plafonds et voûtes (suite)
Le mouvement néo-classique
Dans la période qui embrasse approximativement le troisième tiers du XVIIIe s. et le premier tiers du XIXe, l'évolution du goût a imposé un retour d'abord progressif, puis radical au type " fermé ", dont la Renaissance et le Maniérisme avaient donné les exemples les plus caractéristiques. Illustrée essentiellement par l'art profane, l'esthétique nouvelle a trouvé son premier défenseur officiel en Raphael Mengs. Une valeur de manifeste s'attache au Parnasse, avec lequel il décora en 1756, à Rome, le plafond de la galerie de la villa Albani. À vrai dire, on trouve ici moins une solution personnelle qu'un retour à la tendance classique des Bolonais et à l'éclectisme sage de Maratta ; au lieu de peupler le ciel, les figures tendent à s'étaler en surface. On doit à Mengs plusieurs plafonds du Palais royal de Madrid, où la rivalité qui l'opposa à G. B. Tiepolo prend une résonance symbolique.
En France, le changement principal est d'abord venu du retour, déjà amorcé par J.-B. Pierre, au genre noble et à la décoration monumentale. Les plafonds peints, comme on l'a vu, n'étaient plus à la mode à l'époque de la rocaille ; depuis la fin du règne de Louis XV jusqu'à la Révolution, ils verront le jour en grand nombre, et certains à l'instigation de Cochin. Beaucoup viendront recouvrir, d'une façon souvent éphémère, des salles de spectacle ou de fêtes ; ainsi celui de Durameau à l'Opéra de Versailles (1770), celui de Briard à la salle provisoire du banquet royal de Versailles (1770), celui (disparu) de H. Taraval au théâtre privé de Mlle Guimard (rue de la Chaussée d'Antin à Paris), celui de Robin au théâtre de Bordeaux (1778), celui de Lagrenée le Jeune au théâtre du Petit Trianon (1779). Il faut ajouter des plafonds (disparus pour la plupart) peints au palais Bourbon, au Palais-Royal et dans de nombreux hôtels parisiens de cette époque par des artistes tels que Berthélemy, Briard, Durameau, les Lagrenée, Robin. Ces compositions prennent souvent l'aspect d'un ciel nuageux, où volent quelques figures appartenant à une mythologie aimable et vague ; l'effet de profondeur n'y est cependant pas très poussé.
En Angleterre, à la même époque, le décor à l'antique imaginé par Robert Adam apporte un changement beaucoup plus radical dans le sens de la " fermeture " de l'espace ; mais c'est avant tout un décor de stucs, où la peinture ne trouve place qu'en de petits médaillons, dus principalement à Angelica Kauffmann et à Antonio Zucchi. C'est dans les dernières années du XVIIIe s. et au-delà que le Néo-Classicisme européen, sous le signe du retour à l'antique, a vraiment imprimé sa marque sur le décor peint des plafonds et des voûtes. Il s'agit alors à nouveau de " quadri riportati " strictement délimités, dont la composition frontale, à orientation unique, évite la profondeur. En Italie, Andrea Appiani peint dans cet esprit le Parnasse au palais royal de Milan, Odorico Politi une Allégorie de la Paix au plafond du Salone Napoleonico de Venise, Luigi Sabatelli, Domenico Podestà et Pietro Benvenuti plusieurs plafonds au palais Pitti de Florence. En Espagne, Goya peint la coupole de l'ermitage de San Antonio de la Florida à Madrid (1798) ; le Palais royal de Madrid, le palais du Prado, la casa del Labrador à Aranjuez reçoivent des compositions de Bayeu, de Maella, d'Antonio Velázquez. En France, l'ensemble le plus significatif est celui des plafonds recouvrant les salles du musée Charles-X, au Louvre ; ils sont dus à Gros, Évariste Fragonard, Horace Vernet, Picot, Abel de Pujol, Heim, Alaux et à d'autres peintres, sans compter Ingres, qui conçut pour cet emplacement son Apothéose d'Homère, exemple typique d'un tableau qui ne " plafonne " absolument pas.
