ANIMATION (techniques de l'). (suite)
La même technique permet l'animation d'objets minces ou de minuscules allumettes (les Beaux Arts mystérieux, Cohl, 1910). Dans le cas de films à personnages, l'animation de silhouettes plates et articulées simplifie le contrôle de la permanence des protagonistes découpés, permet de soigner la qualité anthropomorphique des mouvements : Omelette fantastique (1909) ; les Douze Travaux d'Hercule (id.) ; les Peintres néo-impressionnistes (1910) de Cohl.
Variante de cette forme : les silhouettes animées britanniques de Paul Armstrong (1910), qui consistent à donner le mouvement image par image à des découpages articulés placés sur un fond transparent éclairé par-dessous et, surtout, les ombres chinoises de Lotte Reiniger (le Cercueil volant, 1921 ; les Aventures du prince Ahmed, LM, 1926) en collaboration avec Berthold Bartosch.
Il faut également retenir plusieurs variations d'éléments plats ou de silhouettes articulées : le papier découpé « en phases », où le personnage est dessiné et colorié sur du papier, phase après phase, puis découpé et fixé sur cellulo, méthode qui permet d'approcher l'élasticité dans le mouvement du dessin animé, tout en préservant une certaine liberté graphique (la Planète sauvage, de René Laloux, 1973), les « marionnettes plates » de Břretislav Pojar (Histoire du petit chat, 1960 ; l'Orateur Billards, 1962) et Iouri Norstein (le Conte des contes, 1978), qui, en gardant les avantages du relief ou des matières animées, bénéficient des facilités de stabilité et de déplacement d'une animation sur plan horizontal.
Fondus enchaînés et pastels animés.
En 1945, McLaren entreprend deux films : C'est l'aviron et Là-haut sur ces montagnes, réalisés dans une manière sombre, les motifs se détachant en clair sur des fonds nocturnes. Dans le premier, composé d'un effet de zoom continu, il enchaîne toutes les positions successives par des fondus de 5 à 8 images. Dans le second, influencé par la peinture en mouvement des films d'Alexeieff, il enchaîne des états graphiques successifs faisant courir des lumières sur le dos des collines et laissant apparaître des détails du paysage, renforçant toujours plus l'animation d'effets graphiques, flammes, émergence d'objets architecturaux dans A Little Phantasy On a 19th Century Painting (1946) et la Poulette grise (1947). Les effets de halo sont tracés et effacés verticalement afin que la poussière tombe naturellement, en prenant une image après chaque modification.
Animation de matières brutes.
Quelques animateurs tracent d'un couteau précis des formes et même des figurines dans un baquet de matières brutes : peinture, taches liquides ou amas poudreux (sol, couleur, sable).
Robert Lapoujade tire de ces matières des formes de stylisation inédites (Prison, 1962 ; Vélodrame, 1963 ; Trois Portraits d'un oiseau qui n'existe pas, id.), et Piotr Kamler, des dentelles de personnages et de décor... Eliott Noyes façonne des figures d'un tracé expéditif (Sandman, 1973) et Caroline Leaf des scènes simplifiées dramatiquement situées dans des décors détaillés (The Street, 1977).
Le dessin animé.
Toute l'histoire du film d'animation alterne entre l'exploitation des méthodes expéditives et individuelles d'animation par déplacement, modification, remodelage image par image des motifs (premières origines au début du siècle, multiplication des créateurs individuels et des écoles nationales dans les années 40 et 50) et les techniques du dessin animé, qui, elles, en exigeant une organisation concertée du travail, une spécialisation des tâches, autorisent des niveaux de productivité qui permettent une fabrication régulière et suffisamment importante pour tenir une place industrielle et commerciale dans le flot des communications visuelles (séries de courts métrages des années 20 et 30), Blanche-Neige et les sept nains (W. Disney, 1937), longs métrages d'animation des années 40 ou 70, séries télévisées des années 60.
Il fallait que, dans son histoire, le puissant moyen d'inscription visuelle en mouvement qu'est le cinéma d'animation rencontre le dessin et surtout le dessin humoristique. En 1895, Edison convoque Blackton, le fameux caricaturiste du New York Evening World, pour lui faire exécuter un « dessin express » en prise de vues accélérée. En 1901, Love by the Light of the Moon (AM B) introduit, par une glissière dans un décor nocturne, sept phases d'expression de la lune. En 1900, dans The Enchanted Drawing, Blackton insère par arrêt sur l'image des séries de 2 à 4 phases d'expression de personnages pour aboutir dès 1906 aux enchaînements, substitutions et déplacements encore pétrifiés de Humourous Phases of Funny Phases, suivi de Lightning Sketches (1907) et The Magic Fountain Pen (1909).
Mais c'est l'animateur français Cohl qui, avec le Cauchemar du Fantoche (1908) et Fantasmogorie (id.), démontre du premier coup la puissance expressive et la vitalité dynamique du dessin animé, en donnant à ce genre ses premiers chefs-d'œuvre. L'œuvre de Cohl appartient encore à l'univers graphique des dessins pour rire « fin de siècle ». Travaillant seul, il utilise toutes les techniques expéditives de synthèse du mouvement graphique image par image (dessin complété trait par trait, animation d'éléments découpés, animation d'objets et phases graphiques successives).
La création d'un cinéma dessiné dont toutes les phases graphiques sont dessinées revient à Winsor McCay. Il a fallu pour cela donner une première solution au repérage et à la superposition parfaite des phases successives à l'étape du dessin puis du tournage. L'utilisation de feuilles coupées à angle droit et bloquées par des équerres résout le problème (Little Nemo, 1911 ; Story of a Mosquito, 1912), mais oblige à tout animer : personnages et décors (Gertie the Dinosaur, 1914). John Randolph Bray choisit un système de croix de repérage emprunté à la technique de l'imprimerie en couleurs. Vers 1914, Raoul Barré, puis Bray vont résoudre ce problème fondamental en soumettant tous les éléments dessinés à une perforation mécanique correspondant à des règles à ergots qui assurent une mise en place identique de tous les éléments de l'animation (décors, phases de mouvement, détail de premier plan) à toutes les étapes de préparation, de réalisation des phases ou du tournage sur table de prise de vues.