Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
C

CRESTÉ (René)

acteur français (Paris 1881 - id. 1922).

Cresté, c'est Judex, bras croisés, l'air fatal, sous la cape insolente et le chapeau à larges bords. Avant d'incarner le justicier, il débute obscurément en 1908. Chez Gaumont, Léonce Perret le remarque et le met en valeur (le Roi de la montagne, 1915 ; les Mystères de l'ombre, id.) ; Feuillade s'en empare (la Déserteuse, 1917 ; les Petites Marionnettes, 1918 ; l'Homme sans visage, 1919). Après Judex (1917), la Nouvelle Mission de Judex (1918), Tih Minh (id.), ses titres de gloire avec Feuillade, il crée sa propre maison de production, pour laquelle il tourne notamment, mais sans succès, le Château du silence (1919) et Un coup de tête (1922). Il meurt tuberculeux.

CRICHTON (Charles)

cinéaste britannique (Wallasey, Cheshire 1910 - Londres 1999).

Il est connu pour ses films d'humour : Au cœur de la nuit, le sketch des joueurs de golf (Dead of Night, 1945) ; De l'or en barres (The Lavender Hill Mob, 1951) ; Tortillard pour Titfield (The Titfield Thunderbolt, 1953) ; la Loterie de l'amour (The Love Lottery, 1954). Charles Crichton aborde également le film policier à prolongements psychologiques : À cor et à cri (Hue and Cry, 1947) ; Rapt (Hunted 1952) ou le mélodrame populaire (Les hommes ne comprendront jamais, The Divided Heart, 1954). Après s'être consacré à la TV pendant quelques années (série des Dirk Turpin, 1978), il fait en 1988 un come-back surprenant, irrévérencieux et couronné de succès avec Un poisson nommé Wanda (A Fish Called Wanda), film qui assure une amusante liaison entre l'humour de l'école d'Ealing dans les années 50 et celui des Monty Python dans les années 80.

CRIMINEL (cinéma).

Au sein du cinéma hollywoodien, le film criminel constitue une sorte de nébuleuse, un ensemble vaste et dense, clairement identifiable même si les contours n'en sont pas strictement définis, et dont la configuration interne est d'une grande complexité. Deux types fondamentaux, le film de gangsters et le film noir, s'y opposent assez nettement à l'état pur ; mais il arrive fréquemment qu'ils se combinent et que le film criminel participe dès lors d'un modèle hybride. Cet enchevêtrement est mis en évidence par le déroulement chronologique du genre, où des processus compliqués d'évolution et de rupture voisinent avec la renaissance des types les plus anciens.

Le film de gangsters. La genèse du film criminel, comme celle des autres formes cinématographiques, est graduelle. On cite le plus souvent, comme ancêtre du genre, Cœur d'apache de Griffith (1912), qui présente en effet l'originalité de mettre en scène des gangsters dans le cadre urbain auquel ils s'identifient, les taudis new-yorkais où s'entassent les immigrants. Le personnage du « Mousquetaire des taudis » reparaît dans l'épisode moderne d'Intolérance (1916). Le cas de Griffith n'est d'ailleurs nullement isolé, comme en témoignent The Gangsters and the Girl (T. H. Ince, 1914) ou The Regeneration (R. Walsh, 1915). Mais ces films demeurent, pour la plupart, des mélodrames édifiants qui se concluent volontiers par la rédemption du mauvais garçon (cf. le titre du film de Walsh) ; on est donc aux antipodes de ce qui sera « la convention la plus rigide sans doute du genre à son apogée, celle qui veut que le gangster soit abattu dans la rue à la fin du récit » (C. McArthur).

Une étape décisive est franchie avec les Nuits de Chicago de Sternberg (1927). Si elle ne constitue évidemment pas (quoi qu'en ait dit son réalisateur) le « premier film de gangsters », cette œuvre très belle dépeint des personnages qui devinrent des types : le chef de gang au physique animal et brutal (George Bancroft) ; l'intellectuel déchu qui prête ses talents au gang (Clive Brook) ; l'amie du gangster, éprise de toilettes voyantes (Evelyn Brent). L'idéalisme de Sternberg, fidèle à certains schémas mélodramatiques de rédemption (cf. aussi la Rafle, 1928), contredit l'ancrage du film de gangsters dans la réalité sociale, mais il fait de ses protagonistes des figures mythologiques et précise l'iconographie du genre.

C'est alors que le film de gangsters se constitue en genre rigoureusement défini et c'est cette même époque (celle de la prohibition) que dépeindront les divers cycles de renaissance. On a souvent noté la parenté thématique et stylistique de Little Caesar (M. LeRoy, 1931), de l'Ennemi public (W. Wellman, 1931) et de Scarface (H. Hawks, 1932). Chacun de ces films épouse un schéma d'ascension et de chute, montrant comment le héros se taille un empire au sein de la pègre, éliminant tous ses rivaux avant de succomber à son tour, victime de sa mégalomanie. Ces œuvres s'inspirent du personnage historique d'Al Capone, et, fidèles en ce sens à la tradition griffithienne, elles suggèrent que le gangster est le produit d'un certain environnement urbain (il est issu de l'immigration catholique, italienne ou irlandaise). En même temps, elles désignent chez leurs protagonistes certaines qualités typiquement américaines, mais dévoyées : l'esprit d'entreprise, la volonté de parvenir au sommet, quels que soient les handicaps de départ. Le gangster apparaît alors comme caricature, figure négative, voire victime du « rêve américain » : dans Scarface, une ironie amère juxtapose la chute de Tony Camonte (Paul Muni) et une enseigne lumineuse affirmant que « le monde lui appartient ».

La fin sans gloire du gangster, « héros tragique » (R. Warshow), ne suffit pas, aux yeux des ligues de vertu, à contrebalancer la fascination trouble qu'il exerce sur le public. Martin Quigley attaque Scarface pour son « héroïsation » du criminel, et Edward G. Robinson doit se défendre contre les mêmes accusations pour son interprétation de Little Caesar. Pourtant LeRoy rappelait, en exergue du film, que « celui qui a tué par le glaive périra par le glaive », et dans Scarface la police opposait la lâcheté de la délinquance urbaine à la manière « loyale » dont se battaient les hors-la-loi de l'Ouest. La figure du policier passe alors au premier plan, et une convergence curieuse se dessine avec le western. C'est ainsi qu'Edward L. Cahn adapte Saint Johnson de William Riley Burnett (auteur de Little Caesar et coscénariste de Scarface) sous le titre de Law and Order (1932) ; cette glorification du shérif (interprété par Walter Huston), personnage moral qui « nettoie » la ville, se clôt sur un avertissement clairement destiné aux gangsters de New York ou de Chicago : « Tombstone n'est qu'un commencement ». Sur un autre scénario de Burnett, The Beast of the City (Ch. Brabin, 1932) comporte une invitation liminaire du président Hoover à exalter les défenseurs de l'ordre de préférence aux lâches gangsters, et montre un policier intègre (Walter Huston encore) aux prises avec le roi de la pègre. Les interventions d'avocats marrons rendent vains les efforts du policier, qui se mue en justicier : accompagné de ses lieutenants, il va provoquer la « bête » dans sa tanière, déclenchant une fusillade à la loyale dont le motif est emprunté au western.