Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Maître du Portrait d'Angrer (Meister des Angrerbildnisses)

Peintre allemand (actif au début du XVIe s.).

Il doit son nom à l'un des meilleurs portraits peints en Allemagne au début du XVIe s., celui d'un chanoine de Brixen et de Vienne, Gregor Angrer (1519, musée d'Innsbruck). Sous un fort éclairage partant de la gauche, la figure énergique de l'ecclésiastique se détache sur le fond rouille dans une rigoureuse frontalité. Cette disposition et le fait qu'il s'agit d'un buste au modelé accusé font songer aux portraits italiens du quattrocento. La balustrade en pierre sur laquelle est fixé le " cartellino " portant le nom du personnage représenté souligne cette analogie. Outre ce tableau, qui est son chef-d'œuvre, on attribue au maître d'autres portraits, tels celui d'un Peintre (un autoportrait ?, musée d'Innsbruck) et celui d'un Couple (Schweinfurt, coll. part.), les portraits du chanoine de Brixen Han von Hanberg et celui d'un Inconnu (musée de Trente). Les visages s'inscrivent toujours en gros plan dans un cadre relativement étroit et se détachent sous un violent éclairage sur fond neutre.

   À cette série de portraits, il convient d'ajouter une œuvre burlesque représentant un Bouffon à la face hilare, une marotte dans la main gauche et partageant son repas avec un petit chien. Ce tableau appartenait autrefois à la coll. O. Kling de Stockholm. On donne encore à l'artiste 2 tableaux religieux, le Sermon de saint Wolfgang et la Guérison d'un malade par saint Wolfgang (Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum).

Maître du Retable d'Aix-la-Chapelle (Meister des Aachener Altars)

Peintre allemand (actif à Cologne v. 1495-1520).

On le désigne sous ce nom d'après le grand retable provenant de l'église des Carmélites de Cologne, passé au XIXe s. de la coll. Lyversberg à la cathédrale d'Aix-la-Chapelle et comportant : sur le panneau central la Crucifixion, sur les volets à droite la Déploration, à gauche l'Ecce homo, sur la face extérieure 6 Saints. On a groupé autour du retable d'Aix-la-Chapelle — point central de son œuvre — un certain nombre de peintures : un Retable de la Passion (Liverpool, Walker Art Gal.), la fresque de la chapelle Hardenrath représentant la Résurrection de Lazare (Cologne, Sainte-Marie-du-Capitole ; détruite pendant la dernière guerre), des panneaux isolés, dont la Vierge à l'Enfant de l'Alte Pin. de Munich (v. 1510), considérée comme une des Madones les plus précieuses de la peinture allemande pendant cette décennie, et 3 dessins (Adoration des mages. Louvre, projet pour un tableau des musées de Berlin). Sorti vraisemblablement de l'atelier du Maître de la Sainte Parenté, formé dans les milieux artistiques de Cologne imprégnés d'art flamand (Maître de Saint Séverin, Maître de Sainte Ursule), influencé par le Maître de Saint Barthélemy et par Derick Baegert, cet artiste développa dans ses compositions des tendances qui l'apparentent aux maniéristes anversois. Spécifiquement colonais par son coloris lumineux, ses goûts précieux de décorateur, le Maître du Retable d'Aix-la-Chapelle appartient par des éléments novateurs à l'époque de la Réforme et de Dürer. Ses œuvres annoncent celles de Barthel Bruyn et doivent être mises en rapport avec celles d'Anton Woensam.

Maître du Retable de Litoměřice

Peintre tchèque (XVe-XVIe s.).

