Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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JOUVET (Louis)

acteur français (Crozon 1887 - Paris 1951).

Quand on aborde le palmarès cinématographique de celui qui s'est placé haut dans les manifestations théâtrales de son époque, il faut faire abstraction de tout ce qui est justement contexte scénique. Oublier le directeur, le metteur en scène, l'ambassadeur de l'art français, pour ne se souvenir plus que de son image sur l'écran. Les rapports de Jouvet avec le cinéma étaient dépourvus de tendresse, on l'a suffisamment répété, et pourtant le cinéma l'a honoré et respecté, a multiplié ses rôles (20 personnages de 1935 à 1940) et les a taillés à ses mesures afin que, s'y sentant à l'aise, il y fasse montre de qualités uniques qui eussent pu devenir des défauts irréparables. L'homme possède une personnalité peu commune, une autorité sans réplique et sa haute taille, sa minceur élégante, la fascination d'un visage aux yeux glauques et à la bouche sarcastique, sa diction célèbre souvent imitée, jamais retrouvée, concourent à une image de marque qu'il entretient jusqu'à son dernier film. On peut distinguer en gros quatre catégories de personnages entre lesquels il va sans arrêt zigzaguer : les dévoyés, les policiers, les grands seigneurs et les originaux à tous crins. Dans la première catégorie, on trouve le baron russe des Bas-Fonds (J. Renoir, 1937), le tenancier sentimental d'Un carnet de bal (J. Duvivier, id.), le marlou de Hôtel du Nord (M. Carné, 1938), les trafiquants plus ou moins louches mais qui gardent dans leur déchéance de l'allure et du détachement (Forfaiture, M. L'Herbier, 1937 ; la Maison du Maltais, P. Chenal, 1938 ; le Drame de Shanghai, G. W. Pabst, id.), enfin le misérable charretier de la mort condamné à errer dans l'au-delà (la Charrette fantôme, Duvivier, 1940). Les rôles de policier mettent en valeur son sens aigu de l'observation qui lui permet de camper en traits simples et définitifs des êtres qui traînent, bien cachés, des soucis quotidiens, un passé amer et un cœur qui s'ignore. C'est l'inspecteur de l'Alibi (Chenal, 1937), le commissaire perplexe de Entre 11 heures et minuit (H. Decoin, 1949), le policier fatigué de Une histoire d'amour (Guy Lefranc, 1951) et l'inoubliable Antoine (Quai des Orfèvres, H.-G. Clouzot, 1947), qui demeure sans doute sa création la plus humaine et la plus sensible. Citons pour mémoire le chef de la police de Sérénade (Jean Boyer, 1940), où il aborde à ses risques et périls les franfreluches du film viennois. Les mots de grand seigneur recouvrent un certain nombre de personnages qui n'appartiennent pas tous à la noblesse mais se différencient du commun par leur distinction, leur désinvolture hautaine, le coupant de leurs affirmations, leur ton incisif, leur coup d'œil narquois. Nous y trouvons le moine délégué par la Sainte Inquisition (la Kermesse héroïque, J. Feyder, 1935), M. de Rœderer s'inclinant devant la reine de France à l'aube de la Révolution (la Marseillaise, Renoir, 1938), Cercleur, précepteur si parisien d'une altesse balkanique (Éducation de prince, Alexandre Esway, 1937), le compositeur célèbre qui se heurte au démon de midi (Les amoureux sont seuls au monde, Decoin, 1948) et quatre figures de premier ordre : le professeur d'Entrée des artistes (M. Allégret, 1938), le Don Juan vieilli et machiavélique de la Fin du jour (Duvivier, 1939), le meneur de jeu qui sait tirer les marrons du feu dans Volpone (M. Tourneur, 1941) et l'ex-bourgeois lyonnais qui se prépare à savourer une vengeance froide (Un revenant, Christian-Jaque, 1946). C'est parmi ses rôles de composition qu'on trouve le plus de déchets. L'amusement ou l'agacement qu'il éprouve à animer tel ou tel fantoche le conduit facilement à l'outrance et à la caricature (Topaze, L. Gasnier, 1932 ; Mister Flow, R. Siodmak, 1936 ; Untel père et fils, Duvivier, 1945 ; Copie conforme, J. Dréville, 1947 ; Miquette et sa mère, H.-G. Clouzot, 1950 ; Lady Paname, Henri Jeanson, id.). Il y a heureusement d'éblouissantes exceptions : Knock, qu'il réalise lui-même avec R. Goupillières en 1933 ; l'évêque de Bedford dans Drôle de drame (Carné, 1937) ; l'espion marchand de pastèques dans Mademoiselle Docteur (G. W. Pabst, id.) ; le déporté qui ne veut surtout pas oublier, dans Retour de Jean, épisode de Retour à la vie (H.-G. Clouzot, 1949). Exception aussi, le contrebandier de Ramuntcho (René Barberi, 1938), mais cette fois par manque de couleur et de relief. Louange suprême, on continue de dire un film de Jouvet comme on dit un film de Gabin. ▲

