sur vélin, reproduisent des modèles d'orfèvrerie, mais aussi des suites conçues, peut-être, pour la tapisserie ou l'illustration (Allégories des Arts libéraux au chiffre de Nicolas Houel, le célèbre apothicaire dont les projets à la plume sont dispersés entre Chantilly [musée Condé], Paris [Louvre, cabinet des Dessins et coll. Rothschild] et Berlin [Kunst Bibliothek]). L'art de Delaune dépend étroitement du Maniérisme de l'école de Fontainebleau.

 
Son fils Jean (Paris 1559 – ?) travailla dans le même genre et grava d'après lui.

Delen (Dirck Van)
ou Dirck Van Deelen

Peintre néerlandais (Heusden 1605  – Arnemuiden 1671).

Probablement élève de Frans Hals et d'H. Aertsz, Dirck Van Delen serait allé à Rome en 1623 ; en 1626, il s'établit à Arnemuiden et, en 1628, y obtient le droit de cité, bien qu'il soit inscrit, de 1639 à 1666, à la gilde des peintres de Middelburg. En 1668-69, il est à Anvers. Il peignit surtout des architectures, légères et fantastiques, d'un goût encore maniériste et souvent agrémentées de figures peintes par Dirck Hals, Jacob Duck, Pieter Codde, Palamedesz. Ses œuvres : les Joueurs de ballon (1628, Louvre), la Réunion de musiciens (1636, Rotterdam, B. V. B.), les Joueurs de quilles (1637, Louvre), Architecture de fantaisie (1638, musée de Lille), Architecture de palais (1642, Bruxelles, M. R. B. A.), les États généraux au Binnenhof à La Haye en 1651 (Rijksmuseum), se caractérisent par un coloris clair et lumineux, non sans quelque froideur, et par une perspective exacte, qui les rapproche du style de Hendrick Van Steenwyck. En 1637, il peignit une extraordinaire Nature morte à la tulipe (G.B., coll. part.) qui allie fantaisie et science de la perspective.

Delff (les)

Famille de peintres néerlandais.

 
Jacob I Willemsz (Gouda v.  1550  – Delft 1601). Actif à Delft depuis 1582, il fut avec Mierevelt le chef de file des portraitistes de la Hollande du Sud à la fin du XVIe s. et le père de toute une dynastie de peintres.

 
Cornelis Jacobsz (Delft 1571 – id. 1643). Élève de son père, Jacob I, et de Cornelis Van Haarlem, il se spécialisa dans les natures mortes — surtout les objets de cuisine, notamment les chaudrons, qui incitent à de belles études de reflets —, où le souvenir d'Aertsen et de Beuckelaer introduit comme chez Pieter Cornelisz Van Ryck, peintre très voisin de Cornelis Delff, à l'art plus moderne de Schooten et bientôt de Pieter Claesz. Il peignit aussi de rares tableaux religieux dans le style de l'école de Haarlem (le Songe de Jacob).

 
Willem Jacobsz (Delft 1590 – id. 1638). Autre fils et élève de Jacob I, il a peut-être fréquenté aussi l'atelier de Goltzius. Il se consacra principalement à la gravure et, devenu le beau-fils de Mierevelt, obtint en 1622 le droit de graver tous les portraits de ce dernier. Willem Jacobz Delff travailla aussi pour la reine d'Angleterre.

   Durant la première moitié du XVIIe s., l'artiste fut aux Pays-Bas le plus important graveur de portraits (essentiellement en taille douce) et il joua un rôle international dans l'énorme mouvement de diffusion des effigies des princes et hommes célèbres de l'époque. D. Franken a dressé un catalogue exhaustif de son œuvre, publié à Amsterdam en 1872. Willem Jacobsz connut un grand succès local comme peintre de portraits de groupe (les Officiers à la bannière blanche, 1645, Delft, hôtel de ville).

 
Jacob II (Delft 1619 – id. 1661). Élève de son père, Willem, et lui aussi peintre de portraits, inscrit à la gilde en 1641, il fut un des principaux collaborateurs de Mierevelt, dont il suivit la manière sobre et attentive.

   On trouve au B. V. B. de Rotterdam ainsi qu'au Rijksmuseum un échantillonnage à peu près complet d'œuvres de cette dynastie de portraitistes que furent les Delff.

Delitio (Andrea)

Peintre italien (actif dans les Abruzzes entre 1430 et 1480).

Nous possédons très peu d'informations certaines sur ce peintre : en 1450, on lui commande des fresques pour l'église S. Francesco à Sulmona (auj. perdues) et, en 1473, il signe et date un gigantesque Saint Christophe peint à fresque sur la façade de S. Maria Maggiore à Guardiagrele. Deux panneaux, datés 1463 et 1467, signalés autref. à Guardiagrele, sont à l'heure actuelle introuvables. À partir du Saint Christophe de 1473, on a redonné à Delitio le cycle de fresques consacré aux scènes de la Vie de la Vierge dans le chœur de la cathédrale d'Atri (v. 1480-81), une Vierge à l'Enfant avec des anges, à fresque, dans l'église S. Amico à L'Aquila, une autre Vierge à l'Enfant, à fresque, dans le palais Sanita à Sulmona ainsi que quelques panneaux de petites dimensions : une Vierge de l'Annonciation dans la coll. Lehman au Metropolitan Museum (longtemps attribuée à Masolino), un triptyque représentant la Vierge à l'Enfant avec des saints (Baltimore, W. A. G., attribuée autref. à Arcangelo di Cola), un petit panneau de prédelle avec la Rencontre de saint Benoît et Totila (Providence, musée de Rhode Island) et un diptyque au musée des Abruzzes de L'Aquila (provenant de l'église S. Maria la Nova à Cellino Attanasio et comportant une Crucifixion et une Vierge à l'Enfant avec une sainte). Formé dans sa province sur des exemples de peinture gothique tardive, Delitio entre ensuite en contact avec la culture florentine du début du XVe s. (Masaccio et Domenico Veneziano), qu'il tenta de concilier avec les élégances linéaires du Gothique à son déclin. Il en tire un langage extrêmement vif, parfois exaspéré et agressif, mais toujours racheté par un chromatisme spectaculaire.

   Il est difficile d'avancer des repères chronologiques pour jalonner la carrière d'Andrea Delitio ; toutefois, son séjour à Florence n'a pas dû avoir lieu après 1440, en raison des analogies qu'on trouve dans son style avec Domenico di Bartolo (Madone de 1433 à Sienne, P. N.), Filippo Lippi (Lunette Trivulzio, Milan, Castello Sforzesco) et Uccello (Scènes de la vie de la Vierge, v. 1435-1440, cathédrale de Prato).

   Outre les œuvres déjà mentionnées, on a rapproché du nom de Delitio quelques peintures qui, tout en montrant d'étroits rapports avec celles-ci, paraissent inspirées d'une culture légèrement postérieure, marquée par Piero della Francesca : il s'agit d'une Vierge à l'Enfant (autref. à Florence, coll. Corsi), d'une Vierge à l'Enfant (1465) et d'une Nativité (fresques autref. dans l'église de la Beata Antonia à L'Aquila), d'un fragment de panneau représentant la Vierge (ces 3 dernières œuvres se trouvent auj. au musée des Abruzzes de L'Aquila). Pour pouvoir accepter ce groupe d'œuvres, il faudrait dater les fresques d'Atri d'une période antérieure à 1465, ce que semblerait confirmer l'ingéniosité des inventions spatiales de quelques-unes des scènes ainsi que la splendeur jaspée de tout le cycle.