Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Grossberg (Carl)

Peintre allemand (Wuppertal-Elberfeld  1894  – France  1940).

De 1913 à 1914, Grossberg suit des cours d'architecture à l'école des Arts et Métiers d'Aix-la-Chapelle et de Darmstadt. Au retour de la guerre, en 1919, Feininger l'accueille au Bauhaus de Weimar. En 1921, Grossberg s'établit à Sommerhausen : une première exposition lui est consacrée à Würzburg en 1924. En 1925, de nombreux voyages lui font parcourir l'Allemagne et la Hollande. Plusieurs dessins et aquarelles ont déjà pour thème le paysage industriel. Absent à l'exposition de la Nouvelle Objectivité organisée en 1925 par la Kunsthalle de Mannheim, il participe aux manifestations que la Galerie Neumann-Nierendorf à Berlin en 1927 et le Stedelijk à Amsterdam en 1929 consacrent à cette tendance. En 1931, une bourse pour la villa Massimo à Rome lui permet de se rendre en Italie. Deux rétrospectives ont été organisées de son vivant : en 1934 à la Kestner Gesellschaft de Hanovre par Justus Bier et en 1935 au musée Folkwang d'Essen. De 1928 à 1933, ses œuvres privilégient le paysage urbain et industriel (Pont au-dessus de la Schwarzbachstrasse à Wuppertal, 1927, Wuppertal, von der Heydt-Museum) ainsi que les formes machinistes (Plongeur, 1931 ; Tuyaux blancs, 1933), que le peintre dote d'une pureté idéale, opposée au symbolisme sexuel cher aux dadaïstes. Presque tous ses tableaux révèlent des formes simplifiées et des volumes définis qui accordent peu de place à la représentation humaine. Si Grossberg partage avec les précisionnistes américains, surtout avec Charles Sheeler, une fascination commune pour le monde de la machine, il peuple son univers industriel de créatures de fantaisie (singes, chauves-souris, oiseaux exotiques) et confère ainsi à ses œuvres — qu'il appelle " tableaux de rêve " — une dimension fantastique proche du Surréalisme (Tableau de rêve : Rotor, 1927 ; Étude avec chauve-souris, 1928).

Grosz (Georg)

Dessinateur et peintre américain d'origine allemande (Berlin 1893  – id. 1959).

Il passe son enfance à Stolo (Poméranie), où il travaille chez un décorateur local, et fréquente l'Académie des beaux-arts de Dresde de 1909 à 1911. L'année suivante, il donne des premiers dessins aux revues Ulk et Lustige, commence à peindre à l'huile et s'installe à Berlin en 1911. Il fait un premier séjour à Paris en 1913 et travaille à l'Académie Colarossi. Mobilisé en 1914, il est réformé en 1915 ; la même année, il rencontre Heartfield, F. Jung et Herzfelde, avec qui il fonde en 1916 le journal Die Neue Jugend. Inscrit au parti communiste et principal collaborateur à Die rote Fahne, en 1918, il participe aux activités du groupe dadaïste et organise notamment en 1920 la première foire internationale dada à Berlin. Nommé président du Rote Gruppe en 1924, il commence à collaborer aux revues Der Knüppel et Der Guerschnitt. Jusque v. 1920, son œuvre est nettement marqué par l'esthétique futuriste (Metropolis, 1917, New York, M. O. M. A. ; Funérailles d'Oscar Panizza, 1917-18, Stuttgart, Staatsgal.) et se rapproche parfois de la " peinture métaphysique " (Sans titre, 1920, Düsseldorf, K. N. W.). Après la guerre, Grosz abandonne le plus souvent l'irréalisme de ses débuts pour une manière directement accessible, au service de l'intention satirique, et attaque dans ses recueils de dessins et de gravures (Gott mit uns, 1920 ; Ecce homo, 1923) comme dans ses tableaux (les Piliers de la société, 1926, Berlin, N. G.) " une société dominée par les galons, la redingote, la soutane et le coffre-fort " (in Léon Bazalgette, Grosz, Paris, 1926). Les scènes de rue berlinoises, dessinées et peintes, apportent un prolongement à celles de Kirchner, mais sur le ton d'objectivité désabusée qui est celui de la Neue Sachlichkeit, tandis que les portraits sont d'un réalisme tendu et sans indulgence (l'Écrivain Max Hermann-Neisse, 1925, musée de Mannheim). En 1925, l'exposition de la Nouvelle Objectivité, organisée par la Kunsthalle de Mannheim, évoque ses recherches. En 1926, il apporte son soutien à Simplicissimus. En 1928, l'A. S. S. O., association des artistes révolutionnaires, le compte parmi ses membres. Grosz séjourne à Paris en 1924-25 et visite le sud de la France en 1927 ; il expose à New York en 1931. Invité d'honneur à l'Art Students League de New York en 1932, il émigre en 1933 aux États-Unis, mais sa situation de réfugié devient quelque peu une gêne pour l'exercice de ses dons satiriques (aquarelles inspirées par Broadway, 1933-34). Les œuvres de sa dernière période évoquent le romantisme apocalyptique de Blake ou celui des paysagistes allemands du XIXe s. (le Survivant, 1944). En 1937, plusieurs de ses œuvres sont confisquées par le gouvernement nazi. Citoyen américain depuis 1938, il revint s'installer à Berlin en juin 1959 et y mourut le mois suivant.

