Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
C

CHAHIN (Yusuf [Youssef CHAHINE]) (suite)

Ces thèmes, la parabole du Retour du fils prodigue les illustre déjà, avant que Chahin, une fois de plus en marge des conventions des cinémas arabes, entreprenne avec Alexandrie, pourquoi ? un retour sur lui-même, sur sa jeunesse dans l'Égypte à l'écoute des canons de Rommel ; le film de la mémoire mêle la naissance d'une vocation et les multiples facettes d'une société cosmopolite, tolérante, généreuse, qui ne devait survivre ni à 1948 ni à 1952. Ce film sera le premier volet d'une trilogie semi-autobiographique qui comprendra également la Mémoire et Alexandrie encore et toujours. Écartant les schématismes, optant pour des scénarios complexes (la Mémoire), faisant appel à des acteurs chevronnés (Fatin Hamama, Farid Shawqi, Maḥmud al-Miligi), il parie aussi sur des inconnus (Omar Sharif pour Ciel d'enfer, Aḥmad Mahriz, d'autres encore, tel Mohsen Mohiyi ad-Din). S'il tourne parfois trop vite (« Je n'ai pas les moyens d'être perfectionniste »), il a ouvert, dans l'immobilisme cinématographique égyptien, une brèche heureuse, et la leçon vaut d'être entendue : n'avoir de modèle que soi. Chahin a fondé sa propre société de production (Mişr International).

Films :

Papa Amine (Baba Amin, 1950) ; le Fils du Nil (Ibn an-Nil, 1951) ; Femmes sans homme (Nisabila rijal, 1953) ; Ciel d'enfer (Sira fi alwadi, 1954) ; le Démon du désert (Shaït an as-sahra, id.) ; les Eaux noires (Sirafi al-mina, 1956) ; C'est toi mon amour (Inta habiby, 1957) ; Gare centrale (Bab al - ḥadid, 1958) ; Gamila l'Algérienne (Gamila al-gaza iriyya, id.) ; Saladin (an-Naḥir Salah ad-Din, 1963) ; l'Aube d'un jour nouveau (Fagr yawm gadid, 1964) ; le Vendeur de bagues (Bayya al-khawatim, 1965) ; Ces gens et le Nil (an-Nass wa an-Nil, 1972) ; la Terre (al-Ard 1969) ; le Choix (al-Ikhtiyar, 1970) ; le Moineau (al-' Usfur, EG/ALG, 1973) ; le Retour du fils prodigue (Awda al-ibn a¸d-¸da, EG/ALG, 1976) ; Alexandrie, pourquoi ? (Iskandariyya lih ?, EG/ALG, 1978) ; la Mémoire (Hadduta Mişriyya, 1982) ; Adieu Bonaparte (FR/EG, 1985) ; le Sixième Jour (FR/EG, 1986) ; Alexandrie, encore et toujours (Iskandariyya kaman wa kaman, 1990) ; Le Caire vu par Chahin (DOC, 1991) ; l'Émigré (Al Mohager, 1994) ; le Destin (Al Massir, 1997) ; l'Autre (Al Akhar, 1998) ; Silence, on tourne (2001).

CHAKHNAZAROV (Karen [Karen Šahnazarov])

cinéaste russe (Krasnodar 1952).

Après avoir étudié au VGIK dans la classe dirigée par Igor Talankine, il débute à l'écran par Jazzband (My iz džaza, 1983), un film qui suit l'évolution d'un quartet de jazz d'Odessa dans les années 20 et qui remporte un grand succès public. Avec Soirée d'hiver à Gagra (Zimnij večer v Gaǵrakh, 1985), le Garçon de courses (Kurjer, 1986) et la Ville Zéro (Gorod Zero, 1989), il s'impose comme le plus brillant représentant de l'époque de la perestroïka. Il signe ensuite successivement l'Assassin du Tsar (Careubijca, 1991), Rêves (Sny, 1993), la Fille américaine (Amerikanskaja doč, 1995) et le Jour de la pleine lune (Den polnolunija, 1998). À travers certains scénarios ancrés dans l'histoire passée ou contemporaine, il brosse un tableau kaléidoscopique de la société russe de cette fin du XXe siècle dont l'apparent réalisme dérape parfois vers l'insolite voire le surréel.

