Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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FERJAC (Anouk)

actrice française (Paris 1932).

Fille du dessinateur du Canard enchaîné Pol Ferjac, elle suit des cours de danse et devient l'élève de René Simon. Très jeune débutante au cinéma, elle fait figure de future vedette vers 1950 (Justice est faite, Nous sommes tous des assassins de Cayatte) mais n'est reconnue que par les cinéastes appartenant ou postérieurs à la Nouvelle Vague, Deville (Lucky Joe, 1964), Resnais (La guerre est finie, 1966 ; Je t'aime je t'aime, 1968), Chabrol (Que la bête meure, 1969). Comédienne très fine, très appréciée des cinéastes débutants, elle tourne plusieurs courts métrages et un grand nombre de premiers films : Mektoub (Ali Ghalem, 1970) , la Michetonneuse (Francis Leroi, 1972) , Les grands sentiments font les bons gueuletons (Michel Berny, 1973), le Diable dans la boîte (Pierre Lary, 1977), Lien de parenté (Willy Rameau, 1986), Buisson ardent (Laurent Perrin, 1987), la Salle de bain (John Lvoff, 1989), tout en jouant au théâtre, notamment dans la troupe de Roger Planchon, et à la télévision.

FERMETURE.

Fermeture en fondu, voir FONDU.

FERNANDEL (Fernand Joseph Désiré Contandin, dit)

acteur français (Marseille 1903 - Paris 1971).

Son père, un modeste employé de banque, occupe ses loisirs à se produire au café-concert, sous le pseudonyme de Sined (anagramme de son prénom Denis). Le petit Fernand l'accompagne dans ses tournées et, dès l'âge de cinq ans, fait de la figuration comme... grognard d'Empire, avant d'apprendre par cœur le répertoire du comique troupier Polin. Avec son frère cadet, il forme un couple de duettistes, Fernand et Marcel Sined (la carrière de ce dernier sera très effacée, il apparaîtra dans quelques films sous le nom de Fransined). Fernand épousera en 1925 Henriette Manse (sa belle-mère, en l'appelant le « Fernand d'elle », lui donne l'idée de son pseudonyme), il en aura trois enfants dont Josette (qui interprétera un unique film à ses côtés, Josette, en 1936) et Franck (chanteur et acteur à partir de 1962). Quant à son beau-frère Jean Manse, il fut coadaptateur et dialoguiste attitré de la plupart de ses films, et l'auteur des lyrics qui les émaillent obligatoirement.

À quatorze ans, le jeune Contandin est chasseur à la Banque nationale de crédit de Marseille. Mais il ne rêve que de spectacle. Il réussit à se faire engager à l'Eldorado de Nice, d'où il part en tournée avant d'être pris sous contrat à l'Odéon de sa ville natale. Il campe un irrésistible tourlourou, par exemple dans le Cavalier Lafleur, une opérette à succès de Baine et Mauprey. En 1928, les Parisiens le découvrent, à Bobino d'abord, puis au Concert Mayol, dans la revue Vive le nu. Marc Allégret le remarque et lui confie le rôle du « chasseur vierge » dans son adaptation à l'écran de la pièce de Sacha Guitry le Blanc et le Noir. Son partenaire n'est autre que Raimu. Dès lors, il va enchaîner film sur film, sans délaisser pour autant le théâtre, jouant entre autres Ignace au Châtelet en 1936, le Rosier de madame Husson à la porte Saint-Martin en 1937, Tu m'as sauvé la vie, de Sacha Guitry, aux Variétés en 1949, trois pièces qui deviendront autant de films à succès, ou enfin Freddy, de Robert Thomas, qu'il promène en tournée à la fin des années 60.

Entre 1930 et 1969, Fernandel a tourné quelque 150 films, déchaînant automatiquement le rire du public, même aux heures sombres de l'Occupation (on dit qu'il ne put jamais monter la garde, sa seule présence à l'entrée d'une caserne provoquant aussitôt des attroupements hilares !). Le niveau moyen de cette production est assurément assez bas, si l'on s'en tient à l'interminable série des Ferdinand le noceur, Raphaël le tatoué, Cœur de coq, Émile l'Africain et autres Boniface. Il est vrai que cette médiocrité est la rançon de sa colossale popularité : « Si vous demandez à un enfant de cinq ans qui est Fernandel, disait-il lui-même, il le sait ! » Et il ajoutait, avec une marge raisonnable d'humour : « La preuve que je suis un grand acteur, c'est que dans Don Camillo j'ai eu le plus grand des partenaires : Dieu lui-même ! » De sa période d'avant-guerre, quelques films émergent : On purge Bébé (un rôle très bref, sous la direction de Jean Renoir), les Gaietés de l'escadron, de Maurice Tourneur (avec Raimu et Gabin), Adémaï aviateur (avec Noël-Noël), Un de la Légion et François Ier, de Christian-Jaque, Fric-Frac (avec Michel Simon). On peut également apprécier, pour leur débilité soigneusement contrôlée, ses prestations ubuesques dans les Dégourdis de la onzième (dialogue d'Anouilh !) ou Tricoche et Cacolet, et le sens du travesti dont témoignent les célèbres Cinq Sous de Lavarède. Mais c'est surtout de Fernandel transfiguré par Pagnol que l'on se souviendra : Saturnin, le benêt au grand cœur d'Angèle ; Gédémus dans Regain ; l'inoubliable Schpountz mimant avec génie un article du Code pénal ; Felipe le confident du puisatier Raimu, au lendemain de la guerre ; enfin Toine le pathétique bossu amoureux de la belle Naïs, un rôle d'où toute velléité comique a disparu. « C'est à Pagnol, reconnaît honnêtement Fernandel, que je dois d'avoir pu prouver que j'étais un vrai comédien. »

Son jeu, après guerre, ira se nuançant. Mûri, le regard un peu désabusé dans un faciès encore chevalin, il se paie le luxe de compositions ambiguës, allant de l'humour noir (l'Armoire volante, l'Auberge rouge) au mélodrame (Meurtres, le Fruit défendu), et du policier (l'Homme à l'imperméable) au western parodique (Dynamite Jack). Il est excellent en Ali-Baba, vu par Jacques Becker, savoureux en Sganarelle, dans le Don Juan de John Berry, et tient tête aussi bien à Totò qu'à Bob Hope, dans des coproductions hybrides. Mais la sobriété apprêtée du Voyage du père lui sied plutôt mal. Quant à la série des Don Camillo, en dépit (ou à cause) d'une certaine démagogie inhérente au personnage, elle lui conféra la dimension de la mythologie. Sa carrière se clôt, assez curieusement, sur un film à la poésie chaleureuse, regorgeant d'élans écologiques : Heureux qui comme Ulysse... Heureux comme Fernandel, serait-on tenté de dire : comédien couvert d'or par ses innombrables succès, ayant tâté incidemment de la mise en scène (Simplet, Adrien, Adhémar ou le Jouet de la fatalité) et de la production (la « Gafer », en collaboration avec Jean Gabin), il est resté humblement attaché à son pays natal, à la simple et chaude atmosphère provençale. Le secret de la longévité de sa carrière tient à cette simplicité même, à cet art dont parle Marcel Pagnol, qu'il possédait au plus haut degré : « faire rire des êtres qui ont tant de raisons de pleurer ».