POLO (Edward P. Polo, dit Eddie)
acteur américain (Los Angeles, Ca., 1875 - Hollywood, id., 1961).
D'abord acrobate de cirque, il aborde le cinéma comme cascadeur et devient très rapidement une star de la Universal, où sa popularité est soutenue par une campagne publicitaire très active qui vante ses exploits (on le voit notamment sauter en parachute du haut de la tour Eiffel) en l'imposant comme le plus intrépide « Hercule de l'écran ». Il interprète de nombreux films d'aventures et plusieurs sérials qui mettent en valeur ses exploits physiques : The Gray Ghost (Stuart Paton, 1917), Bull's Eye (James W. Horne, 1918), The Lure of the Circus (J. P. McGowan, 1919), Cyclone Smith's Comeback (Jacques Jaccard, id.), The Vanishing Dagger (E. Polo et Edward Kull, 1920), King of the Circus (McGowan, 1921), Dangerous Hour (William Hugues Curran, 1923). Après avoir, sans succès, crée sa propre compagnie, il part en Allemagne tourner quelques films, abandonne le cinéma à l'arrivée du parlant, mais réapparaît dans de petits rôles au début des années 40.
POLOGNE.
En 1884, un jeune homme de dix-neuf ans, Kazimierz Prószyński, reprenant à son compte les recherches d'un autre inventeur, Piotr Lebiedzinski, dont les travaux relatifs à la « photographie vivante » n'avaient pu dépasser le stade expérimental, construit un appareil de prise de vues : le pléographe. Cet appareil se verra très vite concurrencé par le cinématographe des frères Lumière. Ces derniers organisent le 14 novembre 1896 une projection publique à Cracovie et imposent leur invention avec habileté et célérité sur la plupart des marchés européens. Aussi la commercialisation du pléographe sera-t-elle interrompue dès 1903. Curieusement, l'un des grands pionniers du cinéma polonais est justement un agent des frères Lumière : Boleslaw Matuszewski*. Il travaille à la cour de Saint-Pétersbourg pour le compte de la firme lyonnaise, est l'auteur de plusieurs bandes d'actualités tournées en Russie, en France, en Angleterre et dans son pays natal, mais doit l'essentiel de sa renommée à la publication — à Paris — de deux brochures qui apparaissent comme les premiers essais d'une réflexion théorique sur l'importance scientifique du cinéma et sur son rôle désormais incontestable pour l'établissement de la vérité historique ; il militera également en faveur de la constitution d'archives cinématographiques.
La lente mise en place d'une production polonaise.
La production régulière de films ne se met en place que très lentement. Un émule de Max Linder, Antoni Fertner, triomphe dans plusieurs petites comédies au cours des années 10 ; il sera, aux côtés des Asta Nielsen* et des Valdemar Psilander*, l'une des vedettes les plus adulées du public aussi bien à Varsovie qu'à Moscou. L'homme qui donne l'impulsion nécessaire à l'industrie du cinéma se nomme Aleksander Hertz*. Il est le directeur de la compagnie Sfinks — l'une des rares sociétés qui (avec la Leo-Forbert devenue ensuite la Leo-Film) survivra jusqu'à la fin des années 30 —, le réalisateur de plusieurs films (Meier Ezofowicz, 1911 ; la Police secrète de Varsovie et ses mystères, 1916 ; la Favorite du tsar, 1917) et le « découvreur » de nombreuses vedettes parmi lesquelles la plus connue sera Apolonia Chalupiec, future Pola Negri. Sous la direction de Hertz ou d'Edward Puchalski, l'autre grand réalisateur de l'époque, se révèlent des actrices comme Mia-Mara, Halina Bruczówna et des acteurs comme Josef Wegrzyn, Wojciech Brydziński ou Kazimierz Kamiński. Les producteurs manquant de capitaux ont beaucoup de mal à instaurer une véritable politique de diffusion. Le cinéma est un art populaire qui sait attirer également plusieurs intellectuels. L'un d'entre eux, Karol Irzykowski, professeur, philosophe, sera l'un des premiers critiques de son pays et publiera en 1921 la Dixième Muse. Malgré le sursaut qui suit l'indépendance de la Pologne en 1918, le cinéma national reste handicapé sur le plan technique et économique, et ne parvient que très difficilement à résister à la concurrence étrangère. Un déséquilibre s'installe : d'un côté existe une réflexion critique, riche et lucide, un courant avant-gardiste (Mieczyslaw Szczuka, le poète Jalu Kurek, Kazimierz Podsadecki, Janusz Maria Brzeski et surtout Franciszka et Stefan Themerson), de l'autre, une industrie en perpétuelle recherche de capitaux et donc inévitablement liée au profit immédiat.
