Kupeckahy (Jan ou Johannes)
ou Jan ou Johannes Kupezky
ou Jan ou Johannes Kupetzky
Peintre tchèque (Prague [?] v. 1667 – Nuremberg 1740).
Issu d'une famille protestante appartenant à l'Union des frères moraves qui, persécutée, se réfugia à Pezinok en Slovaquie, il est considéré comme le grand portraitiste de l'Europe centrale au début du XVIIIe s. De caractère plus européen que tchèque ou allemand, il reflète, tant par son art que par sa clientèle, le cosmopolitisme du siècle.
Après avoir reçu une solide et sévère éducation religieuse, il s'enfuit de chez ses parents, ceux-ci le destinant au métier de tisserand. Au cours de ses pérégrinations, il rencontra à Holič, au château d'un comte Czobor, le peintre Benedikt Klaus, qui l'emmena à Vienne en 1684. Après trois années d'apprentissage chez ce peintre, il partit pour l'Italie, où il séjourna durant vingt-deux ans. Il vécut surtout à Rome, n'ayant pas réussi à s'établir à Venise, où il avait puisé aux mêmes sources que Halbax, et, après des débuts difficiles, il devint un peintre fort renommé. Lors de ses voyages d'étude, il visita Bologne, Florence, Mantoue et de nouveau Venise. Il fréquenta de nombreux artistes allemands, s'inspira aussi bien de Strozzi que de Loth, de Bombelli que de Ghislandi, des maîtres de la renaissance vénitienne et romaine.
Son art subit aussi une certaine influence des Bolonais, particulièrement celle de Guido Reni. Répondant à une invitation du prince Adam de Liechtenstein, Kupecký se fixa à Vienne en 1709. De cette année datent le portrait du Miniaturiste Karl Bruni (musée de Prague) et son Autoportrait (Vienne, Österr. Gal.), dont il existe plusieurs répliques. Peintre de la noblesse et de la Cour, l'artiste avait un tel renom que Pierre le Grand, séjournant en 1711-12 à Karlsbad, l'appela pour exécuter son Portrait (Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum). Il travailla en 1716 à Prague avec P. Brandl. Après 1723, craignant pour sa foi dans un milieu catholique, Kupecký se réfugia à Nuremberg, où il resta jusqu'à sa mort. Au cours de son séjour viennois, il s'était inspiré, pour répondre au goût de sa clientèle, du grand portrait d'apparat de Rigaud et de Largillière, tout en gardant son sens de la profondeur psychologique, de la mesure et de la réalité concrète. À Nuremberg, sous l'influence des maîtres septentrionaux, son art se simplifiera davantage, cherchant à scruter la vie intérieure du modèle : Michael Kreisinger âgé (musée de Prague).
En son temps, les tableaux de Kupecký étaient très célèbres grâce aux séries de gravures qu'en fit, notamment, Daniel Valentin Preisler. Il a exercé une influence très large dans le domaine du portrait au XVIIIe s. (A. Graf, Desmarées, par exemple). L'artiste n'a que rarement signé ses œuvres. Sa production est considérable (selon certaines estimations, de 1 000 à 1 500 tableaux, surtout des portraits) ; il se faisait aider par des élèves qui sont aussi les auteurs des nombreuses répliques, dont la datation se révèle souvent difficile.
Kupka (František, dit Franck)
Peintre tchèque (Opočno, Bohême orientale, 1871 – Puteaux 1957).
Aîné d'une famille nombreuse, il entre comme apprenti chez un sellier à Dobruška, où son père était secrétaire de mairie. D'une grande sensibilité, il est très vite influencé par son maître, qui l'initie au spiritisme et découvre en lui un don de médium. Mais, n'ayant aucune disposition pour le métier de sellier, il s'enfuit. Au cours de sa fugue dans cette partie de la Bohême orientale, riche enclave baroque, il a la révélation de l'art de cette région et particulièrement des sculptures de Mathias Braun. À son retour, son maître lui fait rencontrer Archleb, maire de Dobruška, lui aussi fervent de spiritisme et qui sera son premier mécène. Grâce à ce dernier, il peut suivre les cours de l'école technique de Jaroměř, où le peintre Studnička lui fait connaître l'œuvre de Josef Mánes et le prépare à entrer à l'Académie des beaux-arts de Prague. De toutes les influences qu'il subit, celle de ce professeur fut peut-être la plus profonde. Pendant son séjour à Prague (1887-1891), élève brillant, il découvre la peinture européenne contemporaine et continue à se passionner pour le spiritisme. Il se rend ensuite à Vienne pour y suivre les cours de l'Académie. De cette époque datent différents portraits (Schéhérazade ; Dernière Vision de Henri Heine, étude, musée de Prague), tableaux symbolistes peints dans le style académique de l'époque. En 1894 se placent un court séjour à Londres et un plus long dans les pays scandinaves. En 1895, il arrive à Paris, qu'il ne quittera plus que pour de brefs séjours.
