Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

Giotto
ou Giotto di Bondone (suite)

Chronologie des œuvres de maturité

Pour établir la chronologie des nombreuses œuvres sorties de l'atelier de Giotto entre 1305 (chapelle des Scrovegni) et 1328 (séjour napolitain), la critique ne dispose pas de dates sûres. Mais la recherche d'une cohérence plausible dans le développement stylistique et les confrontations avec la peinture de l'époque amènent à proposer, d'une manière non exhaustive et tout à fait hypothétique, le déroulement suivant :

   – 1303-1305 env. : Crucifix (Rimini, S. Francesco) ; Madone en majesté entre des anges et des saints (Offices, provenant de l'église d'Ognissanti) ;

   – 1308-1310 env. : Scènes de la vie de Lazare et de Marie-Madeleine (fresques, Assise, S. Francesco, basilique inférieure, chapelle de la Madeleine) ;

   – 1309-1310 env. : polyptyque avec la Madone à l'Enfant entre les saints Eugène, Miniato, Zanobi et Crescentius ; au revers l'Annonciation avec les saintes Reparata et Madeleine et les saints Jean-Baptiste et Nicolas (Florence, S. Maria del Fiore, provenant de l'ancienne cathédrale, S. Reparata) ;

   – 1310 env. : Dormition de la Vierge (musées de Berlin, provenant de l'église d'Ognissanti) ;

   – 1310-1312 env. : Scènes de l'enfance du Christ et quatre Allégories franciscaines (Assise, S. Francesco, basilique inférieure, voûtes du transept droit et de la croisée du transept), où Giotto expérimente pour la première fois la peinture à sec sur le mur, qu'il emploie (v. 1313), de préférence à la fresque traditionnelle, dans les Scènes de la vie de saint Jean-Baptiste et de saint Jean l'Évangéliste (Florence, S. Croce, chapelle Peruzzi), célèbres au point d'avoir été encore étudiées par Michel-Ange dans sa jeunesse ;

   – 1315-1320 env. : polyptyque avec le Christ bénissant entre la Vierge, Saint Jean l'Évangéliste, Saint Jean-Baptiste et Saint François (Raleigh, North Carolina Museum ; provenant peut-être de l'autel de la chapelle Peruzzi) ; polyptyque avec la Madone à l'Enfant entre Saint Étienne, saint Jean l'Évangéliste, saint François ( ?) et Laurent (Washington, N. G. ; Florence, musée Horne ; Chaalis, musée Jacquemart-André) et 8 panneaux avec des Scènes de la vie du Christ qui faisaient peut-être à l'origine partie du même ensemble (Boston, Gardner Museum ; Metropolitan Museum ; Londres, N. G. ; Settignano [Florence], fondation Berenson ; Munich, Alte Pin.) ;

   – 1320-1325 env. : le Christ en trône, le Martyre de saint Pierre, la Décollation de saint Paul, portant au revers Saint Pierre en chaire entre les Saints Jacques, Paul, André et Jean l'Évangéliste (Polyptyque Stefaneschi, Vatican, autref. sur le maître-autel de Saint-Pierre).

   Dans les fresques des Scènes de la vie de saint François (fresques, Florence, S. Croce, chapelle Bardi), Giotto traite certains thèmes d'Assise, et ses reprises permettent de mesurer le long chemin parcouru par l'artiste en trente ans d'activité.

   – 1328 env. : polyptyque avec la Madone à l'Enfant en trône entre les Saints Pierre, Gabriel, Michel et Paul (Bologne, P. N., autref. sur le grand autel de S. Maria degli Angeli, signé " Opus magistri locti de Florentia ").

Le problème de l'atelier

La critique a depuis longtemps observé que ces œuvres, qui reflètent dans une certaine mesure l'évolution des conceptions de Giotto, ne peuvent être considérées comme absolument homogènes et démontrent au contraire que le maître employait souvent des aides, auxquels il laissait, selon les circonstances, une plus ou moins grande autonomie.