Du Romantisme à nos jours
La peinture romantique réhabilitant la notion de mouvement, il était normal qu'elle apportât de nouveaux changements à la conception du décor plafonnant. Ces changements se sont faits sous le signe d'un retour à la tradition de la Renaissance vénitienne et, dans une moindre mesure, du Baroque, et ont produit un type plus " ouvert " que celui du Néo-Classicisme. Dans l'ancien Hôtel de Ville de Paris, brûlé en 1871, deux plafonds symbolisaient l'opposition des deux tendances : l'un d'Ingres, représentant sans profondeur une Apothéose de Napoléon d'ordonnance statique ; l'autre de Delacroix, une Allégorie de la Paix pleine de mouvement et de couleur. L'inspiration vénitienne de Delacroix a nourri la décoration de la bibliothèque du palais Bourbon (1838-1847), où des scènes de la fable et de l'histoire antique occupent les pendentifs de cinq coupoles ainsi que les deux demi-coupoles terminales, et celle de la bibliothèque du Sénat (1847), dont la coupole centrale illustre l'Enfer de Dante. C'est dans le même esprit que Chassériau peint la demi-coupole de Saint-Philippe-du-Roule, consacrée au thème unique de la Descente de croix (1854).
La seconde moitié du XIXe s. voit le triomphe de l'éclectisme en Europe. En France, la peinture officielle du second Empire et de la IIIe République trouve un champ d'activité dans la décoration de nombreux plafonds ou éléments de voûtes, genre qui, par nature, ne pouvait s'accommoder des indépendants, réalistes ou impressionnistes. Les édifices publics de Paris montrent des compositions qui, sans constituer un apport original, prouvent au moins la culture artistique et l'habileté de leurs auteurs. À l'Opéra, il faut signaler le plafond de la salle, peint par Lenepveu, et la voûte du foyer, décorée par Baudry et Elie Delaunay ; au nouvel Hôtel de Ville, les peintures de Besnard, de Bonnat, de Gervex, d'Aimé Morot ; au Petit Palais, celles de Besnard ; au buffet de la gare de Lyon, témoignage des fastes de la Belle Époque, les compositions de Flameng, de Gervex, de Latouche. Il y a plus de sincérité chez le Catalan José Maria Sert, auteur de la décoration peinte de la cathédrale de Vich, conçue d'abord en 1900, recommencée en 1926, puis à partir de 1940, chaque fois avec un sens de l'espace et de la forme qui fait revivre Tintoret et Tiepolo.
Le symbolisme et certains mouvements du Postimpressionnisme avaient vocation, par leur sens des rythmes décoratifs, à participer à l'embellissement des édifices. Puvis de Chavannes reste fidèle à sa conception statique de l'art en peignant à Paris, au-dessus de l'escalier de l'Hôtel de Ville, mais sans effet plafonnant, la composition Victor Hugo offrant sa lyre à la Ville de Paris. Une coupole du Petit Palais montre comment Maurice Denis substitue à la profondeur le jeu des formes plates.
Il semblerait que, de nos jours, il n'y ait plus de place pour des décors de ce genre. Trois exemples parisiens prouvent cependant qu'il est encore possible de peindre des plafonds, selon des tendances très diverses. Au Louvre, une composition de Braque (les Oiseaux, 1953), traitée en aplats, s'inscrit dans les caissons de la Renaissance et limite par elle-même l'espace de la salle. Plus libre est le plafond de Chagall dans la salle de l'Opéra, qui masque depuis 1964 celui de Lenepveu, mais dont les figures ne sont pas assez liées les unes aux autres pour convenir vraiment à ce type de décoration. En revanche, le plafond peint par André Masson au théâtre de l'Odéon en 1965 témoigne d'une heureuse inspiration baroque.