PHALKE (Dhundiraj Govind)
cinéaste indien (Trymbakeshwar, Maharashtra, 1870 - Nasik, id., 1944).
Peintre, photographe, magicien, ce pionnier eut un destin très similaire à celui de Méliès. La vision, vers 1910, de la Vie du Christ, détermine sa vocation : porter à l'écran la vie des dieux indiens. Son premier film (Raja Harishchandra, 1913) est aussi le premier film indien de fiction. Il invente et perfectionne d'étonnants trucages qui font merveille dans ses films mythologiques. Il connaît un succès foudroyant, devient le montreur ambulant de ses œuvres, établit sa compagnie (l'Hindustan Film Prabat) à Nasik. Très actif jusqu'à la fin du muet, il réalise plus de cent films. Mais, dans les années 20, de nouveaux genres apparaissent et Phalke se retire progressivement. Son dernier film est un parlant (hindi et marathi). Il meurt dans un oubli à peu près total, son œuvre, à l'exception de quelques fragments, ayant disparu.
Films :
‘ le Roi Harishchandra ’ (Raja Harishchandra, 1913) ; ‘ Satyavan Savitri ’ (id., 1914) ; ‘ l'Incendie de Lanka ’ (Lanka Dahan, 1917) ; ‘ la Naissance de Krishna ’ (Shri Krishna Janma, 1918) ; ‘ la Mort du serpent ’ (Kaliya Mardan, 1919) ; Bhakta Prahlad (1926) ; ‘ Un pont sur l'océan ’ (Setu Bandhan, 1927, sonorisé en 1932) ; ‘ la Descente du Gange ’ (Gangavataran, 1937).]
PHILIBERT (Nicolas)
cinéaste français (Nancy 1951).
Après une licence de philosophie, il travaille à partir de 1973 comme assistant réalisateur, auprès de cinéastes tels que René Allio, Alain Tanner, Claude Goretta, Joris Ivens, etc. Son intérêt se concentre immédiatement sur le documentaire, qu'il aborde en tant que producteur (plus d'une centaine de films à son actif à ce jour) et en tant que réalisateur. L'intelligence et la sensibilité avec lesquelles il élabore sa relation aux hommes et aux femmes qu'il filme caractérisent l'ensemble de son œuvre documentaire. Ainsi, dans le Pays des sourds (1993), film maintes fois récompensé, il évoque avec respect, tendresse et pudeur la vie des individus sourds de naissance. Les mêmes remarques peuvent s'appliquer à la Moindre des choses (1996), tourné dans une clinique psychiatrique. L'univers du musée sera également à l'honneur dans plusieurs films, dont la Ville Louvre (1990), un film magnifique sur la vie de ce musée lorsqu'il est fermé au public, ou encore Dans la peau d'un blaireau (1994), la Métamorphose d'un bâtiment (1994), Portraits de familles (1994) et Un animal des animaux (1996), tournés au cours des travaux de rénovation de la galerie de zoologie du Muséum national d'histoire naturelle. Sa démarche révèle parfois une certaine pugnacité, comme avec son premier film, la Voix de son maître (1978), dans lequel douze patrons de grandes entreprises exposent leurs conceptions de l'exercice de leurs fonctions. C'est à partir du matériel accumulé pour la réalisation de ce film qu'il monte Patrons/Télévision, trois films destinés à la télévision qui, victimes de décisions de censure, ne seront diffusés qu'en 1991 sous le titre Patrons 78/91. Mentionnons par ailleurs une certaine attirance pour l'univers de l'alpinisme, qui donne naissance à six films, la Face nord du Camembert (1985), Christophe (1985), Y'a pas d'malaise (1986), Trilogie pour un homme seul (1987), la Mesure de l'exploit (1987), le Come-back de Baquet (1988). En 1998 enfin, il signe Qui sait ?, un film réalisé avec les élèves du Théâtre national de Strasbourg dans lequel fiction et documentaire sont intimement mêlés.
PHILBIN (Mary)
actrice américaine (Chicago, Ill., 1903 - Huntington Beach, Ca., 1993).