Auteur de panneaux et de fresques, il travailla à Prague et fit vraisemblablement partie du groupe d'artistes employés par la Cour entre 1495 et 1520 environ. Appartenant à la génération précédente, celle des peintres du règne de Vladislas II (atelier du Maître du Retable de Křivoklát, 1485-1490), orientée vers la Flandre, il passa, avant 1502 probablement, un certain temps en Basse-Autriche et à Vienne, où il connut les œuvres de R. Frueauf le Jeune et de Jörg Breu. De retour à Prague, il exécuta le Retable de Litoměřice entre 1501 et 1505 (musée de Litoměřice). Plus tard, on pense qu'il visita Venise, où il fut surtout frappé par la série de tableaux représentant le miracle de la Sainte Croix, de la Scuola San Giovanni Evangelista, et par l'Histoire de sainte Ursule, de Carpaccio. De 1506 date son portrait d'Albrecht de Kolowrat, premier portrait tchèque de style Renaissance ; entre 1506 et 1508, l'artiste réalise un de ses chefs-d'œuvre, une série de peintures murales décorant la chapelle Saint-Venceslas, à la cathédrale Saint-Guy de Prague, également de style Renaissance. Du tableau votif commandé par Jan de Wartemberk, nous ne connaissons qu'une copie plus récente (musée de Prague) ; entre 1505 et 1510, le peintre exécuta le Triptyque de Strahov (id.). D'un autre grand retable, seul un fragment représentant Saint André est conservé (av. 1510, musée de Brno). Après 1510, le groupe des artistes travaillant pour la Cour se désagrégea, et le Maître du Retable de Litoměřice dut satisfaire une clientèle bourgeoise. Entre 1510 et 1515, l'artiste peignit un retable pour l'église Notre-Dame-de-Týn, à Prague (2 volets au musée de Prague). En collaboration avec les membres de son atelier, il réalisa encore un Retable de la Sainte-Trinité (1515-1520, id.). Cet artiste est le plus grand peintre tchèque du Gothique tardif et il est un des promoteurs de la Renaissance au nord des Alpes, exerçant une très grande influence sur l'école du Danube.

Maître du Retable de Pähl

Peintre allemand (actif v. 1400 dans la région de Salzbourg).

Il doit son nom au retable qui semble provenir de la chapelle du château de Pähl près de Weilheim (Haute-Bavière) et qui est conservé au Bayerisches Nationalmuseum de Munich. Le panneau central représente sur un fond d'or ciselé le Christ en croix entre la Vierge et saint Jean, les volets Sainte Barbe et Saint Jean-Baptiste, la face extérieure le Christ de pitié et la Vierge à l'Enfant.

   Ce retable, exécuté peu après 1400, est l'un des premiers et des plus remarquables témoignages du " style doux " en Allemagne du Sud. Plusieurs thèses diffèrent quant à l'origine de l'artiste et au lieu où furent réalisés les panneaux. De nombreux arguments militent à la fois en faveur d'Augsbourg et de Salzbourg, sans que l'on puisse se prononcer en toute certitude pour l'une ou l'autre de ces villes. Aujourd'hui, on pense qu'il s'agissait d'un artiste ambulant : l'autel ne se rattache à aucune tradition locale. L'influence du Maître de Wittingau (ou de Třeboň), originaire de Bohême, transparaît dans toute l'œuvre du peintre souabe, qui, sans appartenir à son école, eut certainement l'occasion de voir ses travaux à Prague. Les délicates silhouettes des personnages spiritualisés sont enveloppées de costumes aux lignes ondoyantes. Les contours harmonieux s'accordent avec la grâce et la subtilité du dessin, et autorisent à considérer le retable de Pähl comme l'une des réalisations les plus remarquables de l'art courtois et international qui devait se développer de Paris à Prague. La subtilité du coloris s'allie à la fluidité des formes pour donner à l'ensemble une parfaite harmonie.

   On attribue au Maître du Retable de Pähl une autre œuvre, de quelques années antérieure, la Vierge d'Aracoeli du musée de Prague. Il s'agit d'une copie fidèle, sur parchemin, d'un petit tableau italien conservé depuis 1368 dans la salle du Trésor de la cathédrale Saint-Guy de Prague, lui-même réplique de l'image miraculeuse romaine de S. Maria d'Aracoeli. Cette madone italo-byzantine du type " Agiosotirissa " ne saurait être considérée comme une réalisation personnelle du maître, mais les figurines qui ornent le cadre peint ne sont pas dénuées d'intérêt ; les 4 demi-figures de Prophètes portant des banderoles et surtout les 6 figures de Saintes soutiennent la comparaison avec les personnages du retable de Pähl.