CHILI. (suite)
L'émergence d'un cinéma indépendant.
Julio comienza en Julio (Silvio Caiozzi*, 1979), et quelques documentaires (Pepe Donoso, C. Flores, 1977) témoignent de la lente réapparition d'un cinéma indépendant. Chez les exilés, l'élan du nouveau cinéma chilien réussit néanmoins à se maintenir, grâce à la solidarité internationale. Selon un recensement établi en 1980 par la Cinémathèque chilienne en exil, des réalisateurs chiliens ont tourné hors de leur patrie 29 longs métrages (dont 21 de fiction réalisés notamment par Raul Ruiz), 15 moyens métrages et 46 courts métrages, production équivalente à celle des sept années antérieures au coup d'État. Sur le plan thématique, le bilan de la gauche et la dénonciation de la répression cèdent peu à peu la place au déracinement, consécutif à l'exil, et à des adaptations littéraires, auxquelles on peut rattacher l'évocation du poète Pablo Neruda, filmée par l'écrivain Antonio Skarmeta (Ardente paciencia, 1983). Plusieurs cinéastes d'autres nationalités s'intéressent également au Chili, avec des œuvres comme la Spirale (Armand Mattelart, Valérie Mayoux et Jacqueline Meppiel, 1976) et la série de documents de Heynowski* et Scheumann*.
Une quarantaine de cinéastes chiliens signent leur premier long métrage au cours des années 80, plusieurs d'entre eux étant en exil. Cette prolifération de la diaspora chilienne n'a pas d'équivalent puisqu'elle est éparpillée dans une vingtaine de pays, de l'Amérique latine à l'Europe occidentale et orientale en passant par le Canada, les États-Unis et l'Australie. Une singularité mérite d'être soulignée : l'apparition d'un noyau de réalisatrices, avec Angelina Vásquez (Gracias a la vida, 1980), Marilu Mallet (Journal inachevé, 1982), Tatiana Gaviola (Ángeles, 1988) et surtout Valeria Sarmiento* (Amelia Lopes O'Neill, 1991). Les personnalités dominantes restent Raúl Ruiz, d'une invention formelle constante, Miguel Littin, à la recherche d'une veine épique latino-américaine, Patricio Guzmán, qui manie le documentaire avec l'ambition d'un essayiste, et Valeria Sarmiento justement, plongée dans l'inconscient collectif des femmes latino-américaines. La démocratisation très graduelle favorise le retour ou le va-et-vient des expatriés et la rencontre entre les cinéastes de l'exil et ceux de l'intérieur au festival de Viña del Mar (1990). Avant même que les conditions minimales, sur un plan institutionnel, légal et économique, ne permettent l'épanouissement d'une cinématographie au Chili, plusieurs talents s'affirment : Cristián Sánchez, proche par certains côtés de Ruiz (El zapato chino, 1979 ; Los deseos concebidos, 1982), Pablo Perelman (Imagen latente, 1987, remarquable évocation autobiographique d'un « disparu » politique, suivi par l'étrange Archipiélago, 1992), Gonzalo Justiniano* (dont Sussi, 1987, touche un large public), Leonardo Kocking (La estacion del regreso, id.), Juan Carlos Bustamente (Historias de lagartos, 1988), Caiozzi, déjà cité (La luna en el espejo, 1990, maîtrisé et troublant), Ricardo Larraín (La frontera, 1991, dont le succès est justifié), Gustavo Graef Marino (Johnny Cien Pesos, 1993), Andrés Wood (Historias de fútbol, 1997), sans oublier Ignacio Agüero, avec le documentaire Cien niños esperando un tren (1988), sur le formidable travail de pédagogie cinématographique animé par Alicia Vega dans un bidonville de Santiago. Cependant, le succès tapageur de Radio sexo latino, le Blagueur sentimental (El chacotero sentimental, Cristián Galaz, 1999), ne suffit pas à assurer la continuité d'une production chilienne.