L'une des stars américaines des années 20, sa performance la plus connue est celle qu'elle accomplit aux côtés de Lon Chaney dans le Fantôme de l'Opéra (R. Julian, 1925). Parmi ses autres films, on peut citer Human Hearts (K. Baggot, 1922), Chevaux de bois (E. von Stroheim et R. Julian, 1923), The Rose of Paris (I. Cummings, 1924), Stella Maris (Ch. Brabin, 1926), l'Homme qui rit (P. Leni, 1928), Jeunesse triomphante (D.W. Griffith, 1928). Elle abandonna le cinéma à l'orée du parlant.
PHILIPE (Gérard Philip, dit Gérard)
acteur et cinéaste français (Cannes 1922 - Paris 1959).
Il incarna, pour la génération de l'immédiate après-guerre, l'adolescent romantique par excellence, et presque trop beau. C'est au théâtre qu'il se fait d'abord connaître, grâce à son élégance, son charme, son sourire, sa diction un peu nasillarde, son émouvante fragilité. Il débute au Casino de Nice dans une comédie d'André Roussin, Une grande fille toute simple, puis « monte » à Paris, où il est engagé par Douking pour tenir le rôle de l'ange dans Sodome et Gomorrhe de Giraudoux. Il sera ensuite le prince Blanc de Federico (d'après Mérimée), le Caligula d'Albert Camus (premier rôle vedette, premier grand succès), le poète des Épiphanies, de son ami Henri Pichette, qui va écrire, pour lui, Nucléa : autant de traits qui contribuent à forger son mythe. En 1951, il entre dans la troupe du Théâtre national populaire, et c'est une série de triomphes, toujours fondés sur une adéquation rigoureuse entre le comédien et ses personnages : Rodrigue dans le Cid (qu'il joue « à la pointe de l'épée ») ; le prince de Hombourg ; Lorenzaccio ; Richard II ; Ruy Blas ; Octave d'On ne badine pas avec l'amour, etc.
Mais, entre-temps, le cinéma l'a mobilisé, car les producteurs voient en lui le successeur tout désigné de Jean-Pierre Aumont ou de Claude Dauphin. Marc Allégret le pressent pour être Phil dans une adaptation du Blé en herbe de Colette, mais le projet n'aboutit pas (il était d'ailleurs déjà trop âgé). Après avoir fait de la figuration dans la Boîte aux rêves, Gérard Philipe (il a ajouté un e muet à son nom, « pour que cela fasse treize lettres », dit-il) débute officiellement dans les Petites du quai aux Fleurs, aux côtés d'Odette Joyeux et de Danièle Delorme. Prestation encore un peu terne, comme sera celle du Pays sans étoiles, tourné en 1946, où il entre pourtant de plain-pied dans l'univers féerique de Pierre Véry. En revanche, son interprétation « inspirée » du prince Muichkine de l'Idiot le propulse au zénith des jeunes premiers : la vedette du film, ce n'est pas Edwige Feuillère, ni Dostoïevski, c'est lui. Comme l'écrit dans Cinémonde Jacques Doniol-Valcroze : « Il y a lui... et les autres. Un léger effort, un minuscule appel du pied, et il est devenu l'Idiot. On tremble à l'idée que l'on pourrait nous gâcher un tel talent... » Un deuxième rôle en or l'attend : celui de François, l'adolescent en révolte ouverte contre la morale bourgeoise du Diable au corps, de Radiguet. Le film scandalise les bien-pensants, mais pulvérise les records de recettes. Il vaut au jeune acteur (25 ans tout juste) le prix d'interprétation au festival de Bruxelles. Désormais, on lui propose des rôles sur mesure : Fabrice del Dongo dans la Chartreuse de Parme ; Faust dans la Beauté du diable ; le rêveur éveillé de Juliette ou la Clef des songes ; le caracolant Fanfan la Tulipe ; Julien Sorel dans le Rouge et le Noir ; enfin Till Eulenspiegel, le Mandrin flamand, personnage si conforme à ses vœux (mélange de panache juvénile et d'idéal progressiste) qu'il décide pour une fois d'être son propre metteur en scène (sous la supervision technique de Joris Ivens). Expérience décevante, la truculence flamande échappant à ce fils du Midi, et son humour bon enfant restant à la surface de l'épopée picaresque de Charles De Coster. Il est d'ailleurs singulier d'observer que dans presque tous les films cités, qui lui ont valu sa réputation la plus flatteuse, la mise en scène est pauvre, voire inexistante — tout se passant comme si Gérard Philipe avait besoin, pour briller, d'une toile de fond incolore, devant laquelle il pût trôner seul, comme à la scène.