PENN (Arthur) (suite)
Ces neuf films, auxquels la participation d'Arthur Penn à Visions of Eight (1973, sur les jeux Olympiques) reste un peu étrangère, fournissent un ensemble remarquablement cohérent et inégal à la fois. Cohérent de propos, sûrement : Penn n'arrête pas de manifester sa conscience de l'obscur et son besoin de lumière et de calme. Inégal de facture : peu de ses films respirent d'un souffle régulier, ce qui n'est pas étonnant pour une œuvre dont le déséquilibre est l'un des fils conducteurs. Dans le Gaucher, il donne l'impression de ne pas encore pouvoir pulvériser, comme il le fera, les scories littéraires et freudiennes du scénario. Bonnie and Clyde, Little Big Man et Missouri Breaks sont construits sur des hauts et des bas, pour les deux derniers, d'approximations scénaristiques que le cinéaste ne masque pas toujours (Missouri Breaks est, explicitement, un film qui ne se termine pas). La Fugue procède dans l'incertitude jusqu'à un final splendide qui, par sa réussite, accuse encore le flou du début. Miracle en Alabama, la Poursuite impitoyable et Alice's Restaurant sont d'un bloc, totalement maîtrisés. Dans les deux premiers cas, Penn tient parfaitement la gageure d'un film instinctif sur un canevas très écrit et, pour le dernier, d'un film très écrit sur un canevas en roue libre. Il cerne aussi, dans ces trois films, avec une justesse toute personnelle, les différents visages de l'enfance, de l'adolescence et de la jeunesse.
À ces trois titres s'ajoute Georgia (Four Friends, 1981), qui parle des mêmes choses, qui met en scène les mêmes désordres, mais qui témoigne d'une sérénité totale vers laquelle Penn, jusqu'alors, n'avait que tendu. Film à la fois déchirant et lumineux, il impose son auteur comme l'un des rares qui ait poussé jusqu'au bout le portrait de l'Amérique de sa génération. En 1985, le cinéaste signe Target, un thriller d'espionnage, avec Gene Hackman, en 1987, Froid comme la mort (Dead of Winter), en 1989, Penn and Teller Get Killed et, en 1996, Inside.
L'apparente inégalité n'entame en rien l'importance du travail d'Arthur Penn, directeur d'acteurs inspiré et technicien aux intuitions géniales. Bien au contraire, elle est la preuve irréfutable de sa rigueur et de son honnêteté et de l'originalité de son entreprise. Arthur Penn est un authentique cinéaste moderne. ▲