Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DANEMARK. (suite)

En 1929, la liquidation de la Nordisk réduit le Danemark à un rôle de comparse. Il entre comme la Suède dans une période de sommeil, avec une diffusion limitée et étroitement nationale. Au début du parlant, Anders Wilhelm Sandberg, qui a dirigé plusieurs films en Grande-Bretagne, en Italie et en France, revient dans son pays tout comme Benjamin Christensen. Mais les films en costumes de Georg Schnéevoigt* et les comédies du tandem Lau Lauritzen Jrast-Alice O'Fredericks et de Johan Jacobsen (influencé directement par Frank Capra) ne parviennent pas néanmoins à franchir le mur de la renommée. Des documentaristes comme John Olsen et Paul Henningsen annoncent néanmoins le talent d'un Jørgen Roos*, qui se révélera quelques années plus tard. Pendant la guerre, une œuvre isolée, Jour de colère (ou Dies Irae [Vredens dag], 1943), prouve que le talent de Dreyer n'a guère souffert de ses années d'inactivité cinématographique forcée. En dépit de certaines œuvres comme Tordenskjøld défend son pays (Tordenskjøld går i land, G. Schnéevoigt, 1942), une épopée historique, et la Princesse des faubourgs (Afsporet, Bodil Ipsen et Lau Lauritzen Jr, id.), drame populiste, ce n'est qu'après la Libération qu'une nouvelle vague de réalisateurs tente avec des réussites diverses de rendre au Danemark une place de choix.

Le renouveau du cinéma danois.

Après La terre sera rouge (De røde Enge, 1945) de Bodil Ipsen et Lau Lauritzen Jr, et l'Armée invisible (Den usynlige haer, id.) de Johan Jacobsen – qui réalisera en 1947 sa meilleure œuvre : le Soldat et Jenny (Soldaten och Jenny) –, quelques noms nouveaux apparaissent sur les écrans. C'est à eux que l'on doit les films les plus intéressants des années 1945-1960, dont la production la plus fascinante est néanmoins Ordet (1955) de Carl Dreyer, véritable phare solitaire dans toute l'histoire du cinéma danois. On peut citer : Ole Palsbo (la Famille Schmidt [Familien Schmidt], 1951) ; Erik Balling* (Adam et Ève [Adam og Eva], 1953 ; Qivitoq, 1956) ; et surtout le couple Astrid et Bjarne Henning-Jensen* : Ditte, fille de l'homme (1946), Ces sacrés gosses (1947), Kristinus Bergman (1948), Palle seul au monde (1949).

À partir de 1960, la production danoise se stabilise (15 à 20 films chaque année). En 1964, Carl Dreyer tourne Gertrud, son dernier film, tandis qu'une nouvelle génération de cinéastes prend la relève. Parmi ceux-ci : Knud Leif-Thomsen (le Duel [Duellen], 1962 ; Tine, 1966) ; Gabriel Axel* (la Mante rouge [Den røde kappe], 1967) ; Jens Ravn (l'Homme qui pensait des choses [Mannen, der taenkte ting], 1969) ; Palle Kjaerulf-Schmidt* (Week-end, 1962 ; Deux, 1964 ; Il était une fois une guerre, 1966). Le plus doué de tous paraît néanmoins Henning Carlsen* : Dilemme (1962) ; Sophie de 6 à 9 (1967) ; Nous sommes tous des démons (1969) ; et surtout la Faim (Sult), tourné en 1966 d'après le roman de Knut Hamsun avec Per Oscarsson dans le rôle principal, une des plus grandes réussites du cinéma danois depuis l'avènement du parlant.

