Filliou (Robert)
Artiste français (Sauve 1926 – id. 1987).
Robert Filliou est l'un des rares artistes qui aient incarné le rêve de nombreux créateurs depuis Marcel Duchamp : l'abolition de la frontière entre l'art et la vie, qui sera au cœur de toute son œuvre. Après avoir participé à la Résistance, où il est confronté au marxisme, il entreprend des études d'économie à l'université de Californie, puis, en 1951, devient fonctionnaire de l'O. N. U. en Corée. En 1954, renonçant à tout emploi officiel, il effectue de nombreux voyages en Espagne, en Égypte, au Danemark. C'est au cours des années 1960 que l'artiste commence à appliquer sa définition de l'art : " Ce qu'il faut incorporer dans la vie de chacun pour en faire un art de vivre. " En 1960, proche de Daniel Spoerri, il écrit une pièce d'auto-théâtre, l'Immortelle Mort du monde, qui se crée au fur et à mesure qu'elle se joue et dont la mise en scène constitue sa première réalisation visuelle. Au même moment, il met en œuvre le principe de l'envoi d'objets assemblés formant des poèmes à petite vitesse. En 1962, Filliou fonde la " Galerie Légitime ", chapeau haut-de-forme utilisé comme lieu d'exposition mobile, présentant par la suite des œuvres de Spoerri, Ben Vautier, Emmet Williams dans le cadre de la " Misfist Fair " à Londres, et, en 1963, le Poïpoïdrome, institut de création permanente, avec Joachim Pfeuffer, dont des réalisations seront présentées à Bruxelles en 1975, puis à Paris (M. N. A. M.) en 1978. De 1965 à 1968, il crée à Villefranche-sur-Mer, avec George Brecht, la " Cédille qui sourit ", non-boutique ou boutique-atelier, présentée comme le premier centre de créativité permanente, lieu d'" échange insouciant, d'information et d'expérience " où sont notamment inventés et désinventés des objets et où sera élaboré le livre Games at the Cedilla or the Cedilla takes off (1967). En 1966, l'Exposition intuitive, gal. Ranson à Paris, se propose de dépasser l'héritage de Duchamp en passant de l'invention logique à l'" invention intuitive " dans le cadre d'une présentation d'outils sur des agrandissements de télégrammes. En 1967, installé à Düsseldorf, où il rejoint Spoerri et Dieter Roth, avec qui il enseignera à l'Académie, il rédige un livre d'enseignement : Teaching and Learning as Performing Arts, en collaboration avec J. Beuys, G. Brecht, J. Cage, A. Kaprow, etc. Le cœur de l'activité de Filliou réside dans le principe d'équivalence, qu'il développe à l'occasion d'une exposition à Düsseldorf (gal. Schmela) en 1969 : Bien fait = Mal fait = Pas fait (une chaussette rouge dans une petite boîte peinte soigneusement en jaune est juxtaposée à une boîte mal peinte avec une chaussette sans pied et à une boîte vide). Le même principe est développé en considérant ce regroupement des trois boîtes comme bien fait jusqu'à créer un mur couvert de boîtes en bois blanc géométriquement alignées et contenant chacune une chaussette rouge. Cette démarche veut faire apparaître la dissociation entre le faire et le savoir-faire, avec l'intention de restituer à chacun la possibilité de créer en se fondant sur l'imagination et l'innocence, ces deux mots qu'il a écrits au néon dans la Boîte à outils de création permanente (1969). En 1974, Filliou applique ce principe à la naissance de l'Univers dans la Recherche de l'Origine (musée d'art contemporain, Lyon), bande de tissu de 80 m de long cherchant, par un jeu de dessins, un rapprochement entre la physique contemporaine et la philosophie orientale. Rejetant la beauté formelle, Filliou utilise des matériaux empruntés au quotidien : chaises, planches, briques, que l'artiste relie, juxtapose, assemble et commente par un texte ou un titre qui crée l'œuvre d'art (comme dans Musical Economy, 1976, Paris, M. N. A. M., constitué de 33 piétements de pupitres portant chacun deux cartes à jouer). L'artiste a aussi composé de nombreuses œuvres en vidéo : Portafilliou, 1977, Video Universe-City, 1978-1981). Une rétrospective de son œuvre a eu lieu en 1984 à Hanovre, Paris (A. R. C.) et Berne. À partir de 1985, l'artiste vit retiré dans une communauté bouddhiste en Dordogne. Son œuvre est représentée dans de nombreux musées français : Paris (M. N. A. M.), Lyon, Nîmes, et étrangers : Bâle, Münchengladbach, Stuttgart. Une exposition a eu lieu au M. N. A. M. (Paris) en 1991.
Filonov (Pavel)
Peintre russe (Moscou 1883 – Leningrad 1941).
Exclu de l'Académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg en 1910, il expose à l'Union de la jeunesse. Après un voyage en France et en Italie (1911), il écrit un texte théorique Canon et loi, où il dénonce un cubisme conventionnel opposé à la loi organique de la nature. Contre l'évolution de la peinture moderne depuis Cézanne, il s'inspire de la structure de l'image populaire du loubok dans des œuvres où les êtres et les objets sont animés de la même façon (Mardi gras, v. 1913). En 1914, il met en forme le livre-objet de Khlebnikov, les Idoles de bois, et publie les Tableaux travaillés jusqu'au bout, où il proclame le principe de sa méthode analytique. Parallèlement, il peint une série beaucoup plus réaliste de portraits, natures mortes et paysages (les Officiers, 1916-17). Après la guerre, il publie son manifeste l'Éclosion du monde (1923) et dirige la section de l'idéologie générale au musée de la Culture artistique de Petrograd. À Leningrad, en 1925, il devient le chef de file des " maîtres de l'art analytique ". L'école de Filonov expose alors régulièrement de 1925 à 1929. Sa méthode de parcellisation lie les formes entre elles de manière inextricable en véritable mosaïque, donnant ainsi à ses sujets une valeur symbolique intense (Bouc, v. 1930). En 1932, il participe à l'" Exposition des artistes de la R. S. F. S. R. des quinze années (1917-1932) " au Musée russe de Leningrad. En 1936, il fait don de toutes ses œuvres à l'État en vue de la création d'un musée d'art analytique. Elles se trouvent actuellement au Musée russe de Saint-Pétersbourg. En 1990, une première rétro-spective de son œuvre a été organisée au M. N. A. M. de Paris.