ESPAGNE. (suite)
Un nouvel élan.
La mort du Generalísimo et la fin de la toute-puissante censure ouvrent l'éventail thématique, amorcent une renaissance culturelle catalane, favorisent une réflexion critique originale et de multiples contestations. Le premier Congrès démocratique du cinéma espagnol (1978), convoqué pour débattre des moyens de surmonter la crise, n'est pas suivi d'effets. La banalité sociologique commence à peser sérieusement sur un cinéma débarrassé de la censure, trop complaisant vis-à-vis des anciens tabous. La collaboration avec la télévision publique apporte enfin un peu d'oxygène à la production. L'arrivée des socialistes au pouvoir et la nomination de Pilar Miró* à la tête de la cinématographie (1982-1985) stimulent un haut de gamme plutôt académique, avec une prolifération d'adaptations littéraires (Divinas palabras, J. L. García Sánchez*, 1987). Un système inspiré de l'avance sur recette française (1984) et les subventions des autorités autonomes y contribuent. Le Pays basque inspire les réalisateurs Imanol Uribe*, Montxo Armendáriz*, Julio Medem*. La plus importante révélation de cette période, Pedro Almodóvar*, échappe néanmoins aux pesanteurs et impose une vraie personnalité. Grâce à la promotion institutionnelle, son succès n'est pas isolé : l'Oscar couronne Volver a empezar (José Luis Garci*, 1982), puis Belle Époque (Fernando Trueba*, 1992). Comme jadis Fernando Rey* ou Francisco Rabal*, quelques jeunes comédiens peuvent entamer une carrière internationale (Victoria Abril*, Angela Molina*, Assumpta Serna*, Antonio Banderas*, Carmen Maura*). Cependant, la privatisation partielle de la télévision déstabilise cet échafaudage fragile (137 longs métrages produits en 1981, 53 en 1993). Désormais intégrée à l'Europe, l'Espagne se bat pour défendre ses industries culturelles face à une dictature qu'elle avait jusqu'alors méconnue, celle des lois du marché. La crise italienne fait de la cinématographie espagnole la deuxième du continent, juste après la France.