COUCHE SENSIBLE.
Couche d'un film où sont incorporés les éléments sensibles à la lumière. C'est au sein de la couche sensible (sous-entendu : à la lumière) que l'image se forme. La couche sensible constitue la partie « active » de la pellicule, par opposition au support, dont la seule fonction est d'assurer la tenue mécanique du film.
On qualifie très souvent la couche sensible d'« émulsion ». En toute rigueur, le terme est impropre. Il n'en est pas moins consacré par l'usage, et il ne viendrait à l'idée de personne de repérer les deux faces d'un film autrement que par « côté support » et « côté émulsion ».
Constituants de la couche sensible.
Fondamentalement, la couche sensible est une couche de gélatine dans laquelle sont noyés d'innombrables minuscules cristaux solides : essentiellement du bromure d'argent, mais aussi de l'iodure d'argent, voire du chlorure d'argent. Brome, iode, chlore ont des propriétés chimiques voisines, ce qui conduit à les classer dans la famille des « halogènes ». On regroupe donc bromure, iodure et chlorure d'argent sous le terme général d'halogénures d'argent.
Depuis l'invention, vers 1880, du « gélatino-bromure », le principe de la photographie, en noir et blanc comme en couleurs, repose sur la sensibilité à la lumière des cristaux d'halogénures d'argent.
La gélatine, préparée à partir de carcasses de bovins, rappelle, en beaucoup plus concentré, certaines gelées employées en cuisine. Si elle sert essentiellement de liant entre les cristaux, elle intervient aussi quelque peu dans les processus chimiques qui conduisent à la formation de l'image. Cela pose d'ailleurs certains problèmes aux fabricants de surfaces sensibles : compte tenu de son origine, la gélatine n'est pas de composition parfaitement constante, alors que les autres produits contenus dans la couche sensible sont fabriqués par l'industrie chimique avec toute la pureté désirable.
La couche sensible contient également des sensibilisateurs, grâce auxquels les halogénures d'argent sont sensibles à toutes les radiations lumineuses, alors qu'à l'état naturel ils ne sont guère sensibles qu'au violet et au bleu. Les premiers sensibilisateurs permirent de capter le vert. C'était déjà un progrès considérable, et les pellicules ainsi traitées furent qualifiées d'orthochromatiques (« traduisant correctement les couleurs »). L'appellation était ambitieuse puisque ces pellicules demeuraient fort peu sensibles au rouge. La première pellicule panchromatique, c'est-à-dire sensible à toutes les radiations visibles, fut obtenue en 1913 chez Eastman. Mais c'est seulement vers la fin du muet, à la suite des progrès accomplis dans la sensibilisation au rouge, que se généralisa l'emploi des films panchromatiques, qui permettaient enfin de travailler à la lumière des lampes à incandescence, lesquelles émettent surtout du rouge ( SOURCES DE LUMIÈRE).
Dans le cas des films en couleurs, il n'existe pas une seule couche comme en noir et blanc, mais trois couches superposées respectivement sensibles au rouge, au vert, au bleu ( couleur), parfois séparées par une intercouche de gélatine colorée servant de filtre. (Sur le positif, l'ordre des couches est modifié de façon à améliorer la netteté apparente de l'image projetée.) L'épaisseur de cet ensemble (environ 0, 015 mm) n'excède pas celle de la couche unique des films noir et blanc. Ces couches superposées contiennent, sauf exception, des coupleurs dont le rôle, capital, sera décrit plus loin.
La couche sensible peut également contenir d'autres produits, notamment des produits tannants, comparables à ceux utilisés pour le tannage des peaux d'animaux et dont le rôle est de renforcer la tenue mécanique de la gélatine lorsque cette dernière, plongée dans les bains de traitement, se gorge d'eau.
Principe général du développement.
Lorsque la couche sensible est soumise à l'action de la lumière, il ne se passe rien d'apparent : une pellicule impressionnée présente le même aspect qu'une pellicule vierge. En réalité, les cristaux d'halogénures d'argent qui ont été exposés à la lumière ont subi une modification physico-chimique quasi imperceptible mais bien réelle. Ils ont été, en quelque sorte, « marqués ». Par là, l'image a bien été enregistrée. Mais elle n'est pour l'instant qu'une image potentielle, appelée image latente. Cette image est révélée lors du développement, lequel consiste en un séjour plus ou moins long dans un révélateur, c'est-à-dire dans un produit chimique susceptible de réagir avec les cristaux « marqués » de façon à en extraire l'argent, qui se retrouve sous forme de petits granules d'argent métallique.
Considérons un négatif noir et blanc ayant reçu, côte à côte, trois insolations (forte, moyenne, très faible) que l'on s'attend à voir traduites par des plages respectivement noire, grise, blanche. Dans la première plage, très nombreux sont les cristaux « marqués » ; l'ensemble des granules d'argent métallique apparus lors du développement constitue une couche continue, fine mais néanmoins suffisamment épaisse pour être opaque : par transparence, on observe bien du noir. Dans la seconde plage, la quantité de lumière a été insuffisante pour « marquer » tous les cristaux ; l'argent libéré ne suffit plus à arrêter toute la lumière : on a bien du gris. Dans la troisième plage, le révélateur libère l'argent de quelques très rares cristaux : par transparence, on a bien du blanc, à un léger voile près, dû à l'absorption de la lumière par le peu d'argent libéré.
On pourrait penser que, là où l'émulsion n'a reçu aucune lumière, aucun voile n'apparaît. En fait, si les révélateurs sont actifs, c'est parce qu'ils ont une grande affinité pour les halogénures d'argent, cette affinité étant particulièrement élevée pour les cristaux « marqués ». Première conséquence : on ne doit pas prolonger le séjour dans le révélateur au-delà du temps nécessaire au développement des seuls cristaux « marqués ». Or, les réactions chimiques croissent avec la température. Voilà pourquoi il est nécessaire de contrôler avec précision à la fois la température du bain de développement et le temps de développement. C'est aussi la raison pour laquelle on a pu accélérer considérablement le traitement des films, en mettant au point des émulsions tannées susceptibles de résister à des températures élevées. Deuxième conséquence : le révélateur réagit de toute façon avec quelques cristaux non « marqués » : un léger voile est inévitable.