Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Jahns (Rudolf)

Peintre allemand (Wolfenbüttel 1896 – Holzminden 1983).

Après avoir effectué ses études à Brunswick, il est mobilisé pendant la guerre de 1915 à 1918. En 1920, il se fixe à Holzminden, où il résidera jusqu'à sa mort. Dès le début des années 1920, il réalise des tableaux abstraits, qui restent toujours fondés sur la mise en place de formes figuratives très stylisées. À partir de 1925, Rudolf Jahns devient un artiste dans la lignée du Constructivisme. Ses compositions jouent sur des aplats de couleur et des formes géométriques simples, disposés dans un espace à deux dimensions structuré par l'horizontale et la verticale : son style, comme le montre son tableau Nu dans l'espace (1923, Museum Sprengel, Hanovre), n'est pas sans évoquer celui de Willi Baumeister. En 1924, Rudolf Jahns a l'occasion d'exposer à la galerie Der Sturm à Berlin. Il se lie d'amitié en 1927 à Hanovre avec Kurt Schwitters et Carl Buchheister, avec lesquels il participe à la fondation du groupe d.a.h. (Die Abstrakten Hannover [" les abstraits de Hanovre "]), et d'autres artistes, tels que Hans Nitzschke et César Domela, qui résidait à Berlin. En 1927, l'un de ses tableaux figure dans le Cabinet des abstraits, installé par Lissitsky au Provinzial Museum de Hanovre. Jahns sera interdit d'activité en 1933 par les nazis. Après la guerre, il poursuivra son œuvre dans un style plus organique, pour revenir à la fin de sa vie à une peinture plus construite.

Jakopiahc (Rihard)

Peintre d'origine slovène (Ljubljana  1869  – id. 1943).

Après des études secondaires à Ljubljana, il s'inscrit à l'Académie des beaux-arts de Vienne en 1887, puis, après un an passé à Munich, il pousse son compatriote Anton Azbé à ouvrir une école de peinture, qui devient, à partir de 1890, l'une des plus réputées de Munich. De 1870 à 1900, il passa ses étés à peindre les paysages de Slovénie, travaillant le reste de l'année à Munich chez Azbé. Il se consacrait avec enthousiasme à la peinture de plein air.

   Sa personnalité fit de lui, dès 1900, le chef de file des impressionnistes slovènes (Grohar, Jama, Sternen), avec lesquels il travailla et exposa (Vienne, 1904-1905 ; Belgrade, 1904, 1907 ; Berlin, 1905 ; Londres, 1905 ; Sofia, 1906). Jakopič organisa la première exposition d'art slovène à Ljubljana en 1900, ouvrit une école de peinture en 1907 avec Sternen, qu'il dirigea seul ensuite jusqu'en 1914, et construisit en 1908, par ses propres moyens, le premier pavillon d'exposition de Slovénie.

   Son évolution comporte 3 phases : l'Impressionnisme pur jusqu'en 1906 (Bouleaux en automne, 1902, Ljubljana, N. G. ; Hiver, 1905, id.), puis un réalisme poétique, de facture encore impressionniste, où alternent paysages et figures jusqu'en 1917 (Baigneuse, 1910, Ljubljana, G. A. M. ; Bouleaux, 1910, Belgrade, M. N. ; Souvenirs, 1912, Ljubljana, N. G. ; Verger, 1913, Ljubljana, G. A. M.). La 3e époque se distingue par un expressionnisme vivement coloré (la Save, 1922 ; Dans la chambre bleue, 1923 ; le Soir sur la Cave, 1926 ; tous à la G. A. M. de Ljubljana). Cet art d'avant-garde constitue, avec celui de Nadežda Petrović, l'un des fondements de la peinture contemporaine en Yougoslavie.

Janco (Marcel)

Peintre israélien d'origine roumaine (Bucarest 1895  – Tel-Aviv 1984).

