cinéaste hongrois (Hunyad [auj. Roumanie] 1912).
Originaire de Transylvanie, pays chargé d'histoire et de légendes, István Szöts est familier de son patrimoine culturel et folklorique. Il y puise naturellement l'inspiration de son premier long métrage, les Hommes de la montagne, adapté de nouvelles de József Nyirö, après quelques années d'apprentissage, et un documentaire sur le sculpteur Kisfaludi Stróbl. Les Hommes de la montagne évoquent la vie de pauvres montagnards formant une communauté spirituelle très solidaire, et leur dramatique confrontation avec un capitalisme sauvage. Attentif aux visages et aux gestes comme à l'environnement dans lesquels ils s'inscrivent, Szöts invente ici, en vrai créateur, son propre style, une sorte de réalisme magique aux modulations riches et variées : suivant les moments, il peut avoir recours à un lyrisme purement visuel ou à une écriture elliptique. Réalisés dans les Alpes de Transylvanie et dans le petit studio de Kolozsvár — loin du cinéma de convention qui prévaut en Hongrie dans les années 40 —, les Hommes de la montagne témoignent d'une tendresse fervente pour les êtres et d'un sentiment panthéiste singulier. Primé au festival de Venise, salué comme une révélation par la critique italienne (notamment par Carlo Lizzani), ce film ne permet pourtant pas à Szöts de poursuivre sereinement son travail créateur. S'il peut filmer de façon inspirée une ballade populaire anonyme du XVIe siècle, Kata Kádár (sur une musique de Zoltán Kodály), ses projets les plus chers sont refusés par la censure, en particulier une adaptation du roman de F. Morá, la Chanson des champs de blé. Quant au tournage de Feu dans la montagne, il est interrompu par la guerre qui a gagné le territoire hongrois en septembre 1944. Mais Szöts ne se décourage pas. Tourné vers l'avenir, il jette les bases d'une cinématographie nationale rénovée dans un petit livre qui paraîtra en avril 1945 : Appel en faveur du cinéma hongrois. Définissant le cinéma comme un art spécifique à vocation universelle, direct, primitif et complexe comme la vie, et dont les créateurs doivent constamment lutter, Szöts propose de le dégager du commerce qui l'étouffe comme des conventions qui le stérilisent et suggère des solutions : création d'une école de cinéma, d'un studio expérimental pour débutants, d'une cinémathèque et de ciné-clubs, utilisation d'un équipement léger, recours au tournage en extérieurs, participation financière de l'État, liberté de création. Deux ans plus tard, Szöts peut enfin réaliser, dans le style lyrique des ballades populaires qu'il réinvente, la Chanson des champs de blé, poignante histoire d'un soldat qui revient de guerre. Par-delà les épreuves, et les faiblesses humaines qu'elle révèle, c'est un hymne à la vie et à la terre nourricière, fécondée par le labeur. Le film est interdit. Le gouvernement hongrois, qui, à partir de 1948, s'engage dans la voie stalinienne de collectivisation des sols, ne veut pas que soit exalté, à l'écran, l'amour du paysan hongrois pour sa terre. Tenu en suspicion, comme Béla Balázs qui l'avait soutenu dans son entreprise, Szöts décline les propositions qui lui sont faites de réaliser, selon des canons qui ne sont pas les siens, Un lopin de terre et La mer se lève, et se voit condamné au silence pendant de longues années. De 1952 à 1955, il sillonne le pays en compagnie de l'ethnologue Anna Raffay, enregistrant en 16 mm vingt-sept précieux documents sur les coutumes traditionnelles. Réinscrites dans les profondeurs du temps et de la vie, celles du village de Hollókö sont magnifiées dans un documentaire poétique : Des pierres, des châteaux, des hommes. Par la suite, Szöts peut revenir à la fiction avec Lequel de ces neuf ?, bref conte de Noël pour petits et grands. Après l'écrasement de l'insurrection de 1956, Szöts s'installe en Autriche, enseigne un temps à l'école du cinéma de Vienne puis tourne, de 1960 à 1965, quelques courts métrages dignes de ses anciens films, en particulier la Ballade de Hallstadt. En dehors de Hortobágy de G. Höllering (1936), demeuré sans postérité, l'œuvre de Szöts est la première à révéler avec autant de force et de sentiment le vrai visage du paysan hongrois et de sa terre.