grotesques

Lorsque, à la fin du XVe s., les Italiens découvrirent à Rome des ruines souterraines, qui leur donnaient l'impression de grottes, ils appelèrent " grotesques " les peintures qui en recouvraient les voûtes et les parois. Il s'agissait surtout de celles de la maison Dorée de Néron, dont les peintures, rehaussées de stucs très légers, se rattachent au quatrième style pompéien ; celui-ci est caractérisé par des architectures filiformes et végétalisées et par un vocabulaire ornemental composé de plantes et d'animaux, mais aussi de monstres tels que griffons, sphinges et centaures. Pris d'enthousiasme pour cette vision en couleurs de l'Antiquité et pour l'expression de la fantaisie qu'elle leur révélait, les artistes ne tardèrent pas à les imiter et donnèrent également le nom de grotesques aux décorations qu'ils créèrent sous cette influence. Jusqu'à la fin du cinquecento, les grotesques sont considérées comme l'expression la plus caractéristique du " caprice " maniériste. Elles suscitent des partisans fervents, qui défendent la liberté de l'artiste et le caractère ludique de la décoration (Serlio, Francisco de Holanda, Vasari, Cellini), mais aussi des adversaires acharnés parmi les classicisants : ceux-ci s'appuient sur le texte de Vitruve, qui critiquait déjà âprement les " grotesques " au temps d'Auguste, au nom du naturalisme et de la vraisemblance. À l'époque de la Contre-Réforme, les grotesques ne sont plus tolérées par certains (Gilio, Armenini) que si l'on en use avec modération, tandis que d'autres (Ligorio, Lomazzo), qui s'opposent également à l'élément chimérique, les considèrent erronément comme des " hiéroglyphes ", un langage chiffré qui ne doit être accessible qu'à une élite. Gabriele Paleotti bannit même complètement les grotesques des lieux religieux à cause de leur contenu, jugé diabolique.

   Prolongeant le style des candélabres animés, qui s'était développé dans la seconde moitié du XVe s. surtout à Florence et plus encore à Venise, les artistes ordonnent d'abord les motifs sur des pilastres et des frises, dans leurs ensembles à fresque. Ghirlandaio en donne une version stylisée dans la Naissance de la Vierge (1488, Florence, chœur de S. Maria Novella). Pinturicchio traduit d'abord dans une gamme monochrome le style des pilastres sculptés (1483-1485, Rome, église de l'Aracoeli, chapelle Bufalini), puis égaie les grotesques d'une polychromie éclatante (v. 1488, Rome, S. Maria del Popolo, chapelle de saint Jérôme) en s'efforçant de retrouver le coup de pinceau rapide des artisans néroniens. Il applique également les grotesques à la décoration des voûtes. Dans un style plus plastique, Filippino Lippi accentue les déformations des monstres pour les rendre plus fantastiques (1488-1493, Rome, S. Maria sopra Minerva, chapelle Carafa) ; étalant son érudition archéologique, il intègre ensuite les grotesques dans un système illusionniste très complexe (1487-1502, Florence, S. Maria Novella, chapelle Strozzi). À la voûte du Cambio (1499-1500, Pérouse), Pérugin entoure les médaillons des planètes de grotesques plus traditionnelles, qui se ressentent des premiers essais de Pinturicchio. C'est Signorelli qui en donne la version la plus démoniaque, créant des formes hybrides qui ne répondent plus aux principes de composition des monstres classiques et sont animées d'une vitalité débordante (1501-1504, cathédrale d'Orvieto, soubassement de la chapelle de saint Brice).

