cinéaste britannique (Croydon 1908 - Londres, 1991).
Il entre dans la profession en 1928 comme assistant opérateur, puis devient monteur et passe enfin à la réalisation en 1942, en secondant Noël Coward pour Ceux qui servent en mer (In Which We Serve). Le grand succès public et critique du film le fait reconnaître. D'abord régulière, sa carrière va se faire de plus en plus rare à partir de 1957, quand David Lean trouve une consécration internationale avec le triomphe du Pont de la rivière Kwaï (The Bridge on the River Kwaï) : dès cet instant, il sera un cinéaste de prestige qui n'œuvrera que tous les cinq ans en moyenne.
Ceux qui confondent le cinéma et l'esthétique de la carte postale tiennent parfois David Lean pour le plus grand cinéaste au monde. Que cette pointe acerbe ne trompe personne : elle signifie seulement qu'avant de figer son incontestable talent dans la glace de la convention, David Lean a été l'un des chefs de file du cinéma britannique. L'esthétisme ampoulé du Docteur Jivago (Doctor Zhivago, 1965) et de la Fille de Ryan (Ryan's Daughter, 1970) a autant de quoi séduire que de quoi irriter. Mais il y avait déjà dans Lawrence d'Arabie (Lawrence of Arabia, 1962) des traces nettes de ce que Lean allait devenir : un imagier méticuleux. Il y avait aussi des traces nettes de ce qu'il avait été : un imagier traditionnel, mais animé d'un souffle réel, acharné à peindre les manies, les obsessions ou les idées fixes.
Indiscutablement, les premiers dix ans de son œuvre méritent une nouvelle visite. Non tant Brève Rencontre (Brief Encounter, 1945), faux film réaliste mais authentiquement cowardien que David Lean avait tourné dans la grisaille appropriée, que ces comédies élégamment toquées qu'étaient Heureux Mortels (The Happy Bread, 1944) ou L'esprit s'amuse (Blithe Spirit, 1945), Coward de bon cru bariolés avec humour. Dans un registre moins brillant, c'est avec plaisir qu'on voit Chaussure à son pied (Hobson's Choice, 1954), comédie bourgeoise rondement menée par Charles Laughton, qui y trouvait un de ses meilleurs rôles. Ces films, David Lean les servait par son adresse à suivre le récit, la clarté de son montage, la justesse des atmosphères et une direction d'acteur qui, pour être traditionnelle, n'en était pas moins ferme (le trio Rex Harrison-Contance Cummings-Kay Hammond, dans L'esprit s'amuse, est remarquable).
Répétons-le, David Lean a toujours été tenté par l'imagerie. Deux adaptations de Dickens lui ont fourni l'occasion d'épancher ce talent dans des limites précises, sans le gigantisme qui plus tard allait abîmer son style. Oliver Twist (1948) reste sans doute la version cinématographique de référence, fidèle en tout point aux illustrations de l'enfance, sombres et menaçantes. Moins célèbres, les Grandes Espérances (Great Expectations, 1946) sont une réussite totale, mise en image avec un bonheur souverain et bénéficiant d'une interprétation exceptionnelle (Jean Simmons y était admirable). Ce romantisme ténébreux, un rien obsessionnel, qui sacrifie volontiers la psychologie et le réalisme à l'intensité de l'émotion, David Lean l'a manié avec une adresse remarquable plus d'une fois. Les Amants passionnés (The Passionate Friends, 1948) en est la preuve et, comparé à Brève Rencontre, laisse bien apparaître la personnalité de Lean, plus romantique que celle de Coward. Le meilleur de ses derniers films retrouvait cette veine, cette fois traversée d'une certaine cruauté : Vacances à Venise (Summer Madness, 1955) jouait du contraste de l'austère Katharine Hepburn, vivant un amour assez pénible, et de Venise, luxuriante, photographiée avec un brillant de carte postale.
Deux ans plus tard, le Pont de la rivière Kwaï faisait définitivement entrer Lean dans l'académisme. On ne saurait dénier au film les qualités du travail bien fait. Mais la raideur qui allait geler jusqu'aux vagues tumultueuses de la Fille de Ryan s'affirmait. Le Docteur Jivago est certes un film populaire qui se voit sans ennui, mais qui affadit l'ardeur illustrative des Grandes Espérances ou de Vacances à Venise. De ces derniers films, tous monumentaux, mais rarement à la hauteur de leurs ambitions, seul Lawrence d'Arabie est original et réussi. Le parti pris de faire une œuvre sévère aux proportions gigantesques était parfaitement mené à bien et Lean y peignait avec beaucoup de richesse l'obsession et le mystère du héros. Ce fut peut-être la seule fois où le cinéaste ne perdait ni sa sensibilité ni son humour dans la magnificence de l'imagerie. On pouvait du moins le penser jusqu'à son dernier film : à la fois sobre et exaltée, la Route des Indes (A Passage to India, 1984), trahison d'un roman de E. M. Forster, est pourtant un des sommets de la carrière de Lean. Tout à coup, la volonté d'opposer des personnages infimes à un décor qui les dépasse trouvait une justification dans les rouages psychologiques complexes du récit, et la réussite jetait rétrospectivement une nouvelle lumière sur l'œuvre passée du cinéaste.
Autres films :
Madeleine (1950) ; le Mur du son (The Sound Barrier, 1952). ▲