MAYER (Carl) (suite)
Les scripts littéraires de Mayer, emplis d'interjections, d'exclamations, d'interrogations, découpés comme des poèmes, utilisant l'espace typographique comme le Coup de dés mallarméen, devancent ce qu'Eisenstein nommait « nouvelle cinématographique » et Aleksandr Rjechevski « scénario émotionnel » : textes qui, afin de conduire l'inspiration du réalisateur, miment la réception (et la relation) du film par son futur spectateur. La puissance visuelle de Mayer l'amène à préciser dans le détail le décor (qui devient personnage), les objets (qui deviennent symboles), les cadrages (il les essayait avec un appareil photographique), les éclairages (qui deviennent drames de lumière), les mouvements de caméra (qui deviennent éléments psychologiques ou flux dynamique du récit). Perfectionniste, il passait des semaines sur une scène, une année sur un scénario. Juif, Mayer quitte l'Allemagne en 1932. Il ne sera plus désormais scénariste, seulement conseiller technique, à Paris (auprès de Paul Czinner), à Londres (auprès de Gabriel Pascal et surtout de Paul Rotha). Il forme le projet d'un film sans coupures, qui tiendrait en un unique plan ; il cherche vainement un producteur pour un script sur l'East End : She Stoops to Conquer. Il meurt du cancer, à cinquante ans, dans la plus sombre misère. Ses amis payèrent son enterrement.
Films :
le Cabinet du docteur Caligari (R. Wiene, 1919) ; Johannes Goth (Karl Gerhardt, 1920) ; Der Bucklige und die Tänzerin (F. W. Murnau, id.) ; Genuine (R. Wiene, id.) ; Der Dummkopf (Lupu-Pick, id.) ; Der Gang in die Nacht (Murnau, 1921) ; Torgus (Hanns Kobe, id.) ; Schloss Vogelod (Murnau, id.) ; le Rail (Lupu-Pick, id.) ; l'Escalier de service (P. Leni, L. Jessner, id.) ; Vanina (A. von Gerlach, 1922) ; Loulou (L. Jessner, 1923) ; Tragie-comedie oder der Puppenmacher von Kiang-Ning (R. Wiene, id.) ; la Nuit de la Saint-Sylvestre (Lupu-Pick, id.) ; le Dernier des hommes (Murnau, 1924) ; Tartuffe (id., 1926) ; le Dernier Fiacre de Berlin (Carl Boese, id.) ; Am Rande der Welt (K. Grüne, 1927) ; Berlin, symphonie d'une grande ville (W. Ruttmann, id.) ; l'Aurore (Murnau, id.) ; Four Devils (id., 1928) ; la Bru (id., 1930) ; Ariane (P. Czinner, 1932) ; Der traumende Mund (id., id.) ; The Fourth Estate (P. Rotha, 1939) ; World of Plenty (id., 1942).