Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Picart (Jean-Michel)

Peintre français d'origine flamande (Anvers 1600  – Paris 1682).

On le rencontre pour la première fois en 1634 à Paris, où il est membre de l'Académie de Saint-Luc en 1640. Si quelques Bouquets de fleurs (musée de Saint-Étienne) subsistent pour témoigner de son activité de peintre de natures mortes (Corbeille de pêches et de raisins, musée de Karlsruhe), les textes le présentent plutôt comme un expert et un marchand de tableaux. Ses toiles, raffinées dans leur mise en page et d'un coloris vif et acide, le mettent toutefois au premier plan des peintres de fleurs du temps.

Picasso (Pablo Ruiz)

Peintre et sculpteur espagnol (Málaga 1881  – Mougins 1973).

La formation. Barcelone

Bien que certains auteurs, soucieux de trouver une explication fondée sur l'hérédité à la versatilité stylistique du peintre, aient attribué à sa mère des origines juives, la famille est strictement espagnole et même andalouse, de petite bourgeoisie provinciale. Le père, José Ruiz Blasco (Picasso est le nom de la mère de l'artiste), est un peintre sans talent, professeur à l'École des beaux-arts de Málaga, puis au lycée de La Corogne, où il émigre avec sa famille en 1891, et enfin à Barcelone, où Pablo le rejoint en septembre 1895. C'est là que commence sa véritable éducation artistique, malgré un séjour de quelques mois pendant l'hiver de 1897-98 dans la très académique Madrid, qui n'a rien à lui apprendre tant sa maîtrise a été précoce dans ce domaine (l'Homme à la casquette, 1895). Le climat de Barcelone, dominé par l'extraordinaire personnalité de l'architecte Gaudí (l'atelier de Picasso se trouvait devant une maison construite par celui-ci calle Conde del Asalto), est très ouvert aux influences extérieures : celles de l'Art nouveau, de Beardsley, de Munch et, d'une façon générale, de l'Expressionnisme septentrional plutôt que de l'Impressionnisme et de la peinture française, à l'exception de Steinlen et de Lautrec, dont l'influence se manifeste très tôt dans l'œuvre de Picasso : la Danseuse naine (1901, Barcelone, musée Picasso). Les artistes catalans, que le peintre rencontre au café El Quatre Gats (les Quatre Chats), découvrent en même temps, à travers Greco, Zurbarán, la sculpture médiévale de Catalogne, une Espagne plus sauvage et passionnée que celle de l'enseignement officiel. Cette intelligentsia provinciale et romantique est enfin profondément marquée par des préoccupations sociales et la violence élémentaire des milieux anarchistes. Picasso semble avoir profondément vécu la misère matérielle et morale des prostituées et des alcooliques qui hantent les cabarets et les maisons de passe du Barrio Chino, qui lui fourniront l'essentiel des personnages et des thèmes de la période bleue (1901-1905).

Premiers séjours à Paris. Période bleue et période rose

Il fait en 1900 un premier séjour à Paris, où il rejoint son ami Isidro Noñell, celui des peintres catalans dont il est le plus proche, mais dont il semble bien avoir beaucoup moins subi l'influence que ne l'ont prétendu certains historiens espagnols. Il revient à Paris en 1901 et 1902, s'y installe définitivement en 1904. Malgré la tonalité parisienne de certaines toiles de cette époque (la Femme au verre d'absinthe, 1901 ; le Tub, 1901, Washington, Phillips Coll. ; Au Lapin agile, 1905), l'œuvre demeure jusqu'en 1907 celle d'un peintre espagnol, d'un jeune peintre exceptionnellement doué qui fait à Paris solitairement son apprentissage international et assimile avec la plus déconcertante facilité les influences les plus diverses : Lautrec, Gauguin (la Vie, 1903, musée de Cleveland), Eugène Carrière (Mère et enfant au fichu, 1903, Barcelone, musée Picasso), Puvis de Chavannes (Maternité au bord de la mer, 1902) ; Picasso s'inspire aussi bien de l'esthétique décorative des Nabis (Arlequin accoudé, 1901) que de l'art grec (l'Abreuvoir, pointe-sèche, 1905) et de la plus pure tradition hispanique (le Vieux Guitariste, 1903, Chicago, Art Inst. ; Portraits de Mme Canals, 1905, Barcelone, musée Picasso). Après les œuvres de la période bleue (ainsi nommée à cause de la dominante bleue), qui représentent dans un décor intemporel une humanité déchue, émaciée par le travail et la faim (le Couple, 1904 ; la Repasseuse, 1904, New York, Guggenheim Museum ; le Repas frugal, eau-forte, 1904), la période rose évoque avec moins d'âpreté et dans une tonalité plus claire mais avec les mêmes préoccupations sentimentales et décoratives le monde du cirque et des gens du voyage (Famille d'acrobates au singe, 1905, musée de Göteborg ; Acrobate à la boule, Moscou, musée Pouchkine ; les Bateleurs, Washington, N. G. ; Enfant et saltimbanque assis, 1906, Zurich, Kunsthaus).

