Jaquerio (Giacomo)
Peintre italien (Turin v. 1373 –? 1453).
Les remarquables fresques représentant la Vierge en trône sous un baldaquin extravagant et des Prophètes, dans l'abside de l'abbaye de Saint-Antoine de Ranverso, près de Turin, sont l'unique œuvre signée de Giacomo Jaquerio. Elles démontrent l'autonomie du maître piémontais et son originalité au sein du climat artistique de la cour ducale d'Amédée VIII de Savoie, qui s'étendait sur Genève, Chambéry, Thonon et Turin. Des œuvres de jeunesse de l'artiste exécutées à Genève et à Thonon, aujourd'hui perdues, il ne reste qu'une xylographie (1401). On sait que Jaquerio se trouve à Turin et à Pinerolo (Pignerol) de 1429 à 1440.
Il fut en contact avec le Gothique international, diffusé dans le Piémont et en Lombardie grâce aux maîtres rhénans et bourguignons qui avaient participé à la construction du dôme de Milan. Il avait pu également connaître cette culture grâce aux enluminures des manuscrits de la bibliothèque d'Amédée VIII, acquis par héritage, en 1416, à la mort du duc de Berry. La présence des miniaturistes des Visconti et du Suisse Jean Bapteur est décisive pour Jaquerio, qui reste cependant animé d'un authentique réalisme, de tendance populaire, comme en témoigne la Montée au Calvaire de la sacristie de Ranverso (cette église comporte un ensemble considérable de fresques, en particulier une série de Scènes de la vie de saint Antoine que l'on peut attribuer à Jaquerio, comme les fresques signées de l'abside).
Dans les fresques qui doivent également lui revenir (Crucifixion, Saints) au château de Fenis (près d'Aoste) et dans celles de la grande salle (la Fontaine de Jouvence, Preux et preuses) du château de la Manta (Piémont), témoignage d'art de cour où la décoration à fresque est liée à l'exemple des tapisseries, Jaquerio, partant de représentations sacrées, parvient à une figuration plus accessible. Ainsi, dans les églises de Pianezza, de Pecetto, de Piossasco et d'Avigliana apparaît, marqué par son influence directe, un art populaire qui atteint son plus haut point à Bastia (représentation de l'Enfer, des Vertus et des Vices). La diffusion de cet art lié à la peinture ligure atteindra encore Pigna et Brigue avec Canavesio, dont les récits réalistes de la Passion, véritable Bible des pauvres, sont semblables aux xylographies populaires exécutées à l'époque.
Jawlensky (Alexeï von)
Peintre russe (gouvernement de Tver 1864 – Wiesbaden 1941).
Il renonça à la carrière militaire pour se consacrer à la peinture et se forma d'abord à l'Académie de Saint-Pétersbourg (1889), puis à Munich (1896) chez Anton Azbé, où il rencontra Kandinsky. En possession d'un métier solide, après des débuts réalistes, il subit l'influence de Van Gogh (Jacinthe et fruits, 1902.) et celle du Néo-Impressionnisme, découvert en France, où il se rend dès 1905 pour exposer au Salon d'automne et faire la connaissance de Matisse (Bord de la Méditerrannée, 1907). De retour à Munich en 1907, il rencontre Verkade, qui l'initie aux idées des symbolistes français. Il fonde la Nouvelle Association des artistes de Munich (1909) avec Kandinsky, et tous deux travaillent l'été (à partir de 1908) à Murnau, au pied des Alpes bavaroises. Jawlensky y découvre une expression originale, synthèse des mises en page économes du Jugendstil, des apports matissiens légèrement postérieurs au Fauvisme (Nikita, 1910 Wiesbaden, städtischess Museum) ainsi que des stylisations des peintures populaires bavaroises et de celles des icônes traditionnelles (la Russe, 1911, musée de Bielefeld ; Solitude, 1912, musée de Dortmund). Il retrouve l'esprit de celles-ci en 1912 et 1913, surtout lors de l'activité du Blaue Reiter, dans des œuvres maîtresses caractérisées par l'hératisme des attitudes et l'emploi du cerne exaltant des couleurs aux sourdes résonances (Dame au chapeau bleu, 1912-13, musée de Mönchengladbach). En 1912, il participe à l'exposition Sunderbund à Cologne et à la première exposition du Blaue Reiter à Berlin. En 1913, il est représenté à l'Erster Deutscher Herbstsalon à Berlin.
Après un séjour à Bordighera (1914), il réside à Saint-Prex, en Suisse (1914-1921), où il rencontre de nombreux artistes (Archipenko, Arp, A. Segal et Lehmbruck). Il y expérimente une expression beaucoup plus abstraite dans de petites " variations sur un thème de paysage ", " chansons sans paroles ", écrit-il (lettre au père Verkade, 12 juin 1938) [Grande Variation, matin, 1916 ; Variation, coucher de soleil, v. 1916, Berne, K. M.], qui précèdent des études analogues ayant pour thème le visage, désormais privilégié dans son œuvre et investi d'une signification éminemment religieuse (Tête de saint, 1919, Stuttgart, Kunstkabinett ; Face du Sauveur, 1920, Long Beach, Cal., Museum of Art). Installé définitivement à Wiesbaden (1921), Jawlensky forme encore avec Kandinsky, Klee et Feininger le groupe éphémère des Quatre Bleus (1924) en souvenir du Blaue Reiter. Il continue ses recherches au profit d'un art toujours plus spirituel, admet un retour à une figuration relative en 1922-23 (les Yeux ouverts, 1923, New York, M. O. M. A.) et achève son évolution par une longue suite de " méditations " d'inspiration biblique, de très petit format et d'un métier plus dru, visages aux yeux clos où de grandes barres noires enserrant des hachures verticales offrent un minimum de repères (Méditation, 1930). Les premières atteintes de la paralysie l'ont touché en 1920 et il cesse de peindre en 1938. Publié en 1959, le catalogue de Clemens Weiler comprend 789 numéros.
L'œuvre de Jawlensky, dans sa quête inlassable d'une représentation de l'invisible, sans abandonner tout à fait les allusions concrètes, est significative du conflit essentiel de l'art moderne entre Abstraction et Figuration. Il est représenté à Paris (M. N. A. M.), au musée de Lyon au Museum of Art de Long Beach, Californie, et dans la plupart des musées allemands : Dortmund, Düsseldorf (K. M.), Cologne (W. R. M.), Munich (Städtische Gal.), Stuttgart (Staatsgal.), et surtout Wiesbaden (27 toiles) et Wuppertal (Von der Heydt Museum). Une rétrospective présentant 71 œuvres a été consacrée à l'artiste (Arles, Espace Van Gogh) en 1993.