Les années 70 et la première moitié des années 80 n'apportent guère de renouvellement dans les thèmes favoris des cinéastes : problèmes sociaux, films sur la jeunesse, séries fantaisistes (l'inépuisable Bande à Olsen d'Erik Balling), films policiers plus ou moins parodiques. Henning Carlsen signe Comment faire partie de l'orchestre ? (1972) et Un rire sous la neige (1978). Nils Malmros* analyse avec finesse et chaleur l'enfance et l'adolescence (Lars Ole 5c, 1974 ; Garçons, 1977 ; l'Arbre de la connaissance, 1981) tout comme Astrid Henning-Jensen (les Rues de mon enfance [Barndommens gade], 1986) tandis que Morten Arnfred brosse des portraits incisifs de la jeunesse (Moi et Charly [Mig og Charly], 1978 ; Johnny Larsen, 1979 ; Quel pays charmant !, 1983) et que Lars von Trier* s'essaie dans le fantastique expérimental (The Element of Crime, 1984). Il convient encore de citer : Sven et Lene Grønlykke (la Ballade de Carl Henning [Balladen om Carl Henning], 1969 ; Linda, fille du Nord [Thorvald og Linda], 1982) ; l'écrivain et cinéaste Henrik Stangerup (Dieu existe tous les dimanches [Giv Gud en chance om søndagen], 1970) ; Hans Kristensen (Per, 1975) ; Carsten Brandt (92 Minutes de la journée d'hier [92 minutter af i går], 1978) ; Christian Braad Thomsen (le Couteau dans le cœur [Kniven i hjertet], 1982) ; Erik Clausen (Rocking Silver [id.], 1983 ; la Face obscure de la lune [Manden i månen], 1986) ; Helle Ryslinge (Cœurs flambés, 1986 ; Sirup, 1990).

Les années 80-90 et les succès.

À la fin des années 80, le cinéma danois accède à la consécration internationale : Gabriel Axel remporte l'Oscar du meilleur film étranger avec le Festin de Babette (1987) et Bille August* la Palme d'or au Festival de Cannes 1988 pour Pelle le conquérant. Mieux encore, August obtiendra, fait rarissime, une deuxième Palme d'or en 1992 avec les Meilleures Intentions. Dans un style complètement différent, Lars von Trier* s'impose sur les écrans du vieux continent avec Europa (1991), coproduit avec la Suède, l'Allemagne et la France puis avec Breaking the Waves (1996). Il n'est pas certain que ces films aient suffi à promouvoir le cinéma danois hors de ses frontières – ou, du moins, hors des pays nordiques, habitués à collaborer en matière de cinéma. Toutefois, le soutien des institutions, attentives à maintenir une expression culturelle danoise et scandinave, et les qualités de maints cinéastes permettent régulièrement quelques découvertes parmi les dix ou douze longs métrages produits chaque année au Danemark : Katinka (1988), réalisé par le célèbre acteur Max von Sydow*, Notre dernière valse (Dansen med Regitze, 1989) de Kaspar Rostrup, Sofie (1992), premier film réalisé par l'actrice bergmanienne Liv Ullmann*, Veilleur de nuit (Nattevagten,1994) d'Ole Bornedal – qui partira ensuite aux États-Unis, Sombre Moisson (Sort hoest, 1993) d'Anders Refn, la Chanteuse russe (Den russiske sangerinde, 1993) de Morten Arnfred, ou Affaires familiales (Det bli'r i familien, 1993), deuxième film de la jeune Suzanne Bier. En 1995 un groupe de cinéastes rassemblés autour de Lars von Trier lancent un manifeste, Dogma, revendiquant une grande liberté d'expression au prix de sévères limitations techniques fondées sur la recherche de faibles coûts en même temps que de la spontanéité des acteurs. C'est la base de remarquables réussites dues à von Trier (les Idiots), Thomas Vinterberg (Festen, 1998), Kragh-Jacobsen (Mifune,1999), suivis par Kristian Levring, le Français Jean-Marc Barr, et la réalisatrice Lone Scherfig (Italiensk for begyndere/Italien pour débutants, 2000). Le soutien de l'Institut danois du cinéma aux films destinés à la jeunesse a permis à des cinéastes comme Bille August de se révéler et à des non-conformistes comme Erik Clausen de continuer à travailler sans se renier complètement. Søren Kragh-Jacobsen* a su attirer l'attention avec plusieurs films de cette catégorie dont l'Ombre d'Emma (Skyggen av Emma), de même que, plus récemment, Niels Graboel ou Birger Larsen, puis Ella Lemhagen et Natasha Arthy. Enfin, la tradition du documentaire, brillamment incarnée dans les années 50 et 60 par Jørgen Roos, Theodor Christensen et par Carl Dreyer et Henning Carlsen eux-mêmes, a été maintenue par Jon Bang Carlsen, Jørgen Leth* – tous deux auteurs, à l'occasion, de films de fiction –, Anne Regitze Wivel.