   À l'aube du XVIe s. se forme une nouvelle génération de décorateurs, dont certains deviennent de véritables spécialistes des grotesques. Amico Aspertini, aide de Pinturicchio, est le premier à intégrer les architectures fantaisistes des modèles antiques. Mais la libération complète des archétypes du XVe s. ne s'opère qu'un peu plus tard avec Giovanni da Udine, qui, au sein de l'atelier de Raphaël, fait revivre les grotesques néroniennes. À la Stufetta du cardinal Bibbiena (terminée en 1516, Vatican), à la Loggetta (v. 1519, Vatican) et au palais Baldassini (Rome), il tend à couvrir des surfaces entières d'un réseau de grotesques et adopte la technique " compendiaria " des Romains, dont il était bien préparé à saisir la nouveauté, grâce à son origine septentrionale. Après ces premières expériences, il pose les jalons d'un système décoratif nouveau, dont le retentissement sera capital à l'époque maniériste, aux Loges de Raphaël (décoration terminée en 1519, Vatican) : les grotesques sont soulignées de motifs de stuc blanc, dont l'artiste retrouve la formule antique — étudiée peut-être dans les passages du Colisée —, et elles tendent vers un naturalisme plus affirmé. Le même système est appliqué à la Villa Madama de Rome (interrompue en 1525). Après le sac de Rome, Giulio Romano importe les grotesques à Mantoue (palais du Té, 1527-1529 et 1530-1535) en les rendant plus massives et archéologiques, et Perino del Vaga les introduit à Gênes (palais Doria, à partir de 1528) en accentuant leur finesse dans un sens miniaturiste. Les grotesques se répandent alors dans toute l'Italie et, dans la seconde moitié du siècle, donnent lieu à une véritable inflation du décor, en particulier dans le Latium (milieu des Zuccari, puis de Pomaranciò), en Toscane et en Émilie (Cesare Baglione).

   Au début du XVIe s., elles se répandent dans les arts mineurs. Exécutées dans la pierre, elles envahissent l'architecture (tombe de Jules II, sculptée par Michel-Ange, atelier de Sansovino et multiplication par Simone Mosca sur les tombeaux). Traitées en graffiti, elles couvrent les façades des palais (Andrea di Cosimo Feltrini à Florence et Polidoro da Caravaggio à Rome, puis leurs successeurs). Nicoletto da Modena, Agostino Veneziano et Enea Vico, surtout, les diffusent sous forme de gravures. Après les premiers essais d'Amico Aspertini et de Giovanni da Udine, elles deviennent l'un des sujets de prédilection de la tapisserie, en particulier à Florence avec Bacchiacca (v. 1550). Au XVIIe s., les artistes diffusent l'art des grotesques au nord des Alpes, mais ils ne remontent plus aux prototypes antiques ; leur point de vue étant essentiellement graphique, ils s'inspirent des œuvres d'Agostino Veneziano et d'Enea Vico et multiplient les gravures.

   Dans les Pays-Bas, Cornelis Floris et Cornelis Bos créent un style tout à fait original, qui gagnera jusqu'aux pays scandinaves ; les personnages figurés, qui sont une multitude, s'ébattent dans des architectures beaucoup plus développées, qui donneront naissance au style à cartouches : " Ohrmuschelstil ". En Allemagne, les grotesques se font plus nombreuses sur les gravures et dans les livres de modèles, d'abord dans le sud du pays, puis dans tous les centres, surtout grâce à l'action des petits maîtres (notamment Peter Flötner) ; les motifs, plus denses et plus lourds, sont appliqués fréquemment en orfèvrerie.

   En France, Primatice introduit les grotesques, peintes et stuquées, à Fontainebleau, à la galerie d'Ulysse (commencée en 1540). Mais c'est Jacques Androuet Du Cerceau qui forge un style personnel, caractérisé par une simplification des formes et une structure plus harmonieuse, dont tout le siècle sera imprégné (Livre des grotesques, 1550, rééd. 1562 et 1566). Profondément modifiées au XVIIe s. dans leur syntaxe et dans leur vocabulaire, les grotesques sont régies par la symétrie et l'harmonie, en accord avec le Classicisme français. Après les gravures lourdes et surchargées de Simon Vouet (1647) et de ses suiveurs, Jean I Berain et ses émules arrivent à une précision et à une mesure qui assurent une large diffusion à son style non seulement en gravure, mais aussi en décoration intérieure, en tapisserie, en mobilier, en céramique et en verrerie. Claude Audran grave et peint des grotesques plus légères (1669 et 1708-1709), où l'abondance des arabesques annonce le Rococo (Gillot, Oppenord, Pineau et surtout Watteau) : les grotesques tendent à se dissoudre dans des agencements de courbes et de contre-courbes ou dans des structures nettement naturalistes. À la suite de la découverte de Pompéi et d'Herculanum (1748) a lieu, à l'époque néo-classique, la dernière efflorescence des grotesques, qui se répandent dans toute l'Europe ; les motifs ont perdu complètement leur caractère fantastique et se réduisent à un réseau d'ornements inspirés de l'antique, mais extrêmement stylisés. Cette mode, créée à Rome, où se forment tous les artistes, envahit rapidement l'Angleterre, surtout avec Robert Adam (1761-1780, Osterley House, près de Londres, salle étrusque), puis Henry Holland et James Wyatt. En France, les grotesques froides de Lavallée-Poussin et de Clérisseau annoncent les ornements précieux de l'école impériale. En Russie, les appartements privés de Catherine II, à Tsarkoïe Selo, unissent les décorations " pompéiennes " aux influences de Raphaël, d'Adam, de Clérisseau et aux motifs chinois.