cinéaste français (Luzarches 1901 - Antibes 2000).
Son père est l'architecte Édouard Autant, sa mère la comédienne Louise Lara, vedette du Théâtre-Français, qui refuse de s'associer aux manifestations chauvines organisées pendant la Première Guerre mondiale et doit s'exiler en Angleterre avec son fils. Claude Autant-Lara découvre le cinéma en 1919 en travaillant comme décorateur pour Marcel L'Herbier. Dans les années qui suivent, il collabore avec Fernand Léger, Mallet-Stevens et Alberto Cavalcanti dans ce véritable atelier que L'Herbier a réuni autour de lui.
Après avoir réalisé deux courts métrages expérimentaux (dont Construire un feu, où il emploie pour la première fois l'objectif anamorphique du professeur Chrétien — qui sera, 25 ans plus tard, à l'origine du CinémaScope commercialisé par la 20th Century Fox), il passe deux ans à Hollywood, où il tourne la version française de films américains, de Buster Keaton notamment. En 1933, il réalise son premier long métrage personnel, une adaptation de Ciboulette à laquelle collabore Jacques Prévert. Francis de Croisset, l'auteur du livret de l'opérette initiale, proteste dans la presse et déchaîne une polémique où le jeune cinéaste donne la mesure de sa verve insolente. Le film est mutilé par ses producteurs, et la carrière de son auteur connaît une longue éclipse.
Même s'il a dirigé un film à Londres en 1936, même s'il a servi de nègre à Maurice Lehmann en dirigeant pour lui, à la veille de la guerre, trois films qu'il ne signe pas, c'est seulement sous l'Occupation qu'il amorce véritablement son œuvre avec trois films, interprétés par Odette Joyeux, qui sont à la fois d'un calligraphe habile à reconstituer une esthétique fin de siècle alors fort prisée, et d'un moraliste féroce qui ne ménage pas les classes possédantes. Douce (1943) est de ce double point de vue une manière de chef-d'œuvre, qui met le doigt sur l'hypocrisie de la famille jugée comme une institution étouffante et maléfique, sur un fond d'opposition de classes, caricaturée dans la célèbre visite de Marguerite Moreno à « ses » pauvres.
Les mêmes qualités d'écriture et de causticité font, en 1946 et 1947, le succès et le scandale du Diable au corps (d'après Raymond Radiguet, avec Gérard Philipe et Micheline Presle). Les incidents et les polémiques qui entourent la présentation du film à Bruxelles et sa sortie en France en accentuent la dimension pacifiste et antimilitariste, et confèrent à son auteur une image de cinéaste de combat, anarchisant, contempteur des valeurs patriotiques et religieuses, qui le marque pour une quinzaine d'années.
Pendant douze ans (le temps de la IVe République, dont il est peut-être le cinéaste emblématique), Autant-Lara réalise plus de dix films, certes inégaux, mais jamais indifférents. Ce sont rarement des brûlots dévastateurs, mais leur impact sur la société française est décuplé par les controverses, voire les interdictions, qui entourent la sortie de l'Auberge Rouge, une farce jovialement anticléricale, ou du Blé en herbe, une adaptation du roman de Colette jugée immorale par les cercles conservateurs qui font bannir le film de plusieurs grandes villes, déchaînant débats juridiques et procès à propos de la censure des maires. En 1956, la Traversée de Paris (un des premiers films à évoquer les petits côtés de la France occupée, à rebours de l'imagerie héroïque qui sera de mise dans les années suivantes) et, en 1958, En cas de malheur sont encore deux de ses films majeurs, Jean Gabin y composant deux images complémentaires du bourgeois fascinant et honni.
Dans les dernières années 50, Autant-Lara est violemment pris à partie par les tenants d'une jeune critique qui s'épanouira avec la Nouvelle Vague. Traité de « faux martyr » parce qu'il se plaint de ne pouvoir tourner, pendant la guerre d'Algérie, le film sur l'objection de conscience qui lui tient à cœur, et de « cinéaste bourgeois » par de jeunes turcs qui lui reprochent une esthétique dépassée et la part trop belle qu'il donne aux scénarios et aux dialogues de ses collaborateurs attitrés, Jean Aurenche et Pierre Bost, il n'en continue pas moins à tourner un grand nombre de films mineurs, où ne se retrouve que par brefs éclats le souvenir de ce ton sarcastique qui avait fait sa rare originalité. En 1961, il dirige en Yougoslavie, avec mille difficultés, son Objecteur, que ses producteurs français, sous la pression de l'armée, l'obligent à rebaptiser Tu ne tueras point. Au cours des années 1980, le cinéaste défraye la chronique par des prises de position politiques d'extrême droite.
Films :
Fait divers (CM, 1923) ; Construire un feu (CM, 1928 [RÉ 1926]) ; Ciboulette (1933) ; My Partner Mister Davis (GB, 1936) ; l'Affaire du courrier de Lyon (CO M. Lehmann, 1937) ; le Ruisseau (CO Lehmann, 1938) ; Fric-Frac (CO Lehmann, 1939) ; le Mariage de Chiffon (1942) ; Lettres d'amour (id.) ; Douce (1943) ; Sylvie et le Fantôme (1946) ; le Diable au corps (1947) ; Occupe-toi d'Amélie (1949) ; l'Auberge Rouge (1951) ; les Sept Péchés capitaux, sketch l'Orgueil (1952) ; le Bon Dieu sans confession (1953) ; le Blé en herbe (1954) ; le Rouge et le Noir (id.) ; Marguerite de la nuit (1956) ; la Traversée de Paris (id.) ; En cas de malheur (1958) ; le Joueur (id.) ; la Jument verte (1959) ; les Régates de San Francisco (1960) ; le Bois des amants (id.) ; Vive Henri IV, vive l'amour (1961) ; le Comte de Monte Cristo (id.) ; Tu ne tueras point (1963 [RÉ 1961]) ; le Meurtrier (id.) ; le Magot de Josefa (id.) ; le Journal d'une femme en blanc (1965) ; Nouveau Journal d'une femme en blanc / Une femme en blanc se révolte (1966) ; le Plus Vieux Métier du monde, un sketch (1967) ; le Franciscain de Bourges (1968) ; les Patates (1969) ; Gloria (1977).