Corrège (Antonio Allegri, dit il Correggio) (suite)
Les tableaux peints vers 1524-1526
Durant les années 1524-1526 (entre la coupole de S. Giovanni et celle de la cathédrale), Corrège exécute un grand nombre de tableaux révélateurs d'une nette évolution stylistique : le rythme devient frénétique, la couleur forte, les sentiments exacerbés. Ces œuvres, qui annoncent le Baroque, furent prisées par les artistes du XVIIe s., surtout la Déposition et le Martyre de saint Placide et de sainte Flavie (Parme, G. N.), qui appartiennent respectivement au début et à la fin de cette période intermédiaire. L'étude psychologique, le caractère pathétique, la composition décentrée de la Déposition étaient bien propres à plaire à Annibale Carracci, qui la copia. De ces années datent nombre de chefs-d'œuvre du maître : le Noli me tangere (Prado), la Vierge adorant l'Enfant (Offices), l'Ecce Homo (Londres, N. G.), la Vierge au panier (id.), le Mariage mystique de sainte Catherine (Louvre), qui présente une composition circulaire à laquelle correspond une couleur vive et contrastée, ainsi que deux œuvres mythologiques, l'Éducation de l'Amour (Londres, N. G.) et Vénus, satyre et Cupidon, dit Antiope (Louvre), où le rythme est donné non plus par l'agitation des figures, mais par les taches de lumière. La Madone de saint Sébastien (v. 1525, Dresde, Gg) montre une composition " da sotto in su ", inspirée de l'Assomption des Frari de Titien et des enchaînements rythmiques que l'on retrouve dans la décoration de la voûte du chœur de S. Giovanni Evangelista. Ces œuvres annonciatrices de la Contre-Réforme, tant en peinture qu'en sculpture (Bernin), sont autant de pensées préparatoires à la grande œuvre décorative que sera la fresque de la coupole de la cathédrale.
Les fresques du Dôme (1526-1529)
En 1522, alors qu'il travaillait encore à S. Giovanni Evangelista, Corrège reçut la commande de la décoration du chœur, de la coupole et des arcs voisins de la cathédrale de Parme. De cette vaste entreprise, il n'a exécuté, de 1526 à 1529, qu'une partie : les fresques de la coupole (Assomption de la Vierge), des pendentifs représentant les quatre saints protecteurs de la ville (saint Jean-Baptiste, saint Hilaire, saint Thomas apôtre et saint Bernard) et des arcs-doubleaux figurant des mimes et des danseuses en monochrome. C'est sans doute par dépit devant l'incompréhension locale qu'il n'exécuta pas la décoration du chœur et de l'abside, qui fut confiée à sa mort à Giorgio Gandino del Grano (1535), puis, à la disparition de ce dernier (1538), à Girolamo Mazzola Bedoli. La décoration de la coupole de la cathédrale marque le point culminant de l'activité de Corrège ; elle est la suite logique des recherches faites à la Camera di S. Paolo et à S. Giovanni Evangelista. Cependant, le problème à résoudre était différent, en raison des proportions imposantes de la coupole, fort profonde, à base octogonale percée de 8 oculi. Corrège parvint à suggérer un espace infini et lumineux, en liant intimement tambour et coupole par un thème et une couleur unifiés, et en estompant les arêtes : le tambour prend l'aspect d'une balustrade devant laquelle se tiennent les grandes figures des apôtres debout, tout entiers tournés vers le ciel. Mais sur la terre, symbolisée par le bord du parapet, se déroulent les Funérailles de la Vierge, tandis que, sans solution de continuité entre le tambour et la calotte, un tourbillon d'anges élève la Vierge au ciel, entraînant avec elle des saints et des personnages bibliques jusqu'à saint Michel, qui descend à sa rencontre.
Par la forme concentrique donnée à l'ensemble, en dépit de sa section octogonale, cette coupole annonce le grand décor plafonnant baroque et montre l'évolution suivie depuis S. Giovanni Evangelista : d'une évocation du ciel par des têtes de chérubins à une savante concentration d'anges et de saints en mouvement.
Les tableaux de la dernière période
Cette recherche rythmique où les corps sont en mouvement dans la lumière se retrouve dans les peintures religieuses ou mythologiques qu'il exécuta parallèlement : la Madone de saint Jérôme (1527-28, Parme, G. N.), appelée parfois le Jour ; l'Adoration des bergers ou la Nuit (1530, Dresde, Gg), œuvres construites sur les jeux d'obliques et de lumières ; la Vierge à l'écuelle (1529-30, Parme, G. N.) ; 2 détrempes représentant Saint Joseph et un Dévot (Naples, Capodimonte) ; enfin la Madone de saint Georges (1531-32, Dresde, Gg). À partir de 1530, Corrège fut chargé par le duc de Mantoue, Federico Gonzaga, de représenter la série des Amours de Jupiter pour l'empereur Charles Quint (Danaé, Rome, Gal. Borghese ; Léda, musées de Berlin ; Io et Ganymède, Vienne, K. M.). C'est aussi à cette époque qu'il peignit " a tempera " les 2 allégories du Vice et de la Vertu pour le studiolo d'Isabelle d'Este (Louvre). Dans toutes ces œuvres, on retrouve des motifs et des formes inaugurés à la coupole du Dôme et dans lesquels triomphe une ligne ondoyante alliée à la couleur.
Les dessins
L'œuvre dessiné de Corrège a été catalogué en 1957 par A. E. Popham, et il comprend 91 numéros (24 au Louvre) ; ce sont surtout des études préparatoires à la sanguine pour les tableaux ou les grandes décorations.