GUERASSIMOV (Serguei) [Sergej Apollinarievič Gerasimov]
cinéaste et acteur soviétique (Tchéliabinsk 1906 - Moscou 1985).
Élève à l'École des beaux-arts de Leningrad, puis à l'Institut d'art scénique, il débute comme acteur dans la troupe de la FEKS, d'abord sur scène puis dans le second film de Kozintsev et Trauberg : Michka contre Youdenitch, avec lesquels il travaillera comme acteur et assistant jusqu'en 1930. Son physique (carrure puissante, crâne rasé, visage dur, yeux perçants) le spécialise dans les rôles de « méchant » : un espion dans Michka, un bureaucrate envieux dans le Manteau, un aventurier dans S. V. D., un journaliste cynique dans la Nouvelle Babylone, un complice des koulaks dans Seule ; il figure aussi dans Un débris de l'Empire d'Ermler et dans le Déserteur de Poudovkine.
Il passe à la réalisation au studio Lenfilm au début du parlant, tout en menant de pair une carrière de professeur d'art dramatique à Leningrad puis à Moscou (VGIK). Après un début peu marquant, il est révélé par son premier film parlant, les Sept Braves (Semero smelyh, 1936) et surtout par Komsomolsk (1938), où il pratique un style délibérément réaliste et exalte le nouvel homme soviétique dans des épisodes héroïques de la construction de la nouvelle société. Dès cette époque, ses films sont la parfaite incarnation du réalisme socialiste. Mais, si les films précédemment cités, ainsi que l'Instituteur (Učitel, 1939), sont animés par un enthousiasme civique convaincant et par un certain souffle dramatique, ceux qu'il réalisera durant la période jdanovienne seront beaucoup moins inspirés : c'est le cas de la Jeune Garde (Molodaja gvardija, 1948) et surtout du Don paisible (Tihij Don, 1957-58), qui sont souvent considérés, en dehors d'URSS, comme les parangons de la sclérose artistique stalinienne. Auparavant, il aura donné une belle adaptation de Lermontov, Mascarade (Maskarad, 1941) et plusieurs contributions aux Ciné-Recueils de guerre.
Contrairement à ceux de certains de ses contemporains (Romm, Raïzman, Donskoï), ses films de la période du dégel ne portent guère la marque d'une profonde révolution thématique et plastique : Hommes et Bêtes (Ljudi i zveri, 1962), le Journaliste (Žurnalist, 1967), Au bord du lac Baïkal (U ozera, 1969), Aimer les hommes (Ljubit’ čeloveka, 1972) témoignent cependant, au fil des années, d'une volonté de modernité et d'ouverture qui culmine avec la belle réussite de Mères et Filles (Dočki-materi, 1974), étude de mœurs contemporaines d'une vivacité et d'une justesse étonnantes. Plus récemment, il s'est tourné vers la littérature (le Rouge et le Noir, film en 5 parties pour la TV) ; Léon Tolstoï (Lev Tolstoj, 1985, où il interprète lui-même le rôle-titre) et l'histoire (la Jeunesse de Pierre le Grand [Junost ' Petra, en 2 parties, 1981]).
GUERMAN (Alekseï) [Aleksej Georgievič German]
cinéaste soviétique (Leningrad, 1938).
Il est l'un des auteurs les plus talentueux des années 70 et 80. Connu hors de son pays par Vingt Jours sans guerre (Dvadsiat dnei bez vojny, 1976), il est également le signataire de ‘la Vérification’ (Proverka na dorogah, 1973) et de Mon ami Ivan Lapchine (Moj drug Ivan Lapšin, 1985). En 1998, après avoir connu beaucoup de difficultés de production, il achève Khroustaliov, ma voiture ! (Hrustalëv, mašinou !).
GUERRA (Ruy)
cinéaste brésilien d'origine portugaise (Lourenço Marques, Mozambique, 1931).
L'itinéraire mouvementé de Ruy Guerra est représentatif de certaines carrières cosmopolites du cinéma contemporain et explique le brassage de cultures dont témoigne son œuvre riche et inventive. Fils de colons portugais, il est élevé en Afrique, fait des études à Lisbonne puis entre à l'IDHEC (1952-1954) et devient l'assistant de Jean Delannoy et de Georges Rouquier. Il part pour le Brésil, commence deux films qu'il n'achève pas, Orós (1960 ; CM) et O cavalo de Oxumaré (1961), puis participe à la fondation du Cinema novo avec deux œuvres explosives, la Plage du désir (Os Cafajestes, 1962), peinture aiguë des jeunes oisifs de la bonne société carioca et de leurs jeux érotiques, et les Fusils (Os Fuzis, 1964), dont l'action se situe dans le nord-est du pays et confronte un sergent et quatre soldats chargés par le maire d'acheminer une récolte que convoitent les paysans affamés. Film rigoureux et violent, les Fusils analysent avec détachement l'exploitation d'un peuple.
Treize ans plus tard, Ruy Guerra coréalisera avec Nelson Xavier la Chute (A Queda, 1977), qui se présente comme une suite aux Fusils et raconte la destinée de ses personnages de retour à la ville. Tendres Chasseurs (Sweet Hunters, 1969), tourné en France et en langue anglaise (avec Sterling Hayden), est un récit poétique sur un ornithologue enfermé dans une île avec sa femme et sa belle-sœur. Obsessions et désirs frustrés forment la trame de cette œuvre envoûtante à laquelle succédera au Brésil un « opéra » tropicaliste, les Dieux et les Morts (Os Deuses e os Mortos, 1970), mêlant la magie et le mythe sur les rivalités entre grands propriétaires terriens du Nord-Est.
Pendant les années 70, Ruy Guerra aide à la fondation du cinéma mozambiquais et y tourne des documentaires, dont Mueda, mémoire et massacre (Mueda, Memória e Massacre, 1979). Il adapte des œuvres de Gabriel García Márquez : Erendira (id., 1983), qui offre un nouvel exemple de ce réalisme magique où la lucidité critique va de pair avec le sens du fantastique et de l'imaginaire, Fable de la Colombine (A Fábula de Bela Palomera, 1987) et Me aquilo para sõnar (1992). Il signe en 1986 Opera do Malandro, comédie musicale d'après une pièce de Chico Buarque de Hollanda. En 1989, il retrouve avec Kuarup l'inspiration tropicaliste du Cinema Novo, puis sa veine expérimentale, avec l'adaptation d'un récit de Chico Buarque entièrement basé sur le monologue intérieur, Embrouille (Estorvo, 1999). Auteur de tous ses scénarios (sauf celui d'Erendira), Ruy Guerra est également comédien (on l'a vu dans Benito Cereno de Serge Roullet, 1969, et dans Aguirre, la colère de Dieu de Werner Herzog, 1972) et compositeur de chansons populaires.
GUERRA (Antonio, dit Tonino)
scénariste italien (Santarcangelo di Romagna 1920).