   Définir l'œuvre de Giotto lui-même dépend donc dans une large mesure de l'identification de ses aides et de la part qu'ils prirent dans la production de l'atelier. Inversement, l'authentification des œuvres exécutées par Giotto lui-même permet de dégager la participation de ses élèves. On comprend pourquoi cela reste un des points les plus controversés, bien que l'on puisse certifier auj. que les œuvres postpadouanes différentes de celles-ci ne doivent pas nécessairement être attribuées à l'intervention de quelque élève. Il faut d'abord admettre une évolution du maître lui-même et la contribution originale qu'il apporta ultérieurement au cours nouveau de la peinture florentine dans le sens d'un gothique plus aristocratique et d'une plus grande richesse chromatique. D'autre part, nous ne pouvons pas ne pas attribuer à Giotto lui-même, car il les appliqua dès ses débuts (depuis la dernière décennie du XIIIe s.), les extraordinaires idées d'espace et d'architecture en perspective qui apparaissent précisément aussi dans les plus discutées de ses œuvres, depuis les fresques du transept d'Assise jusqu'au Polyptyque Stefaneschi.

   L'aide de Giotto dont la personnalité était la plus affirmée a été diversement dénommé par la critique : " Maestro oblungo " (A. Venturi), " Maestro del Polittico Stefaneschi " (R. Offner, M. Meiss), " Maestro del Polittico di S. Reparata " (R. Longhi) ou " Parente di Giotto " (G. Previtali). On peut encore rapprocher de lui d'autres œuvres d'une grande qualité qui sont parfois attribuées à Giotto lui-même : le grand Crucifix de l'église d'Ognissanti, le diptyque avec la Crucifixion et la Madone à l'Enfant en trône entre des saints et des vertus (musée de Strasbourg ; New York, coll. part.), la Crucifixion de Berlin et les fresques des Miracles de saint François après sa mort (Assise, S. Francesco, basilique inférieure, transept droit).

Giotto au service de Robert d'Anjou

De 1328 à 1333, Giotto travaille au service de la cour napolitaine, avec de nombreux élèves. Il ne subsiste pratiquement rien des œuvres exécutées au cours de cette période, mais certains restes de l'activité de son atelier permettent de percevoir également à Naples le développement des tendances qui paraissaient dans le Polyptyque Stefaneschi et les fresques de la chapelle Bardi, vers un chromatisme plus raffiné et un goût gothicisant et aristocratique. Il s'agit d'un fragment d'une grande fresque avec une Lamentation du Christ mort (Naples, S. Chiara, chœur des Clarisses), proche surtout des fresques du transept d'Assise, d'une autre fresque avec la Mensa del Signore (Multiplication des pains et des poissons en présence de saint François et de sainte Claire, Naples, couvent de S. Chiara, salle capitulaire), qui reflètent nettement l'art du " Parente di Giotto ", et surtout d'intéressantes têtes de Saints et d'Hommes illustres qui apparaissent dans les ébrasements des fenêtres de la chapelle de S. Barbara au Castel Nuovo (Naples). Dans ces fresques, la discontinuité stylistique indique clairement la présence de différents aides, parmi lesquels on a justement distingué un autre grand peintre florentin, Maso di Banco. Ici, comme ailleurs, les signes de la première activité de Taddeo Gaddi, que la tradition désigne comme l'héritier le plus direct de l'art giottesque, sont moins certains.

Dernière période florentine

De retour à Florence, Giotto est nommé maître d'œuvre pour les travaux de S. Reparata et surintendant des murs et des fortifications de la commune (12 avr. 1334). Parmi les œuvres sorties de son atelier à cette époque, le grand polyptyque à 5 panneaux avec le Couronnement de la Vierge, signé sur la prédelle " Opus magistri locti " (Florence, S. Croce, chapelle Baroncelli), est celle qui a fait le plus penser au style de jeunesse du Florentin Taddeo Gaddi (v. 1300-1366).

   Maître d'œuvre du Dôme, Giotto dirige les premiers travaux relatifs à l'érection du célèbre campanile (commencé le 18 juill. 1334) qui portera désormais son nom. Entre cette date et celle de sa mort (8 janv. 1337), il fit un séjour à Milan, où il travailla pour Azzone Visconti. Les peintures exécutées en cette occasion ont toutes été perdues, mais il est évident que sa présence est sensible dans l'œuvre des peintres lombards au cours des années suivantes.

   La dernière œuvre entreprise par son atelier, et que Giotto ne put voir achevée, fut les fresques des Scènes de la vie de Madeleine, le Paradis (avec le célèbre portrait de Dante) et l'Enfer (Florence, Bargello, chapelle du podestat). Malgré leur mauvais état de conservation, on peut reconnaître, à travers l'excellente exécution des différents membres de l'atelier, les dernières grandes idées du créateur de la peinture italienne.