Il étudie l'architecture à Zurich (1913-1916) et participe avec Arp, Tzara et Ball aux toutes premières manifestations dada, au Cabaret Voltaire (Portrait de Tristan Tzara, v. 1916, Jérusalem, musée d'Israël). Il réalise alors des reliefs peints, des sculptures (Masque, 1919, Paris, M. N. A. M.) et des peintures abstraites (Architecture Empire brillant, 1918, Zurich, Kunsthaus) après avoir connu une courte phase figurative marquée par le Futurisme (Bal à Zurich, 1917, Jérusalem, musée d'Israël). Janco travaille à Paris de 1920 à 1923 et se sépare bientôt des surréalistes, par opposition de caractère mais aussi d'idéologie. Rentré à Bucarest en 1923, il y dirige le mouvement et la revue Contimporanul. Arrivé en Palestine en 1940, après l'avènement du régime fasciste en Roumanie, il y devient rapidement l'un des principaux animateurs de la vie artistique. En 1948, il est l'un des fondateurs du groupe Horizons nouveaux et expose dans son cadre pendant plusieurs années.

   En 1953, il fonde le village d'artistes Ein Hod, près de Haïfa, espérant y appliquer ses idées sur l'art, l'artisanat et la fonction de l'artiste dans la société. L'art de Janco se développe suivant deux directions : l'une unit l'esprit dada à un certain Classicisme abstrait et prolonge l'œuvre de jeunesse dans des peintures et des reliefs fortement structurés (Paysage, 1963, Jérusalem, musée d'Israël), l'autre est expressionniste, quelquefois symbolique, chargée d'émotion tragique (les Sirènes, 1949) et parfois empreinte d'un humour très personnel, manifesté dans les portraits et les scènes de vie orientale.

   À partir de 1965, dans ses reliefs métalliques, Janco revient, d'une façon spectaculaire, aux conceptions plastiques de sa jeunesse. Il a illustré divers ouvrages (notamment de Tristan Tzara) et exécuté des décors de théâtre. Le musée de Tel-Aviv lui a consacré une rétrospective en 1972. Ses œuvres se trouvent dans les musées d'Israël (Jérusalem et Tel-Aviv), de Roumanie, de Suisse, de Paris (M. N. A. M.) et de Chicago (Art Inst.).

Janmot (Louis)

Peintre français (Lyon 1814  – id. 1892).

Depuis sa redécouverte en 1950, à l'occasion de l'exposition de son cycle du Poème de l'âme (Lyon, M. B. A.), Janmot continue à résister à l'analyse et au classement. Il reçut une double formation, philosophique et mystique, au Collège royal de sa ville, artistique, à l'École des beaux-arts de Lyon puis dans l'atelier d'Ingres à partir de 1836. Sa vie fut une suite de déconvenues. Il dut se contenter de commandes décoratives pour des édifices lyonnais. Toutes ses tentatives pour faire carrière à Paris échouèrent : son Poème de l'âme n'obtint pas l'accueil escompté à l'Exposition universelle de 1855 ; il travailla dans l'isolement, se coupant de toute clientèle jusqu'à sa mort, laissant une œuvre déconcertante. En effet, Janmot conjura ses doutes par le recours à de multiples références (son faux air de préraphaélite s'explique, selon la formule de René Jullian, par un " parallélisme d'époque, d'atmosphère et d'orientation ") et par la fréquentation des catholiques libéraux et des mystiques lyonnais. Cet instable ne parvint jamais à une synthèse : aux œuvres équilibrées comme sa Fleur des champs (1833, Lyon, M. B. A.) succéda une peinture cyclique, vouée aux fluctuations et à l'inachèvement. Le Poème de l'âme, projeté dès 1835, commencé en 1847, devait compter trente-quatre tableaux ; soutenu par de nombreux dessins, il s'arrêta à dix-huit toiles, tandis que les autres demeuraient à l'état de cartons (Lyon, M. B. A.). De pictural, il devint littéraire, avec la publication en 1881 d'un poème explicatif de quatre mille vers, ultime tentative pour conjurer l'incompréhension. Peut-être faut-il méditer les remarques de Baudelaire, qui trouva dans la peinture de Janmot " un charme infini et difficile à décrire, quelque chose des douceurs de la solitude, de la sacristie, de l'église et du cloître ; une mysticité inconsciente et enfantine ".