CHAKIRIS (George)

acteur, chanteur et danseur américain (Norwood, Ohio, 1933).

Formé à l'American School of Dance d'Hollywood, la célébrité mondiale lui vient avec West Side Story (1961) de Robert Wise et Jerome Robbins, rôle qu'il avait déjà dansé à Londres. Il dansait pourtant depuis plus de dix ans avant cette fulgurante révélation. Avec de bons yeux, on pouvait le reconnaître dans le corps de ballet entourant Marilyn Monroe dans Les hommes préfèrent les blondes (H. Hawks, 1953). Son succès lui valut quelques rôles dans des films d'aventures (le Seigneur d'Hawaii, Guy Green, id. ; les Rois du soleil, J. Lee Thompson, id.). Mais seul La ragazza (L. Comencini, 1963) utilisa ses dons dramatiques. En une seule occasion, il retrouva la possibilité de chanter et de danser dans un vrai film musical : les Demoiselles de Rochefort, de Jacques Demy (1967). Depuis, victime du déclin du genre, il se consacre à la télévision et à la chanson.

CHALBAUD (Román)

cinéaste vénézuélien (Mérida, Venezuela, 1931).

Autodidacte formé à l'école du cinéma mexicain classique, il s'impose d'abord comme un des créateurs du théâtre moderne de son pays : il porte souvent à l'écran ses propres pièces. Ainsi, Caín adolescente (1959), le premier film, contient déjà quelques traits de son univers : une option franchement urbaine et populaire, un goût pour les personnages d'origine modeste, l'imbrication dans le récit de formes et références chrétiennes, le poids du syncrétisme religieux et du folklore, l'opposition entre le paradis perdu de la province et l'enfer de la ville, le refus du pharisaïsme social, une dette indéniable vis-à-vis du mélodrame. Sa carrière prend son envol uniquement à partir de La quema de Judas (1974) et de Sagrado y obsceno (1975), lorsque le langage se dépouille et perd sa théâtralité, les dialogues et les personnages gagnant ainsi en authenticité. Chalbaud y aborde des questions d'actualité, comme la guérilla, la marginalité, la répression, les manipulations officielles. Il exhibe désormais un humour qui l'amène parfois à la parodie (Carmen, la que contaba 16 años, 1978 ; Manon, 1986). La oveja negra (1987) décrit une communauté utopique de délinquants, installée dans une salle de cinéma désaffectée. Mais l'œuvre la plus remarquable reste El Pez que fuma (1976), puisque le microcosme du cabaret-bordel y épouse les travers de toute une société. Bien avant Almodóvar, Chalbaud y utilise le répertoire musical comme un ressort dramatique. Le boléro devient, avec le mélo, la matrice d'une vision du monde, tempérée par l'ironie et la sympathie. Pandemonium (1997) est à juste titre couronné à Biarritz.

CHALLIS (Christopher)

chef opérateur britannique (Kensington, Londres, 1919).

Il s'impose en collaborant avec les « Archers » (M. Powell et E. Pressburger), notamment pour la Renarde (1950), les Contes d'Hoffmann (1951), Oh Rosalinda (1955), la Bataille du Rio de la Plata (1956). D'une riche filmographie, quelques productions se détachent : Geneviève (H. Cornelius, 1953), Quentin Durward (R. Thorpe, 1955), l'Enquête de l'inspecteur Morgan (J. Losey, 1959), les Vainqueurs (C. Foreman, 1963), Quand l'inspecteur s'emmêle (B. Edwards, 1964), Ces merveilleux fous volants... (K. Annakin, 1965), Arabesque (S. Donen, 1966), Kaléidoscope (J. Smight, id.), la Vie privée de Sherlock Holmes (B. Wilder, 1970), Steaming (J. Losey, 1985).