actrice française d'origine belge (Saint Josse ten Noode 1896 - Neuilly-sur-Seine 1980).
Elle monte sur scène à dix-sept ans. On la tient pour une des grandes interprètes des pièces de Claudel. Ses premiers pas cinématographiques datent de 1914 (la Dame blonde, Henry Roussel). Mais c'est en 1918, avec Âmes de fous de Germaine Dulac, qu'elle inaugure véritablement sa carrière. Le 16 janvier 1918, elle épouse le critique, et futur cinéaste, Louis Delluc.
À l'instar de Gina Manès, elle devient une des actrices préférées de l'« école » impressionniste française des années 20. Si le nom de sa collègue s'attache, alors, surtout à la production de Jean Epstein, Ève Francis, elle, interprète essentiellement les œuvres de Dulac, L'Herbier et Delluc. Après avoir joué dans la Fête espagnole de Dulac (sur un scénario de son mari, 1920), elle tient le rôle principal dans les cinq films suivants de Delluc : Fumée noire (1920), le Silence (id.), le Chemin d'Ernoa (1921), la Femme de nulle part (1922) et l'Inondation (1924). El Dorado (1921) marque le départ de sa collaboration avec Marcel L'Herbier ; ce dernier s'y exerce, visuellement, au fameux « flou psychologique ». Les cinéastes de ce groupe, qualifié de première avant-garde, préoccupés par leurs recherches formelles, délaissent la finition des scénarios. La construction de leurs films relève de la composition plastique et n'offre guère un moule adéquat à l'exercice « plein » du métier d'acteur. Le jeu d'Ève Francis oscille entre le maniérisme et la pose ; à la limite, on peut la considérer comme un élément de l'architecture filmique. En 1924, à la mort de son conjoint, la tragédienne espace ses apparitions sur l'écran : Antoinette Sabrier (G. Dulac, 1928), Club de femmes (Jacques Deval, 1936), Forfaiture (M. L'Herbier, 1937) et la Comédie du bonheur (id., 1942). Ève Francis est assistante artistique sur quelques films de L'Herbier : le Bonheur (1935), la Route impériale (id.), Veille d'armes (id.), la Porte du large (1936), la Citadelle du silence (1937) et d'autres. À partir des années 30, elle se consacre à de nombreuses activités : le théâtre, les conférences, la critique de cinéma (dans Film et le Pays).
On lui doit également un livre (Temps héroïques, 1949) où elle évoque la personnalité de Delluc. Membre de la Commission des recherches historiques à la Cinémathèque française, elle devient, après la guerre, animatrice de ciné-clubs, ces lieux de formation de la culture par le film créés par son mari en 1920. Elle fait une dernière et curieuse apparition devant la caméra dans la Chair de l'orchidée de Patrice Chéreau (1975) : elle y tient le rôle de la mère de Bruno Cremer.