DE NIRO (Robert) (suite)
Comparer sa filmographie à celle d'un Robert Redford est intéressant aussi d'un autre point de vue : l'image que chacun d'eux renvoie de l'Amérique. Si Redford incarne une Amérique libérale et policée, traditionnelle et soucieuse de son histoire et de certaines valeurs morales parfois en contradiction avec les faits, De Niro restitue, dans les films de Scorsese surtout, l'image d'une Amérique hétérogène, anarchique, incontrôlée, melting-pot de civilisations et de cultures qui ne trouvent pas leur synthèse ni leur intégration. Dans leur variété, ses rôles ont quand même au moins une problématique commune : l'impossibilité (ou tout au moins la difficulté) de quitter l'adolescence, que ses personnages ont tendance à prolonger et à n'abandonner, quand ils y parviennent, qu'au travers d'épreuves profondément traumatisantes. La précision caméléonesque de ses interprétations autorise, en raison de leur profondeur, des lectures à plusieurs niveaux : psychologique, psychanalytique, sociologique. Cet acteur, dont le physique et la formation (celle de l'Actor's Studio) invitent tellement à la projection et à l'identification, est en même temps le contraire d'un illusionniste, dont le but ultime est de traduire clairement la complexité du monde et des hommes. Médium entre le spectateur et le personnage auquel il permet que l'on s'identifie, De Niro représente aussi le paradoxe du comédien à son plus haut niveau : l'incarnation et l'analyse données dans une impossible unité.
Il a réalisé un beau film sur les milieux italo-américains, Il était une fois le Bronx, qui ne doit rien à Martin Scorsese et qui fait montre d'une retenue remarquable, jusque dans son interprétation sobre d'un personnage (le père prolétaire) qu'il veut secondaire.
Films :
Greetings (B. De Palma, 1968) ; The Wedding Party (id., 1969) ; Bloody Mama (R. Corman, 1970) ; Hi, Mom ! (De Palma, id.) ; Né pour vaincre (I. Passer, 1971) ; The Gang That Couldn't Shoot Straight (James Goldstone, id.) ; Jennifer on My Mind (Noël Black, 1972) ; Bang the Drum Slowly (John Hancock, 1973) ; Mean Streets (M. Scorsese, id.) ; le Parrain, II (F. F. Coppola, 1974) ; 1900 (B. Bertolucci, 1976) ; Taxi Driver (Scorsese, id.) ; le Dernier Nabab (E. Kazan, id.) ; New York, New York (id., Scorsese, 1977) ; Voyage au bout de l'enfer (M. Cimino, 1978) ; Raging Bull (id., Scorsese, 1980) ; Sanglantes Confessions (True Confessions, Ulu Grosbard, 1981) ; la Valse des pantins (Scorsese, 1982) ; Il était une fois l'Amérique (S. Leone, 1984) ; Brazil (T. Gilliam, id.) ; Falling in Love (U. Grosbard, id.) ; Mission (R. Joffé, 1986) ; Angel Heart / Aux portes de l'enfer (A. Parker, 1987) ; les Incorruptibles (B. De Palma, id.) ; Midnight Run (Martin Brest, 1988) ; Jacknife (id., David Jones, id.) ; Nous ne sommes pas des anges (We're No Angels, Neil Jordan, 1989) ; Stanley and Iris (M. Ritt, 1990) ; les Affranchis (M. Scorsese, id.) ; l'Éveil (Awakenings, Penny Marshall, id.) ; la Liste noire (Guilty by Suspicion, Irwin Winkler, 1990) ; Backdraft (Ron Howard, 1991) ; les Nerfs à vif (Scorsese, id.) ; Mad Dog and Glory (John Mc Naughton, 1992) ; la Loi de la nuit (Winkler, id.) ; Mistress (Barry Primus, id.) ; Blessures secrètes (This Boy's Life, Michael Caton-Jones, 1993) ; Il était une fois le Bronx (A Bronx Tale, id., réalisé par lui-même) ; Frankenstein (K. Branagh, 1994) ; les Cent et Une Nuits (A. Varda, 1995) ; Heat (Michael Mann, id.) ; Casino (M. Scorsese, 1996) ; Sleepers (B. Levinson, id.) ; le Fan (The Fan, T. Scott, id.) ; Copland (id., James Mangold, 1997), Jackie Brown (Q. Tarantino, id.) ; De grandes espérances (Great Expectations, Alfonso Cuaron, 1998), Des hommes d'influence (Wag the Dog, B. Levinson, id.), Ronin (id., J. Frankenheimer, id.) ; Mafia Blues (Analyze This, Harold Ramis, 1999), Personne n'est parfaite (Flawless, J. Schumacher, id.) ; les Aventures de Rocky et Bullwinkle (The Adventures of Rocky and Bullwinckle, Des McAnuff, 2000), Mon beau-père et moi (Meet the Parents, Jay Roach, id.), Quinze minutes (15 Minutes, John Herzfeld, id.), The Score (id., 2001, Frank Oz).