Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Pelayo (Orlando)

Peintre espagnol (Gijón 1920  –Oviedo 1990).

Il passe son enfance dans la région de Badajoz, pays de Zurbarán. À onze ans, déjà tenté par le dessin, il vient habiter la Manche, l'âpre pays de Don Quichotte, qui le marque définitivement. Son père, en bon humaniste, lui fait connaître les poètes, mais, engagé à dix-huit ans dans l'armée républicaine, le jeune Pelayo connaît l'horreur des combats, de la défaite devant le franquisme et l'amertume de l'exil. Il vit jusqu'en 1947 en Algérie, où il devient l'ami d'Albert Camus, de Jean Grenier et d'Emmanuel Roblès. Il fait de la céramique, devient professeur d'espagnol et peint alors des toiles sourdes et pathétiques (l'Enfant mort, 1947, coll. part.). Venu à Paris après la Libération, il travaille d'abord en solitaire à une peinture figurative (Nature morte, 1952, Paris, coll. part.) qui ira se dépouillant " jusqu'à réduire le motif à sa stricte signification plastique " (Chèvres, 1956, Paris, gal. Synthèse). Avec une richesse chromatique croissante, il parvient bientôt à la limite de l'Abstraction (Faisan, 1957, Paris, coll. part.) et cherche, dès lors, à rendre objets et paysages dans leurs caractères spécifiques et leurs dimensions sensorielles (Campos, 1959, Paris, gal. Synthèse ; Paysage espagnol, 1961, Paris, M.N.A.M.). Il abandonne ensuite cette formulation naturaliste pour aborder le portrait : Deux Vieilles Femmes (1964, Londres, Drian Gal.), Ultime Rencontre (1965, Paris, M.A.M. de la Ville), Portrait de femme (1965, musée de Neuchâtel) sont des œuvres à la fois gestuelles et méditées. Les Portraits apocryphes, invitant à reconnaître des états d'esprit plutôt que des états civils, se poursuivent par le Ricaneur (1968, Auvernier, Suisse, gal. Numaga), la Délurée (1969, id.) qui s'inscrivent tout naturellement dans l'optique de la Nouvelle Figuration, encore que l'artiste n'ait jamais adhéré à aucun mouvement. Pelayo est représenté notamment aux musées de Lille (Jeanne la Folle), de Grenoble, d'Alger, de Neuchâtel, à Paris (M.A.M. de la ville et M.N.A.M.), à Madrid (M.E.A.C.).

Pellan (Alfred)

Peintre canadien (Québec 1906  -Laval, Québec, 1988).

Il fit ses études à l'école des Beaux-Arts de Québec (1920), fut très tôt connu et, ayant reçu une bourse du gouvernement provincial, partit étudier à Paris en 1926. Il y rejeta assez vite l'enseignement traditionnel et académique de l'école des Beaux-Arts, se liant au contraire aux milieux plus avancés. Il exposa en 1935 avec le groupe Forces nouvelles. Sa peinture assimile alors la leçon de Picasso (Jeune Comédien, v. 1935, Ottawa, N. G. of Canada), ce qui n'exclut pas des tendances plus modernistes, ouvrant vers l'abstraction (la Fenêtre ouverte, 1936, Toronto, Université). Il revient au Canada en 1940, s'établit à Montréal (1941) et y est nommé professeur à l'école des Beaux-Arts (1943). Il y expose avec les indépendants réunis par le père Couturier, dont il avait fait la connaissance à Paris et qui le remet en contact avec Léger. L'influence de ce dernier est manifeste dans la peinture de Pellan à cette époque (Quatre femmes, 1945, Montréal, Musée d'art contemporain). Pellan joue par ailleurs un rôle primordial dans les milieux artistiques d'avant-garde du Canada, s'opposant en particulier à Borduas et précipitant l'effondrement de la Contemporary Art Society en soutenant officieusement la création du groupe " Prisme d'yeux " contre les automatistes. Il séjourna de nouveau en France en 1952-1955, le musée d'Art moderne de Paris lui consacrant une exposition à son départ et celui de Montréal une rétrospective l'année suivante. Il s'oriente alors vers une peinture très colorée, d'inspiration surréaliste (la Chouette, 1954, Paris, M. N. A. M.). On lui doit également de grandes décorations murales pour divers bâtiments publics canadiens (Winnipeg International Airport, 1963 ; National Library of Canada à Ottawa, 1965-1968).