Avant le Cubisme

Jusqu'en 1906, la peinture de Picasso est très spontanée, indifférente aux problèmes purement plastiques, et l'artiste ne semble avoir guère manifesté d'intérêt pour les recherches de la peinture contemporaine. Dès 1905, il paraît soucieux de donner plus de simplicité et de poids aux volumes, moins d'ailleurs dans ses premiers essais de sculpture (le Fou, 1905) que dans les œuvres de la période hellénisante (Jeune Homme nu conduisant un cheval, New York, M. O. M. A.). Mais la rupture avec le maniérisme décoratif de l'œuvre de jeunesse a lieu au cours du séjour qu'il fait pendant l'été de 1906 en Andorre, à Gosol, au cours duquel on peut situer sa conversion à un " primitivisme " affectif et formel, qu'il ne cessera dès lors d'exploiter à intervalles plus ou moins réguliers au cours de sa carrière. Au retour de Gosol, Picasso achève avec une abrupte intensité le Portrait de Gertrude Stein (Metropolitan Museum), peint les déjà monstrueuses et barbares Femmes nues (New York, M. O. M. A.), travaille pendant tout l'été aux Demoiselles d'Avignon (New York, M. O. M. A.), toile extrêmement complexe où se mêlent la reprise de thèmes antérieurs (le Harem, 1906, Cleveland, Museum of Art), l'influence de Cézanne, celle de la sculpture ibérique et celle de l'art nègre, qui est incontestablement, bien que l'artiste ait prétendu le contraire, une des sources principales du Cubisme (Nu à la draperie, 1907, Ermitage).

Le Cubisme

De 1907 à 1914, Picasso travaille en si étroite collaboration avec Braque qu'il n'est pas toujours possible de préciser la part qui lui revient dans les diverses étapes de la révolution cubiste. Après une période cézannienne qui s'achève avec le Portrait de Clovis Sagot (printemps de 1909, musée de Hambourg), il accentue la réduction des formes à des solides géométriques (Usine à Horta de Ebro, été de 1909, Ermitage), gonfle et casse les volumes (Portraits de Fernande Olivier, 1909, Düsseldorf, K. N. W.), les fait éclater en plans et en facettes qui se prolongent dans un espace lui-même analysé comme un solide et tendant à se réduire au plan du tableau (Portrait de D. H. Kahnweiler, 1910, Chicago, Art Inst.). La perspective disparaît, la palette tend à devenir monochrome et, bien que le but initial du Cubisme ait été de donner le sentiment de la réalité, de la pesanteur des masses de façon plus convaincante que par les procédés traditionnels, les toiles se réduisent souvent à d'indéchiffrables rébus. Pour retrouver le contact avec la réalité, Picasso et Braque introduisent dans les tableaux des lettres d'imprimerie (l'Aficionado, 1912, musée de Bâle), des éléments en trompe-l'œil, puis des matériaux bruts. En mai 1912, Picasso réalise le premier collage (Nature morte à la chaise cannée, Paris, Musée Picasso) collant sur sa toile un morceau de toile cirée et une feuille de papier. En octobre, il réalise son premier assemblage tridimensionnel (Guitare, M. O. M. A.) et en novembre ses premiers papiers collés (Guitare, partition et verre, San Antonio, Mc Nay Art Museum). La technique des collages conduit Picasso à recomposer les facettes du prisme cubiste en larges plans disposés sans profondeur et d'apparence presque arbitraire (Violon et guitare, 1913, Philadelphie, Museum of Art, coll. Arensberg) ou à interpréter de façon détendue et humoristique les découvertes des années 1910-1913 (Portrait de jeune fille, 1914, Paris, M. N. A. M.). La période proprement cubiste de l'œuvre de Picasso s'achève peu après le début de la Première Guerre mondiale, qui le sépare de Braque, même si l'artiste utilise jusqu'en 1921 certains procédés cubistes pour des œuvres majeures (les Trois Musiciens, 1921, New York, M. O. M. A. et Philadelphia Museum of Art).