Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
J

JUTRA (Claude)

cinéaste canadien (Montréal, Québec, 1930 - dans le fleuve Saint-Laurent 1986).

Étudiant en médecine, il devient bientôt comédien (Théâtre du Nouveau Monde de Montréal). Après quelques courts métrages (CO : Michel Brault), il entre à l'ONF en 1954 et collabore (également comme acteur) avec McLaren pour Il était une chaise (1957). Il travaille en France (Anna la bonne, 1959, avec Marianne Oswald) et au Niger (Niger, jeune république, 1961 ; CO : Jean Rouch). Dans Québec-USA (1961) et les Enfants du silence (1963 ; CO : M. Brault), il fait preuve d'un sens aigu de l'observation quotidienne, signe Comment savoir (1946), Wow (1969), et crée l'événement avec À tout prendre (1963), fiction autobiographique d'un grande justesse de ton. Mon oncle Antoine (1970), savoureux tableau de la vie au Québec dans les années 40, Kamouraska (1973, d'après le roman d'Anne Hébert) et la Dame en couleurs (1985) ont marqué son retour à la fiction et l'abandon du style direct. Atteint de la maladie d'Alzheimer, il disparaît en novembre 1986. Son corps a été retrouvé en avril 1987 dans le fleuve Saint-Laurent à la hauteur de Québec.

JUTZI (Philipp, dit Piel, ou Phil)

chef opérateur, monteur et cinéaste allemand (Alt-Leiningen 1896 - Neustadt 1946).

Peintre devenu opérateur en 1918, puis réalisateur et auteur dans des productions populaires depuis 1919, il collabore avec le Secours rouge international et devient un des meilleurs représentants du cinéma prolétarien allemand et du courant réaliste-critique de la fin des années 20, notamment dans ses collaborations avec la Prometheus. La Tragédie des enfants (Kindertragödie, 1927) et Notre pain quotidien (Unser tägliches Brot, 1929, CM) sont des documentaires sociaux engagés, tout comme Premier Mai sanglant, 1929 (Blutmai 1929, CM), qu'il monte à partir de prises de vues faites par des militants du mouvement des « cameramen ouvriers » du Parti communiste, et quelques films de propagande comme Cent Mille sous le drapeau rouge (Hunderttausend unter roten Fahnen, 1930, CM) Il reste fidèle au témoignage social dans un film prolétarien tout à fait remarquable, l'Enfer des pauvres (Mutter Krausens fährt ins Glück, 1930), et dans Sur le pavé de Berlin (Berlin, Alexanderplatz, 1931), une œuvre au style très moderne réalisé d'après le roman d'Alfred Döblin avec la participation de l'écrivain. Il avait aussi réalisé des versions allemandes de films soviétiques, et signé, avec Anatoli Golovnia, la photo du Cadavre vivant de Fedor Ozep (1928). En 1933 ses films sont interdits par les nazis, ce qui ne l'empêche pas d'adhérer au parti au pouvoir. Il ne tourne que des courts-métrages de fiction à l'exception de deux longs produits par une société autrichienne en 1934-35, dont Der Kosak und die Nachtigall tourné en Égypte. En Allemagne pendant la guerre il n'est plus qu'opérateur de studio et ne travaille plus que sur des films scolaires. Gravement malade, il meurt à l'hopital un an après l'armistice. C'est à cause d'un procès que lui intenta en 1931 l'acteur populaire Harry Piel* qu'il adopta Phil pour prénom.