Pour subsister, Kupka donne des cours de dessin à des modistes et fournit à des journaux des dessins satiriques. Le cycle qu'il exécute pour l'Assiette au beurre (l'Argent, la Paix) est une violente diatribe contre l'injustice et la cruauté des hommes. Puis, le succès venu, il abandonne l'illustration des journaux pour celle de livres de bibliophiles. De 1904 à 1906, il illustre l'Homme et la Terre d'Élisée Reclus ; entre 1905 et 1909, le Cantique des Cantiques, les Erynnies de Leconte de Lisle, Lysistrate d'Aristophane et le Prométhée d'Eschyle, où se retrouve, particulièrement dans les deux premières œuvres, l'influence d'Alfons Mucha. Il n'avait pourtant pas cessé de peindre et, au début de son séjour parisien, avait expérimenté l'Impressionnisme (le Bibliophile, musée de Prague).
Bientôt, influencé par Odilon Redon, il exécute des toiles de caractère symbolique où le goût de la ligne prédomine, sacrifiant parfois l'expression plastique à l'idée (Défiance ou l'Idole noire, 1903, musée de Prague). Installé à Puteaux et voisin de J. Villon, il participe à la Section d'or. À partir de 1905, il retourne à l'Impressionnisme avec une touche plus expressive et s'oriente bientôt vers le Fauvisme. Entre 1907 et 1910, il exécute des tableaux de caractère fauve et expressionniste (scènes de rues, prostituées), dont plusieurs seront donnés en 1963 au M. N. A. M. de Paris par la veuve de l'artiste (l'Archaïque, 1910, Paris, M. N. A. M.).
Influencé par le praxinoscope de Reynaud et la chronophotographie de Marey, il s'efforce, bien avant Marcel Duchamp et les futuristes italiens, de traduire le mouvement et la lumière. En 1909, il peint le tableau qui marque un tournant dans son art : les Touches de piano – le lac (musée de Prague). À cet effet, il découpe sa toile en une série d'étroites bandes parallèles, qui donnent ces " plans par couleur " à l'origine de ses toiles abstraites, peintes dès 1910 (Madame Kupka parmi les verticales, 1910-11, New York, M. O. M. A.). Amorpha, fugue à deux couleurs (musée de Prague) et Plans verticaux I (1912, Paris, M. N. A. M.), qui firent sensation au Salon d'automne de 1912. Ces titres, choisis par l'artiste lui-même, explicitent d'une part les motifs circulaires, caractérisés par une interférence de formes elliptiques et de couleurs souvent chaudes, et d'autre part les motifs verticaux, se définissant par une géométrie rigoureuse et des couleurs souvent froides Localisation de mobiles graphiques, 1912-13, Madrid, fondation Thyssen-Borhemisza). À la même époque, l'intérêt pour les sciences naturelles se reflète dans ses tableaux : Printemps cosmique I (1913-1919, musée de Prague) ; pendant toute sa vie, l'artiste reprit ses séries de toiles, les retouchant constamment, et ce ne fut souvent qu'à la fin de sa vie qu'il les data.
Après s'être engagé dans les légions tchèques en France au cours de la Première Guerre mondiale, Kupka revient à ses premières recherches. En 1931, en adhérant au mouvement Abstraction-Création, son art se dépouille davantage, tendant vers une stylisation rigoureuse ; il peint ensuite une série de toiles et de gouaches inspirées par le jazz et le monde des machines : Jazz-Hot n° 1 (1935, Paris, M. N. A. M.) ; L'acier boit (1927-1929, id.). Réfugié à Beaugency durant la guerre, il retourne ensuite à Puteaux, où il retouche d'anciennes toiles (Trois Bleus, trois rouges, 1913-1957, Paris, M. N. A. M.) et peint des compositions de surfaces régulières qui s'organisent en plans perpendiculaires dans un espace non illusionniste (Blanc autonome, 1951-52, id.). Ses multiples préoccupations, particulièrement la musique, sa culture prodigieuse font de lui l'un des représentants les plus éminents de l'esprit moderne chanté par Apollinaire. Kupka a donné de l'inspiration musicale dans son œuvre une interprétation souvent complexe (la Création dans les arts plastiques, essai théorique, rédigé en français et publié à Prague en 1923, dans une traduction tchèque). Il peut être considéré au même titre que Kandinsky, Malevitch, les Delaunay et Mondrian, comme l'un des pionniers de l'Art abstrait. Son art reste toutefois celui d'un solitaire et son œuvre ne fut vraiment reconnue qu'après sa mort. Le M. N. A. M. de Paris, avec les 163 tableaux et dessins qui proviennent en grande partie de la donation d'Eugénie Kupka, sa femme, en 1968, conserve, avec le musée de Prague, le plus vaste ensemble de son œuvre. De nombreuses rétrospectives de son œuvre ont été organisées, en particulier en 1975 au Solomon Guggenheim de New York et en 1989-90 au musée d'Art moderne de la Ville de Paris.