Largillière (Nicolas de)
Peintre français (Paris 1656 – id. 1746).
Né à Paris d'un père chapelier, Largillière passe sa jeunesse à Anvers, où il est élève d'Antoine Goubau et où il est reçu maître à la gilde en 1672. Peu après, il se rend en Angleterre, où il est protégé par Peter Lely, qui l'emploie dans son atelier. Cette double formation de peintre de genre et de portraitiste se retrouvera dans toute sa carrière. Mal vu comme catholique, Largillière revient à Paris en 1682, où il est protégé par une solide colonie flamande, groupée autour de Van der Meulen.
En 1686, il est reçu à l'Académie avec un grand Portrait de Le Brun (Louvre) où éclatent déjà ses principales qualités : capable d'orchestrer de manière flatteuse et solennelle un portrait dans lequel il a enfermé en raccourcis symboliques toute la carrière de son modèle, il retient en même temps l'attention par une exécution brillante et la vigueur de l'analyse psychologique. L'essentiel de sa carrière est consacré au portrait, mais il fut aussi chargé de commémorer divers événements de la vie de Paris. Il sut alors rajeunir la tradition des portraits de groupe hollandais (Corps de ville délibérant... en 1687, perdu ; esquisses au Louvre et à l'Ermitage) ou associer les échevins parisiens à une apparition céleste (Ex-voto à sainte Geneviève, 1696, Paris, église Saint-Étienne-du-Mont). Il exécuta également de rares peintures d'histoire (Moïse sauvé des eaux, 1728, Louvre), quelques paysages (Louvre) et des natures mortes, largement traitées dans une harmonie colorée très simple, probablement assez tôt dans sa carrière (Paris, Petit Palais ; musées d'Amiens, de Dunkerque et de Grenoble). Portraitiste, il est l'auteur d'une œuvre immense (1 500 numéros, selon ses contemporains), répartie sur une soixantaine d'années, sans qu'il soit facile d'en distinguer l'évolution, d'autant que beaucoup de ses portraits sont encore dans des coll. part. Sa clientèle, un peu moins aristocratique que celle de son ami Rigaud, se recrute surtout chez les parlementaires, les financiers et autres grands bourgeois. Dans les œuvres de jeunesse, la mise en page, assez simple, se rattache aux portraits français de la génération antérieure, en se combinant à la distinction des portraits anglais dérivés de Van Dyck (Précepteur et son élève, 1685, Washington, N. G.). Ce réalisme traditionnel, animé par un certain dynamisme de la ligne, est bien visible dans ses portraits en buste, au décor réduit et simplement traité (Pupil de Craponne, 1708, musée de Grenoble) ; on le retrouve toujours dans ses nombreux portraits : Jean Thierry, Versailles, Norbert Roettiers, Cambridge, Mass., Fogg Art Museum, J. B. Forest, 1704, musée de Lille, Thomas Germain et sa femme, 1736, Lisbonne, fondation Gulbenkian, Autoportrait, 1711, Versailles ; le Portrait de famille (Louvre, réplique au Wadsworth Atheneum d'Hartford) identifié souvent comme celui de Largillière avec sa femme et sa fille n'est plus considéré comme un autoportrait. Ce réalisme apparaît encore dans certains portraits féminins exceptionnels, où il joue parfois d'une dominante chromatique, le noir pour la fameuse Belle Strasbourgeoise (1703, musée de Strasbourg) ou le blanc pour le Portrait d'Elizabeth Trockmorton (1729, Washington, N. G.).
Il convient toutefois de noter que ses effigies de femmes, campées dans des poses avantageuses (Mademoiselle Duclos, Comédie-Française et Chantilly, musée Condé), malgré leur brio, sont souvent vides de contenu psychologique ; en revanche, dans les meilleurs portraits d'hommes, l'étude nerveuse d'étoffes profondément creusées par les ombres s'allie efficacement à la description sans complaisance des visages.
Larionov (Mikhaïl Feodorovitch, dit Michel)
Peintre français d'origine russe (Tiraspol 1881- Fontenay-aux-Roses 1964).
Admis en 1898 à l'École de peinture, de sculpture et d'architecture de Moscou, il y rencontre Nathalie Gontcharova et abandonne ses études pour travailler seul. Il accompagne Diaghilev à Paris en 1906 et s'occupe de la présentation de la peinture russe au Salon d'automne. En 1907, il rencontre David Bourliouk et organise avec lui l'exposition Stephanos à Saint-Pétersbourg. Il travaille, cette même année, avec le groupe de la Rose bleue, qui exprime ses idées dans la revue la Toison d'or. La première exposition portant ce nom a lieu en 1908. Larionov occupe d'emblée une position de chef de file de l'avant-garde russe. Avec les frères Bourliouk (David et Vladimir), il fonde, en 1910, le Valet de carreau, mais, l'année suivante, soucieux de conserver sa liberté et d'éviter tout rattachement à une école, il quitte avec fracas le groupe parce que les exposants se constituent en société à statuts. En mars 1912, l'exposition la Queue de l'âne, préparée par ses soins, présente à Moscou un grand nombre d'œuvres primitivistes ; en 1913, au moment de la publication du Manifeste du Rayonnisme, dans lequel Larionov explique le principe du rayonnement de la couleur produit par la réflexion de la lumière sur les objets, l'artiste les présente à l'exposition de l'Union de la jeunesse en 1912-13. L'exposition la Cible fait le point sur ses théories. Il y montre le cycle des Saisons (l'Automne, Paris, M. N. A. M.) et une sélection d'images populaires et d'icônes.
Il part pour Paris en 1914 avec Diaghilev ; en juin, il expose avec Gontcharova chez Paul Guillaume ; la préface du catalogue est rédigée par Guillaume Apollinaire, ardent défenseur du Rayonnisme. Revenu en Russie à la déclaration de guerre, Larionov est démobilisé pour raison de santé, et il participe à l'exposition Année 1915 avant de rejoindre Diaghilev en Suisse. Il ne retournera jamais en Russie. Il abandonne alors la peinture de chevalet pour se consacrer au décor de théâtre et plus précisément au décor de ballet, cette forme d'art étant pour lui une animation de la peinture dans laquelle les principes du Rayonnisme ont logiquement trouvé leur mode d'expression le plus favorable. Dès 1915, il fournit décors et costumes pour Soleil de nuit de Rimsky-Korsakov ; il crée le rideau, les décors et les costumes des Contes russes (Liadov) en 1917, de Chout (Prokofiev) en 1921, de Renard (Stravinski) en 1922. En même temps, il expose à Paris (gal. Sauvage, 1918 ; gal. des Feuillets d'art, 1920), à New York (1922), à Bruxelles (1923), à Dresde (1927). En 1930, il organise avec Pierre Vorms la première exposition rétrospective des maquettes, des décors et des costumes des Ballets russes (Paris, gal. Billiet, oct. 1930). Il dessine les costumes du ballet Symphonie classique de Prokofiev ; il crée en 1932 les décors et les costumes de Sur le Borysthène du même musicien et, en 1935, les décors et les costumes de Port-Saïd de Constantinov. En 1948, il participe à l'exposition rétrospective du Rayonnisme (Paris, gal. des Deux-Îles) ; en 1954, il partage avec Natalia Gontcharova une salle particulière à l'exposition Diaghilev (Londres, Édimbourg). À demi paralysé pendant plusieurs années, il commençait à reprendre ses pinceaux de la main gauche quand la mort le surprit.