DONEN (Stanley) (suite)
Donen a souvent été aidé dans ses réussites par une vertigineuse virtuosité technique. Nul doute que peu de cinéastes ont su, comme lui, suivre l'élan d'un danseur en l'exaltant, sans le briser. D'amples mouvements de caméra très fluides ou, au contraire, un montage très serré, presque haché, lui ont permis de suivre la partition musicale et la chorégraphie sans jamais être pris de court.
Cette technique, Donen a continué à l'employer pour ses comédies. La juxtaposition de ce langage très cinématographique et de scénarios délibérément théâtraux a engendré un heureux contraste qui fait tout le prix d'Indiscret, sa meilleure réussite du genre. Mais il faut aussi revoir les méconnus (Chérie, recommençons, 1960 ; Ailleurs, l'herbe est plus verte, id.), émaillés de jolies trouvailles visuelles, bien joués et emportés à un excellent rythme. Donen va pourtant se trouver dans une impasse. Ayant recours à quelques embrouillaminis policiers, il fait encore illusion dans le très brillant Charade (1963). En tentant néanmoins de renouveler l'expérience, Arabesque (1966) en accuse cruellement les limites. En fait, le dernier film réellement personnel de Donen est l'éblouissant Voyage à deux (1967), qui, grâce à un scénario très cinématographique de Frederic Raphael, permet à Donen une très grande liberté de mouvement. De plus, à travers son actrice-fétiche, Audrey Hepburn, le réalisateur s'y livre à un véritable bilan sur lui-même et sa génération.
Depuis, Donen a connu beaucoup de hauts et de bas. Le plus attristant dans son désarroi est sans doute l'inconfort presque honteux que semblent lui donner ses comédies musicales. « On ne peut pas chanter sous la pluie toute sa vie », disait-il en substance au moment où sortait Staircase. Il y a cependant de fortes chances pour que les danses sous la pluie, aux plafonds ou dans la neige assurent à Donen une place prépondérante dans l'histoire du cinéma américain que ne saurait lui assurer le cabotinage dérangeant et vulgaire de l'Escalier. Par ailleurs, la nostalgie de ce type de cinéma était trop évidente dans Folie, folie pour que nous puissions croire un seul instant que Donen regrette d'avoir chanté sous la pluie.
Films :
Un jour à New York (On The Town, CO G. Kelly, 1949) ; Mariage royal (Royal Wedding, 1951) ; Chantons sous la pluie (Singin' in the Rain, CO G. Kelly, 1952) ; Love Is Better Than Ever (id.) ; l'Intrépide (Fearless Fagan, id.) ; Donnez-lui une chance (Give A Girl A Break, 1953) ; les Sept Femmes de Barberousse (Seven Brides for Seven Brothers, 1954) ; Au fond de mon cœur (Deep in my Heart, id.) ; Beau fixe sur New York (It's Always Fair Weather, CO G. Kelly, 1955) ; Drôle de frimousse (Funny Face, 1957) ; Pique-Nique en pyjama (The Pajama Game, CO G. Abbott, id.) ; Embrasse-la pour moi (Kiss Them for Me, id.) ; Indiscret (Indiscreet, 1958) ; Damn Yankees (CO G. Abbott, id.) ; Chérie, recommençons (Once More With Feeling, 1960) ; Un cadeau pour le patron (Surprise Package, id.) ; Ailleurs, l'herbe est plus verte (The Grass is Greener, 1961) ; Charade (id., 1963) ; Arabesque (id., 1966) ; Voyage à deux (Two for the Road, 1967) ; Fantasmes (Bedazzled, id.) ; l'Escalier (Staircase, 1969) ; The Little Prince (1974) ; les Aventuriers du Lucky Lady (Lucky Lady, 1975) ; Folie Folie (Movie Movie, 1978) ; Saturn 3 (1979) ; C'est la faute à Rio (Blame It on Rio, 1984).