Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Manetti (Rutilio)

Peintre italien (Sienne 1571  – id.  1639).

Formé dans le milieu du maniérisme siennois tardif, et marqué par le style de Francesco Vanini et de Ventura Salimbeni (fresques datant de 1597-98, Sienne, Palais Public), auxquels ses œuvres de jeunesse furent longtemps attribuées, il vit, vraisemblablement à Sienne même, quelques peintures caravagesques qui le retinrent, comme le montre la Décollation de Sant'Ansano (1613, Sienne, Pin.). Son absence de Sienne entre 1616 et 1621 laisse présumer un voyage à Rome et à Bologne (1617), si l'on en juge d'après les caractères bolonais sensibles dans le Repos pendant la fuite en Égypte (1621, Sienne, S. Pietro Halle Scale). C'est, en tout cas, la connaissance de caravagesques comme Honthorst et Manfredi qui suscita ses meilleurs tableaux. Le Roger et Alcina (Florence, Pitti), la Sophonisbe et Masinissa (id.), les Concerts de la coll. Chigi-Saracini à Sienne, figurent parmi les interprétations les plus extravagantes des principes naturalistes et luministes divulgués par les adeptes de Caravage. Manetti accueillit également les suggestions classiques et baroques, surtout dans ses compositions religieuses (Saint Antoine, v. 1628, Sienne, S. Domenico ; Miracle du bienheureux Salvatore da Orta, 1630, Lucques, musée). Il travailla à Lucques, Florence et Pise, où il fut l'un des rares diffuseurs du Caravagisme. Une exposition a été consacrée à Manetti en 1978 à Sienne.

Manfredi (Bartolomeo)

Peintre italien (Ostiano, près de Mantoue, v. 1580  – Rome 1624).

Célèbre en son temps, Manfredi, le plus proche suiveur de Caravage, reste assez énigmatique. Il vint rapidement à Rome et il y fit, d'après Baglione, son premier apprentissage auprès de Pomarancio avant d'entrer en contact avec Caravage, mais fut influencé par le style de la maturité de ce dernier. Au contraire de celui-ci, il préférait aux œuvres religieuses les scènes de genre, ce qui explique qu'il ait travaillé surtout pour une clientèle profane : Vincenzo Giustiniani, un des protecteurs de Caravage, les Médicis, le duc de Savoie. Ses œuvres traversèrent très rapidement les Alpes (v. 1630) et prirent place dans les collections de Mazarin, de Buckingham et de Léopold Guillaume, archiduc des Pays-Bas. Le style de Manfredi reste assez mal défini. On a en effet ajouté à un petit noyau d'œuvres partiellement documentées et jamais signées, des peintures caravagesques dont l'attribution reste discutable. Au nombre des tableaux documentés subsiste encore le Christ apparaissant à la Vierge (Florence, coll. part.) ; certains d'entre eux ne sont plus connus que par des gravures (Arrestation du Christ) ou par des copies (le Couronnement d'épines, copie conservée au Mans, musée de Tessé). D'autres œuvres non documentées sont unanimement acceptées par la critique : le Concert (Offices), Bacchus et un buveur (Rome, G. N., Gal. Corsini), le Reniement de saint Pierre (Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum), la Diseuse de bonne aventure (autref. Dresde, Gg. ; Detroit, Institute of Arts), le Christ chassant les marchands du temple (Libourne, musée municipal) et le David triomphant (Louvre). On peut vraisemblablement ajouter à cette liste le Tribut de saint Pierre, le Christ parmi les docteurs, les Joueurs de cartes (Offices) et Mars punissant l'Amour (Chicago, Art Inst.), le Couronnement d'épines (Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen ; Springfield, M. F. A.), et l'Allégorie des quatre saisons (Dayton, Art Institute). À partir de ces peintures, on peut caractériser un art robuste, aimant les compositions simples, souvent en frise, les formes géométrisées et fortement éclairées, les types physiques plébéiens. En simplifiant le style de Caravage, Manfredi le rendit accessible à beaucoup de peintres étrangers, venus du nord de l'Europe et " descendus " en Italie entre 1610 et 1620, tels Valentin, le plus grand d'entre tous, Tournier, qui imita et parfois copia Manfredi, Régnier, G. Seghers, Baburen et Honthorst ou Ter Bruggen, son contemporain. Joachim von Sandrart a même parlé de la " méthode manfrédienne " (Manfrediana Methodus) de ces peintres, ce qui tend à prouver que Bartolomeo Manfredi a permis au réalisme caravagesque, déjà à son déclin, de se prolonger pendant une dizaine d'années.