Le public se découvre une nouvelle star, Jadwiga Smosarska, des acteurs de talent comme Adolf Dymsza et Eugeniusz Bodo. Aux côtés de Hertz et d'Edward Puchalski, certains cinéastes sortent de l'anonymat : ainsi Boleslaw Srednicki — qui prendra ultérieurement le nom de Richard Boleslawski* — avec Miracle sur la Vistule (Cud nad Wisła, 1921), Wiktor Bieganski (Jalousie [Zazdrosc], 1922 ; l'Abîme des pénitences [Otchlan pokut], id. ; les Vampires de Varsovie [Wampiry Warszawy], 1925), Leon Trystan, influencé par les théories de Delluc et Epstein (l'Amante de Szamota [Kochanka Szamoty], 1927 ; la Révolte du sang et du fer [Bunt krwi i żlaza], id.), Henryk Szaro (l'Un des trente-six [Jeden z trzydziestu sześć], 1925 ; le Bouffon rouge [Czerwony blazen], 1926) ou Juliusz Gardan (les Points sur les i [Kropki nad i], 1928).
L'avènement du parlant, qui accentuera la faiblesse du cinéma polonais par rapport à la concurrence étrangère, ne modifiera guère les goûts du public. Mélodrames, théâtre filmé, comédies innocentes et bluettes sentimentales non dénuées de vulgarité et imparfaitement imitées de celles de la UFA allemande, films militaristes et patriotiques encombrent les écrans. Mais la place d'honneur revient sans nul doute aux adaptations littéraires : la Tombe du soldat inconnu (Mogiła nieznanego żólnierza, 1927) de Ryszard Ordyński d'après Strug ; l'Avant-printemps (Przedwiasnie, 1929) de Szaro ; la Beauté de la vie (Uroda życia, 1930) de Gardan ; l'Histoire d'un péché (Ozieje grzechu, 1933) de Szaro, d'après Żeromski ; Monsieur Tadeusz (Pan Tadeusz, 1928) d'Ordyński, d'après Mickiewicz ; la Morale de madame Dulska (Moralność pani Dulskiej, 1930) de B. Newolin, d'après Gabriela Zapolska ; Janko le musicien (Janko muzykant, id.) d'Ordyński, d'après Sienkiewicz. Tandis que Michal Waszyński règne sur le film musical et la comédie, trois réalisateurs signent des œuvres plus personnelles : Juliusz Gardan avec Condamné à vivre (Wyrok życia, 1934) et Halka (1938) ; Josef Lejtes, qui avait débuté en 1928 avec Huragan, une œuvre proche de la peinture mystique de Grottger, et qui sera l'auteur des Champs sauvages (Dzikie pola, 1932), du Jeune Bois (Młody las, 1934), de Roza (1936, d'après Żeromski), des Filles du quartier de Nowolipki (Dziewczeta z Nowolipek, 1937) et de la Frontière (Granica, 1938) ; et, surtout, Aleksander Ford* (la Légion de la rue, 1932 ; le Réveil, 1934 ; la Voie des jeunes, 1936 ; Ceux de la Vistule [Ludzie Wisły], 1937). Ford fait partie d'une petite association fondée en 1929 par un groupe d'étudiants, la START (Stowarzyszenic Miłośników Filmu Artystycznego [Association des fervents du film artistique]), qui va peu à peu se transformer en un centre d'influence culturelle, prônant un certain engagement social et influencée par les courants expressionnistes allemands et les théories soviétiques sur le montage. Ce groupe, qui comprend notamment Eugeniusz çekalski, Wanda Jakubowska*, Tadeusz Kowalski, Jerzy Zarsycki*, Jerzy Bossak*, Jerzy Toeplitz, n'aura certes qu'un rôle limité au cours des années 30 mais formera après la guerre le noyau de ceux qui vont reconstruire le cinéma polonais.