Raynaud (Jean-Pierre)
Artiste français (Colombes 1939).
Ses études d'horticulture terminées, il commence par réaliser des assemblages proches du Nouveau Réalisme. Dès 1963, avec ses " Psycho-objets " de couleur blanche et rouge, qui associent quelques éléments simples (jauges, échelles et pelles de secours, panneaux de signalisation ou pots à fleurs), il tente de mettre en évidence les rapports du monde mental et du monde réel. Glaciale et distante, son œuvre se présente comme une vision du monde, cruelle certes, mais située au-delà de l'angoisse et de la violence : l'homme en est absent, et " rien ici ", comme l'a écrit Alain Jouffroy, " n'est exprimé, mais tout est montré... ". Le pot à fleurs rouge rempli de ciment (et donc inutilisable), exposé en grand nombre (300 exemplaires à " Prospect " de Düsseldorf en 1968, 4 000 à Londres, Jérusalem et Hanovre en 1971) et réalisé à diverses échelles (notamment 8 exemplaires de 1,80 m de hauteur et 2 m de diamètre, dont un figure au M. N. A. M. de Paris), devient un signe dénué de toute expressivité. En 1972, Raynaud aborde la quadrichromie (rouge, vert, jaune, bleu) pour reproduire sur des panneaux grandeur nature les éléments constitutifs de la camionnette Renault " 4 " et des panneaux de signalisation routière. Plus proches de la violence de ses premières œuvres sont ses Funéraires (1973), cercueils, crucifix et plaques votives traités en quadrichromie. En 1974, Raynaud ouvre au public sa maison-blockhaus (2 portes blindées et une seule fenêtre) entièrement tapissée intérieurement de carreaux de faïence blancs et sans cesse modifiée pendant plus de vingt ans, le carrelage devenant par ailleurs le thème d'une série d'œuvres de la même année (les " Espaces zéro "). En 1977 sont mises en place les 55 fenêtres et les 7 rosaces de verre incolore conçues pour l'abbaye cistercienne de Noirlac. Les espaces publics, urbains ou naturels, ainsi que les mises en situation d'objets de collection deviennent dès lors le terrain privilégié de la démarche austère de Raynaud : projet d'un disque noir au sommet d'une montagne à Flaine, en Haute-Savoie, réalisation d'un jardin pour la principauté de Monaco (1981), construction d'un " Espace zéro " pour l'entrée de l'exposition de la collection de Menil au Grand Palais (1984), projet (abandonné) pour couvrir entièrement de céramique une tour d'habitation désaffectée dans le quartier des Minguettes près de Lyon, présentation des gisants des Plantagenêts de l'abbaye de Fontevraud (projet, 1986), Container Zéro, 1988 (Paris, M. N. A. M.), Carte du ciel en marbre et granite au sommet de la Grande Arche de la Défense (1989). En 1993, Raynaud représente la France à la Biennale de Venise. Par ailleurs, il offre, par la destruction de sa maison la même année, une nouvelle existence à celle-ci (exposition des débris à Bordeaux, C. A. P. L., 1993). Ses œuvres les plus récentes mettent l'accent sur le danger nucléaire (Ruban " Tri-Secteur ", 1994). La G. N. du Jeu de Paume projette une rétrospective Raynaud (Paris, 1997-1998).
rayonnisme
Ce mouvement (en russe " Loutchisme "), fondé à Moscou par Michel Larionov, est l'une des premières manifestations de peinture abstraite. Une exposition de Turner que Larionov voit à Londres en 1906 le conduit à réfléchir sur le problème de la lumière en peinture et l'artiste se met à concevoir les formes comme des faisceaux de lignes à la manière de rayons lumineux — d'où le terme Rayonnisme. En 1909, à la Société de la libre esthétique à Moscou, Larionov expose sa première toile à tendance rayonniste, le Verre (New York, Guggenheim Museum), qu'il laisse accrochée un jour seulement, et qu'il présentera de nouveau trois ans plus tard, à l'exposition de la Queue d'âne, en compagnie d'autres œuvres rayonnistes. En 1910, Natalia Gontcharova et les frères David et Vladimir Burliuk se joignent à lui : ils fondent le groupe du Valet de carreau et exposent des œuvres de Gleizes, Le Fauconnier, Lhote, Kandinsky. En 1911, ils accueillent le groupe de Munich, mais Larionov quitte le Valet de carreau, qui se constitue en société à statuts, et rédige le Manifeste du Rayonnisme, signé par 11 artistes. Publié seulement en 1913, le Manifeste fait connaître les principes de Larionov : le but de la peinture est de suggérer une 4e dimension, la toile doit donc se situer d'elle-même hors du temps et de l'espace et, pour cela, être composée uniquement de rayons de couleur, non seulement parce que la couleur est la " loi gouvernante ", mais aussi parce que c'est sa tonalité et le degré de sa force qui donnent une signification aux formes nouvelles que crée le peintre. Larionov illustre ses théories en organisant à Moscou l'exposition la Cible (1913), première manifestation rayonniste importante. En juin 1914, il expose à Paris chez Paul Guillaume en compagnie de Gontcharova et trouve en Apollinaire, qui rédige le catalogue, un défenseur convaincu du Rayonnisme.
La déclaration de guerre le ramène en Russie. Démobilisé pour raison de santé, Larionov participe à l'exposition Année 1915, où l'on peut aussi voir les premiers contre-reliefs de Tatlin. Il rejoint alors Diaghilev en Suisse. La carrière du Rayonnisme s'acheva ainsi, mais son influence fut très grande. Si la publication du Manifeste est tardive, puisqu'elle est contemporaine du Carré noir sur fond blanc de Malévitch, l'utilisation des " rayons " de couleur pure reste une des premières manifestations de la peinture non figurative.
De plus, la place du Rayonnisme dans le mouvement des idées est de première importance, puisqu'elle se situe juste avant l'apparition du Suprématisme et du Constructivisme et que les conceptions de Larionov ont présidé à l'élaboration du Futurisme russe. Seuls les liens avec le Futurisme italien à ses débuts n'ont jamais été bien déterminés, Larionov s'étant toujours défendu de s'en être inspiré. Marinetti était venu faire une tournée de conférences en Russie en 1914, date à laquelle il se liera avec Larionov. Par la suite, les rapports seront plus étroits : le Manifeste est partiellement traduit en italien en 1917, à l'occasion de l'exposition Radiantismo à Rome. En France, les principes rayonnistes apparaîtront dans les décors de ballet, auxquels Larionov consacrera son activité à partir de 1915. On peut aussi en voir un prolongement dans les derniers " bouquets de lumière " qu'a peints Gontcharova.