Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
E

ESPAGNE. (suite)

Un nouvel élan.

La mort du Generalísimo et la fin de la toute-puissante censure ouvrent l'éventail thématique, amorcent une renaissance culturelle catalane, favorisent une réflexion critique originale et de multiples contestations. Le premier Congrès démocratique du cinéma espagnol (1978), convoqué pour débattre des moyens de surmonter la crise, n'est pas suivi d'effets. La banalité sociologique commence à peser sérieusement sur un cinéma débarrassé de la censure, trop complaisant vis-à-vis des anciens tabous. La collaboration avec la télévision publique apporte enfin un peu d'oxygène à la production. L'arrivée des socialistes au pouvoir et la nomination de Pilar Miró* à la tête de la cinématographie (1982-1985) stimulent un haut de gamme plutôt académique, avec une prolifération d'adaptations littéraires (Divinas palabras, J. L. García Sánchez*, 1987). Un système inspiré de l'avance sur recette française (1984) et les subventions des autorités autonomes y contribuent. Le Pays basque inspire les réalisateurs Imanol Uribe*, Montxo Armendáriz*, Julio Medem*. La plus importante révélation de cette période, Pedro Almodóvar*, échappe néanmoins aux pesanteurs et impose une vraie personnalité. Grâce à la promotion institutionnelle, son succès n'est pas isolé : l'Oscar couronne Volver a empezar (José Luis Garci*, 1982), puis Belle Époque (Fernando Trueba*, 1992). Comme jadis Fernando Rey* ou Francisco Rabal*, quelques jeunes comédiens peuvent entamer une carrière internationale (Victoria Abril*, Angela Molina*, Assumpta Serna*, Antonio Banderas*, Carmen Maura*). Cependant, la privatisation partielle de la télévision déstabilise cet échafaudage fragile (137 longs métrages produits en 1981, 53 en 1993). Désormais intégrée à l'Europe, l'Espagne se bat pour défendre ses industries culturelles face à une dictature qu'elle avait jusqu'alors méconnue, celle des lois du marché. La crise italienne fait de la cinématographie espagnole la deuxième du continent, juste après la France.

ESPOSITO (Gianni)

acteur français (Paris 1930 - id. 1974).

Après quelques petits rôles dans des films de 1954-55 (dont French Cancan de Renoir), il est apprécié dans les Mauvaises Rencontres d'Alexandre Astruc, puis dans Cela s'appelle l'aurore (Buñuel, 1955, où il incarne de manière dense et romantique le pauvre métayer expulsé. Son jeu et son type de physique correspondent au personnage de Marius dans les Misérables de Le Chanois (1958) comme au beau ténébreux du Bel Âge de Kast (1959). Au début des années 60, il se rencontre chez Rivette (Paris nous appartient, 1961) et chez Cayatte (la Vie conjugale, 1964) ou Dreville (Normandie-Niemen, 1960). Mais sa carrière cinématographique décline bientôt – il fera une ultime et minuscule apparition dans le Déecaméron de Pasolini. Il s'affirme alors dans la chanson, mais cette seconde carrière est interrompue par une mort prématurée.

ESSANAY,

société de production américaine créée à Chicago en février 1907 par George K. Spoor et Gilbert M. Anderson (Broncho Billy). Le nom de la compagnie provient de la réunion des initiales des deux partenaires (S and A). Dès sa fondation, elle se spécialise dans deux genres bien définis : le western et la comédie burlesque. Anderson prend en charge la production des westerns, fait voyager une troupe itinérante à travers le Colorado, le Wyoming, le Nouveau-Mexique avant de s'établir à Niles en Californie, et se met lui-même en scène dans des centaines de petites bandes.

Dans le domaine de la comédie, la Essanay connaît d'abord la réussite avec des séries (« Snakesville Comedies », « Alkali Ike Comedies », « Sweedie ») avant d'engager Charlie Chaplin, ravi à la Keystone. Quand Chaplin quitte à son tour la Essanay pour la Mutual et quand Gilbert M. Anderson vend ses parts à son associé, la compagnie périclite et doit cesser ses activités en 1917.

ESTABLISHING SHOT.

Locution anglaise pour plan d'ensemble.

ÉTAIX (Pierre)

cinéaste et acteur français (Roanne 1928).

Passionné d'arts graphiques, de musique, de cirque, il s'établit à Paris, où il vit de l'illustration de livres. Il rencontre Jacques Tati, qui l'engage comme graphiste et gagman pour Mon oncle (1958). Il devient clown, a ainsi l'occasion de se produire à la télévision et au cabaret, et fait de la figuration. Il se lie avec Jean-Claude Carrière et ils signent ensemble quelques publications et quelques essais cinématographiques. C'est avec lui qu'il écrit ses premiers courts métrages comiques : Rupture (1961) et Heureux Anniversaire (1962). Il réalise ensuite cinq longs métrages, dont le scénario est issu de leur collaboration. En 1963, le Soupirant étonne par un rythme très personnel et une recherche du gag inhabituelle en France, et dont les Vacances de M. Hulot (J. Tati, 1953) est un des rares précédents. Abandonnant le masque figé de son personnage du Soupirant et une sorte de burlesque pur, il tourne Yoyo (1965). Le film déconcerte dans la mesure où le comique, malgré le nombre des gags, est moins important qu'une fiction portée par le goût de son auteur pour l'univers du cirque. La réédition du film, en 1981, a mieux mis en lumière les qualités de pudeur et d'originalité dans l'alliance de l'humour et de l'émotion. Tant qu'on a la santé (1966) renoue avec le burlesque, mais développe plus complaisamment les éléments convenus de la satire sociale. C'est la tendance qui s'affirme avec le Grand Amour (1969), malgré des gags issus des accessoires de la vie quotidienne, et plus encore dans Pays de cocagne (1971), un film souvent agressif, satire des Français en vacances.

Dans les années 70, les activités de Pierre Étaix s'orientent exclusivement vers le cirque. Il crée avec sa femme Annie Fratellini l'École nationale du cirque. Ils apparaissent tous deux dans les Clowns de Fellini. Dans les années 80, Pierre Étaix publie plusieurs albums de dessins d'humour et revient à l'audiovisuel avec un film qui est l'adaptation de sa pièce de théâtre : l'Âge de Monsieur est avancé (1987), sur le thème du paradoxe de l'auteur face à ses créatures, et en forme d'hommage à Guitry. En 1989 il réalise J'écris dans l'espace, premier film non documentaire exploité à la Géode en format Omnimax.