Pellegrini (Giovanni Antonio)

Peintre italien (Venise 1675  – id. 1741).

Avec Ricci et Amigoni, il peut être considéré comme l'un des rénovateurs de la peinture vénitienne. Sa position est d'autant plus significative qu'il créa l'une des expressions les plus neuves du début du XVIIIe s. en Europe (son activité, en effet, se développa en grande partie à l'étranger), où il fut l'un des promoteurs de ce style décoratif, léger et raffiné, aux tons vaporeux et à la luminosité argentée, qui donne sa couleur à la plupart des cours, celles de Londres ou de Bavière comme celles de Paris ou de Vienne. Ses esquisses comptent parmi les plus brillantes de tout le XVIIIe s. européen.

   Dans ses premières œuvres, une peinture claire et lumineuse s'ouvre de nouveau à la lumière solaire. Mais cela ne suffit pas, certes, à caractériser la signification même du langage de Pellegrini, toujours personnel et cohérent du début à la fin de son activité, où tout réside dans la facilité ou plutôt même dans la sensibilité avec laquelle il effrange sa touche en contours légers d'une incertitude vaporeuse : il en résulte des figures qui ni ne pèsent ni ne posent, telles de pures formes décoratives, dont l'existence éphémère est saisie dans la vibration de la touche, l'écume des couleurs, la fraîcheur très délicate des tons argentés.

   Les premières œuvres connues de Pellegrini sont celles qu'il a peintes après un voyage à Rome, en 1701, pour la Scuola del Cristo à Venise : elles révèlent déjà une fluidité transparente de pastel. À partir de 1708, Pellegrini est avec Marco Ricci à Londres et peint à Kimbolton Castle une série de Triomphes romains baignés d'une lumière scintillante ; puis il exécute à Howard Castle une série de plafonds que marque encore une certaine vigueur héritée de Ricci, tandis que des personnages parés de costumes miroitants donnent à ses fresques murales une légèreté et un brio tout rococo. Le troisième grand ensemble peint à Londres est celui de Narford Hall. En 1713, Gian Antonio Pellegrini part pour Düsseldorf et, au château de Bensberg, il peint pour le prince Jean Guillaume un plafond à fresque et 14 grandes toiles célébrant le prince, qui sont aujourd'hui conservées au château de Schleissheim (esquisse de l'une de ces toiles au Louvre, qui détient en outre trois grands panneaux octogonaux provenant d'un ensemble décoratif) ; on y peut certainement voir un des plus hauts résultats obtenus par l'artiste : ici l'allégorie et la mythologie, dépouillées de leurs classiques apparats de cour, évoquent plutôt les grâces frivoles d'un menuet aux notes argentines ; les épisodes se déroulent sans tension dramatique et même sans histoire, donnant plutôt l'impression d'une fête princière. L'artiste séjourna ensuite à La Haye, où, pour la gilde des brasseurs d'Anvers, il peignit les Quatre Éléments, d'une facture souple et aérienne. En 1719, il est de nouveau en Angleterre : de ces années date la stupéfiante Déposition, auj. à Sarasota (Ringling Museum) ; la composition, complexe et dynamique, se dissout dans la fluidité continue des couleurs claires, qui, en éliminant les contours des figures, les fond dans une atmosphère évanescente et cristalline. L'année suivante, il est à Paris avec sa belle-sœur, Rosalba Carriera ; il peint à fresque le plafond de la galerie du Mississippi à la Banque royale, auj. détruit, mais fondamental pour l'histoire de la peinture française au XVIIIe s. En 1724, un autre chapitre important de son activité est constitué par les toiles peintes pour le prince Schönborn à Pommersfelden : Hercule et les Hespérides, par exemple, est caractérisé par une couleur fluide et une veine inventive des plus heureuses qui en fait un des chefs-d'œuvre du peintre. En 1727, à Vienne, Pellegrini peint à fresque la coupole de l'église des Salésiennes, qui marque déjà son déclin ; ici comme dans les commandes plus tardives exécutées pour Paris (où il fut reçu à l'Académie en 1733 avec le tableau sur le thème de La Peinture et le Dessin faisant l'éducation de l'Amour, Paris, Louvre) et pour le château de Mannheim (v. 1737), la forme tend à se durcir et à se préciser, la couleur s'alourdit dans une recherche d'effets de clair-obscur, comme si Pellegrini devenait incapable de réagir face à Piazzetta et à Tiepolo, qui, dès lors, s'imposaient et jouissaient de la faveur de plus en plus grande du public.