MCCAREY ([Thomas] Leo)
cinéaste et producteur américain (Los Angeles, Ca., 1894 - Santa Monica, Ca., 1969).
McCarey reçoit une éducation catholique et sportive. Il fait quelques études de droit, exerce de petits métiers et bientôt devient à Hollywood l'assistant de Tod Browning (1918-1923). Il réalise son premier long métrage, la comédie satirique Society Secrets, dès 1921, et, de 1923 à 1929, il travaille pour le producteur Hal Roach, dirigeant ou supervisant un grand nombre de courts métrages comiques, parmi lesquels ceux de Laurel et Hardy. Le nombre exact de ses films, le rôle précis joué par McCarey (qui aurait eu l'idée de faire de Laurel et Hardy un « tandem » comique), sont très controversés. Ce qui ne fait pas de doute, c'est que, d'une part, les meilleurs films de Laurel et Hardy furent précisément réalisés en 1928-29 sous la supervision de McCarey, et que, d'autre part, cette période constitua pour lui un apprentissage unique du gag et du tempo comique. Citons Liberty, Wrong Again, la Bataille du siècle (The Battle of Century) et, dirigé par James Horne mais supervisé par McCarey, Big Business (1929), où ils vendent des arbres de Noël et détruisent avec une détermination méthodique la maison de James Finlayson, qui lui-même détruit leur véhicule, tandis que l'agent de police Tiny Sanford note tout sur un calepin, sans intervenir.
De 1929 à 1931, McCarey réalise six longs métrages, mais l'on s'accorde à dater le véritable début de sa carrière en 1932, avec le Roi de l'arène (The Kid From Spain), dont il écrit le sujet original pour le comique Eddie Cantor et dont la chorégraphie est due à Busby Berkeley. Le succès du Roi de l'arène vaut à McCarey un contrat avec la Paramount et une offre des Marx Brothers qu'il dirige dans Soupe au canard (Duck Soup, 1933), titre repris d'un court métrage de Laurel et Hardy. Satire antimilitariste mettant en scène une guerre d'opérette entre deux États imaginaires, Soupe au canard constitue en même temps, dans l'œuvre des frères Marx, un sommet délirant, ce qui n'est pas peu dire. McCarey continue à mettre son talent au service de comiques dont les personnages sont déjà constitués, ce qui limite évidemment ses possibilités d'expression : Six of a Kind (1934) est construit autour de W. C. Fields, George Burns et Gracie Allen ; Ce n'est pas un péché (Belle of the Nineties, 1934), autour de Mae West ; Soupe au lait (The Milky Way, 1936), autour de Harold Lloyd. De ces films, à certains égards impersonnels, McCarey ne gardera pas le meilleur souvenir.
C'est pendant les dix années suivantes qu'il réalise l'essentiel de son œuvre, les films qui correspondent exactement à ses ambitions et qui font brièvement de lui (en compagnie de son ami Capra) l'un des tout premiers metteurs en scène d'Hollywood : l'Extravagant M. Ruggles (Ruggles of Red Gap, 1935) est, à l'instar des œuvres engagées de Capra, une comédie loufoque qui comporte un message. Le valet de chambre européen (admirablement interprété par Charles Laughton) découvre, au contact de l'Ouest américain, les valeurs démocratiques, au point de donner une leçon à ses nouveaux compatriotes en leur récitant le discours de Lincoln à Gettysburg, que pour leur part ils ont oublié. Dans le registre grave, Place aux jeunes (Make Way for Tomorrow, 1937) montre l'agonie d'un vieux couple contraint à la séparation par l'égoïsme de ses enfants ; McCarey pratique là un art consommé de la litote, qui rend l'émotion d'autant plus vive qu'il n'y est apparemment jamais fait appel. C'est un conte de fées à l'envers, et l'envers même de la screwball comedy, que vivent Victor Moore et Beulah Bondi, contraints de quitter la piste de danse non pas à minuit mais dès 9 heures du soir.
McCarey collabore à nouveau avec Vina Delmar (scénariste de Place aux jeunes) sur Cette sacrée vérité (The Awful Truth, 1937), comédie loufoque bien caractéristique de sa manière par son esprit nettement égrillard, qu'on retrouvera dans Ce bon vieux Sam (Good Sam, 1948) et dans la Brune brûlante, et aussi dans Mon épouse favorite (My Favorite Wife, 1940), que McCarey (victime d'un accident de voiture) se contente de « superviser » et que signe Garson Kanin.
En 1939, c'est Elle et Lui (Love Affair), comédie dramatique et sentimentale qu'interprètent avec une grande pudeur Charles Boyer et Irene Dunne ; en 1957, McCarey en réalise un remake avec Cary Grant et Deborah Kerr, Elle et Lui (An Affair To Remember), qui, placé hors du contexte des années 30, acquiert une sorte de qualité provocatrice, réaffirmant, à contre-courant des modes et des idées reçues, la beauté anachronique d'un certain cinéma tour à tour tendre, grave et comique.
Dans l'intervalle, McCarey a signé plusieurs films qu'à des titres divers on peut qualifier d'engagés : Lune de miel mouvementée (Once Upon a Honeymoon, 1942), marchant sur les brisées de Lubitsch et de Jeux dangereux, ridiculise les nazis ; la Route semée d'étoiles (Going My Way, 1944), qui remporta quatre Oscars, et les Cloches de Sainte-Marie (The Bells of St. Mary's, 1945) constituent, autour de la personnalité attachante de Bing Crosby, les manifestations d'une sorte de folklore irlandais d'Amérique, où le catholicisme fait bon ménage avec le goût du sport et une santé sexuelle sans complexes. C'est la même idéologie, mais poussée jusqu'à son terme logique, voire jusqu'à l'absurde, qui s'exprime dans My Son John (1952), œuvre qu'on peut qualifier de maccartiste et qui oppose aux vertus réactionnaires d'une famille américaine chrétienne, patriotique et démocratique les « états d'âme » de son fils (interprété par Robert Walker), intellectuel perverti par le communisme, finalement repenti mais abattu par ses complices. L'anticommunisme de McCarey se donnera à nouveau libre cours (mais avec moins de talent que dans My Son John) dans son dernier film, Une histoire de Chine (Satan Never Sleeps, 1962).
Le remake d'Elle et Lui soulignait, dans son titre même (An Affair To Remember, 1957), son propre anachronisme, son désir de retour en arrière. Il en va de même, en un sens, de la Brune brûlante (Rally Round the Flag, Boys !, 1958), comédie explosivement « moderne » qui renoue néanmoins avec les thèmes loufoques des années 30 et notamment avec le motif de l'adultère toujours sur le point d'être consommé.