JOY (Leatrice Joy Zeidler, dite Leatrice)

actrice américaine (Shuteston, La., 1893 - Riverdale, N. Y., 1985).

Elle débute en 1915, joue les « leading ladies » dans des comédies de Billy West à la fin des années 10 et devient vedette dans les années 20. Sa beauté élégante, sophistiquée et altière plaît à Cecil B. De Mille (le Réquisitoire, 1922 ; les Dix Commandements, 1923). Parmi ses autres films, on peut citer A Tale of Two Worlds (F. Lloyd, 1921), Java Head (G. Melford, 1923), Eve's Leaves (P. Sloane, 1926) et The Blue Danube (id., 1928). Elle se retire au début du parlant et ne tient plus qu'occasionnellement des rôles de complément. Elle a été de 1922 à 1924 l'épouse de John Gilbert.

JOYCE (Alice)

actrice américaine (Kansas city, Mo., 1890 - Hollywood, Ca., 1955).

Heroïne de nombreux petits films de la Kalem dès 1910, elle épouse son partenaire, Tom Moore, puis est engagée par la Vitagraph. Au cours des années 20, elle passe assez rapidement des rôles d'ingénue à ceux de femme mûre (dans Dancing Mothers, de Herbert Brenon, en 1926, elle joue même la mère de Clara Bow, de quinze ans seulement sa cadette). Parmi ses films les plus significatifs, citons The Little French Girl (H. Brenon, 1925), Stella Dallas (H. King, id.), Sorrell and Son (Brenon, 1927). Elle apparaît aussi dans deux versions de The Green Goddess, l'une muette (S. Olcott, 1923), l'autre parlante (A.E. Green, 1930), avec le même partenaire : George Arliss.

JOYEUX (Odette)

actrice, scénariste et dialoguiste française (Paris 1914 - Grimaud, 2000).

Épouse de Pierre Brasseur, mère de Claude Brasseur, remariée au chef opérateur Philippe Agostini, Odette Joyeux, avant de se réfugier dans la littérature (roman : Agathe de Nieul ; comédie : le Château du carrefour ; souvenirs : Côté jardin et le Beau Monde), a marqué par la fraîcheur, l'acidité et le charme de ses interprétations toute une époque du cinéma français. Échappée de la classe de danse de l'Opéra de Paris, elle fait un tour chez Jouvet pour y jouer du Giraudoux et paraît furtivement à l'écran dans le Chien jaune (Jean Tarride, 1932), Lac aux dames (M. Allégret, 1934), Hélène (J. Benoît-Lévy et Marie Epstein, 1936), Altitude 3 200 (id., 1938). Marc Allégret lui propose le rôle de la capricieuse Cecilia dans Entrée des artistes (1938). Elle y déploie toutes les qualités qui vont faire d'elle, sous l'Occupation, une des actrices les plus en vue. Elle triomphe dans les films surannés d'Autant-Lara (le Mariage de Chiffon, 1942 ; Lettres d'amour, id. ; Sylvie et le fantôme, 1946 ; et, surtout, Douce, 1943), où elle réussit au mieux le portrait doux-amer d'une adolescente fin de siècle. Elle apparaît également sous son meilleur jour dans le Lit à colonnes (Roland Tual, 1942) ; le Baron fantôme (S. de Poligny, 1943) ; les Petites du quai aux Fleurs (M. Allégret, 1944). Elle s'éloigne assez rapidement dans les années qui suivent, mis à part ses deux bons rôles dans Pour une nuit d'amour (E. T. Gréville, 1947) et la Ronde (Max Ophuls, 1950).