Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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WESTERN. (suite)

Certes, il ne s'agit là que de tendances, dessinées à très gros traits. La violence et le sadisme, souvent jugés caractéristiques du western moderne, ne sont pas sans précédents. Le thème anticapitaliste était déjà présent, à l'époque « classique », dans les westerns mettant en scène les « cattle barons » ; le motif impérialiste, dans Vera Cruz d'Aldrich, où l'on voit les lanciers de Maximilien, et à nouveau dans Major Dundee de Peckinpah (1965). Mais on n'allait pas jusqu'à montrer le prolétariat quitter Chicago pour le Texas (les Moissons du ciel) ou attaquer, à la manière indienne, les grands éleveurs faisant front en cercle (la Porte du paradis). Malgré les efforts méritoires de Delmer Daves, d'Anthony Mann ou du John Ford tardif — cinéastes qui firent beaucoup pour réhabiliter l'image de l'Indien et pour rétablir une certaine vérité historique —, on ne prenait quand même pas le risque commercial d'un western de grande envergure, dont la majeure partie des dialogues serait en langue sioux. Même si, dans Un homme nommé Cheval (1969, Elliot Silverstein), une barrière linguistique accusait la différence entre le lord anglais et son peuple d'adoption, il n'y avait là rien de comparable à l'ambitieux travail de Kevin Costner, Danse avec les loups, entrepris en 1990, à une époque où le western avait totalement disparu des écrans, grands et petits. Le courage de Costner réside dans l'alliance d'une forme d'un classicisme quasi épuré, qui nous ramène plus encore à Griffith qu'à Ford (les plans éloignés, en légère plongée, évoquent les courts métrages westerniens du maître, tel The Massacre, 1912), et d'un propos libéral comparable à celui de certains westerns réalisés par Daves, Mann ou Brooks (on pense à la Dernière Chasse, 1955) dans les années 50. Intransigeance artistique, références historiques et refus de la mode n'ont pas empêché l'immense succès du film de Costner. Comme on pouvait le prévoir, cette réussite ne signifia pas pour autant une renaissance du genre. Mais au moins donna-t-elle lieu à quelques expériences isolées et extrêmes, parfois intéressantes. Ainsi, l'introduction d'une problématique et d'une thématique noires dans Posse, de Mario Van Peebles (1992). Ou encore l'agréable féminisation proposée par les Belles de l'Ouest (Jeremy Paul Kagan, 1994). On peut également remarquer un regain d'intérêt pour la figure mythique de Wyatt Earp, qui est au centre du routinier Tombstone (George Pan Cosmatos, 1993) et du plus ambitieux Wyatt Earp (Lawrence Kasdan, 1994). Pour l'un comme pour l'autre, l'échec artistique est flagrant, cuisant surtout dans le dernier cas, dont la volonté exhaustive et réaliste est manifeste. S'adjoindre la présence de Kevin Costner, équivalent moderne de Gary Cooper, ne peut masquer l'absence de rigueur du travail de Kasdan, et son calcul. Car, cet attrait soudain pour ce leader, à l'heure où l'Amérique échoue, tant à travers George Bush qu'à travers Bill Clinton, à s'en trouver un, n'est certainement pas le fait du hasard. On notera également un regain d'intérêt pour la cause indienne, qui transparaît aussi bien dans Geronimo (Walter Hill, 1993) ou dans le rafraîchissant préwestern le Dernier des Mohicans (Michael Mann, 1992) que sous forme d'allusions westerniennes dans un policier (Cœur de Tonnerre, 1990) puis dans un intéressant documentaire (Incident à Oglala, 1990) de Michael Apted. Mais, au moins, la réussite de Danse avec les loups aura-t-elle permis celle d'Impitoyable (1992), de Clint Eastwood. Comme le film de Costner, celui d'Eastwood se joue des modes : il met en scène un personnage de chasseur de primes vieilli et repenti, et raconte une histoire de « nettoyage » qui aurait eu sa place dans le cinéma vingt ou trente ans plus tôt. Rigoureux et lyrique, d'une grande sobriété, Impitoyable s'inscrit dans une tradition, condition incontournable pour réussir ce genre d'entreprise. Mais il est vrai qu'Eastwood est toujours resté fidèle au western : avant le succès du film de Costner, n'avait-il pas réalisé, imperturbable, le saisissant Pale Rider (1988) ?

On a souvent vu dans le western, selon le mot d'André Bazin, « le cinéma américain par excellence ». Ce point de vue n'est pas limité à la critique européenne : pour Robert Warshow, « les deux créations les plus réussies du cinéma américain sont le gangster et l'homme de l'Ouest ». Cependant, deux interprétations se sont fait jour : l'une considère le western comme une forme cinématographique de l'épopée, de la saga, de la chanson de geste, du mythe en tout cas ; l'autre insiste, au contraire, sur le western comme reflet scrupuleux de l'histoire américaine. En réalité, si telle ou telle définition convient mieux à certaines œuvres, il est impossible de trancher le débat au fond. C'est que, dès les origines de sa conquête, l'Ouest était non seulement un espace, mais aussi, pour reprendre l'expression de Henry Nash Smith, « symbole et mythe ». La légende de l'Ouest a toujours été contemporaine de sa réalité ; c'est peut-être d'ailleurs ce qui explique que tous les efforts qui visent à « démystifier » le genre n'aboutissent en dernière analyse qu'à le « mythifier » davantage. L'exemple le plus connu de cette immédiateté de la légende est celui de Ned Buntline, « inventeur » et chroniqueur de Buffalo Bill (il est interprété, dans le film d'Altman, par Burt Lancaster) ; le phénomène a été bien compris par John Ford (« quand la légende devient réalité, il faut imprimer la légende ») ainsi que par Nicholas Ray dont le Brigand bien-aimé (1957) se présente comme « la véritable histoire de Jesse James », ce titre étant celui d'une ballade populaire et nullement l'affirmation d'une vérité de nature documentaire.

Les sources du western, comme celles du cinéma en général, sont donc des sources secondes : romans populaires (dime novels), photographies où la réalité était d'ores et déjà posée et composée (notamment celles de Mathew B. Brady, témoin de la guerre de Sécession), peintures et sculptures (notamment celles de Frederic Remington dont Ford s'inspira ouvertement pour la couleur de la Charge héroïque), musique et chansons (ainsi le psaume Yes, We'll Gather at the River qui, chez Ford, ponctue les enterrements).