Manglard (Adrien)

Peintre français (Lyon 1695  – Rome 1760).

Il fut à Lyon l'élève du Néerlandais A. Van der Kabel (mort en 1705), poursuivit presque toute sa carrière en Italie, et fut reçu académicien en 1736 (Naufrage, musée de Guéret). Malgré l'emploi de tonalités un peu sombres, une facture plus lourde que celle de son élève Vernet, il montre, dans ses marines et dans quelques gravures de 1753-54 (Paysage, Paris, E. N. B. A.), un talent pittoresque et aussi un sens du drame (Marine, musée de Chartres ; Naufrage, musée de Dijon). Manglard exécuta le décor mural d'un salon du palais Chigi à Rome (" salle des marines ").

Mangold (Robert)

Peintre américain (North Tonawanda 1937).

Mangold effectua ses études artistiques au Cleveland Art Institute et à Yale University (1961-1963), où il côtoya R. Serra, B. Marden et N. Graves. Il subit alors l'influence de l'Expressionnisme abstrait avant d'adopter un style plus réducteur. Ainsi, en 1964-65, dans une série intitulée Walls, il utilise le relief. Les Walls, peintures à l'huile vaporisée sur bois, sont de véritables environnements. En 1966, dans la série Areas, Mangold tend vers plus de simplification : ses œuvres ne sont plus des constructions mais des monochromes de grands formats, peints en général sur deux panneaux d'aggloméré comme dans Manila Area (1966, Eindhoven, Stedelijk Van Abbe Museum). Avec ces œuvres, la critique vit dans son art des affinités avec le Minimal Art. Mangold n'en demeure pas moins indépendant dans la mesure où, en réaction contre ce mouvement qui privilégie l'objet tridimensionnel, il élargit les possibilités d'une peinture positivement réductrice : frontalité, immédiateté, unicité. À partir de 1969, l'artiste s'attacha à définir l'image d'un cercle ou d'un segment de cercle tracé à l'intérieur d'un format découpé ou vice versa (Distorved Circle with a Polygon [Yellow-Ochre], 1972, New York, coll. Cramer ; Four Squares within a Square n° 3, 1974, Buffalo, Albright-Knox Art Gal.). Graduellement, les peintures devinrent plus complexes et variées, combinant diverses formes de châssis (polygone, rectangle, carré, forme en croix, triangle) : X Series Central Diagonal n° 2, 1968 (New York, Guggenheim Museum) ; A Triangle within Two Rectangles (Violet), 1977 ; Three Red X within X, 1981 (New York, Whitney Museum). Ni théorique ni systématique, son art, véritable combinaison de raison et d'intuition, fait s'équilibrer d'elles-mêmes les formes, les couleurs et les lignes (Grey Ellipse Yellow Frame, 1987, F. R. A. C. de Bretagne). Mangold a rapidement bénéficié d'expositions personnelles d'abord de 1964 à 1973, dans les galeries Thibaut et Fischbach à New York, puis à Stuttgart, à Paris, à Milan, à Londres, à Zurich aussi bien qu'à Washington et à San Francisco. En 1971, une importante exposition a eu lieu au Guggenheim Museum et, en 1982, une exposition rétrospective de ses œuvres s'est tenue au Stedelijk Museum d'Amsterdam. Lors d'une exposition itinérante, un bel ensemble d'œuvres ont été présentées à Paris (Renn Espace d'art) en 1994. Ses tableaux sont conservés dans de nombreuses collections privées et publiques des États-Unis et d'Europe, en particulier dans la collection Crex de Schaffhouse (Hallen für neue Kunst) et au musée de Grenoble.