scénariste et cinéaste américain (Chicago, Ill., 1898 - New York, N. Y., 1959).
Né dans une de ces grandes familles bourgeoises dont il ne cessera dans ses scénarios et dans ses films de dénoncer le ridicule et la frivolité, il délaisse les cosmétiques féminins auxquels sa famille le destine, pour devenir inventeur, puis écrivain. Après le succès théâtral de Strictly Dishonorable (1929), Hollywood lui ouvre ses portes. C'est Thomas Garner (William K. Howard, 1933), dont la structure narrative riche de retours en arrière et le sujet même annoncent Citizen Kane de Welles, qui établit avec force son originalité. Il écrit d'excellents scénarios, acides et drôles, déjà remplis de ces nababs excentriques et infantiles, de ces ingénues calculatrices, de ce petit monde américain qui sera le sien quand il viendra à la réalisation. La Bonne Fée (W. Wyler, 1935), Vie facile (M. Leisen, 1937), Remember the Night (id., 1940) sont sans doute, au titre de scénariste, ses plus grands titres de gloire. Il réussit alors à persuader les responsables de la Paramount de le laisser diriger un film. Gouverneur malgré lui et le Gros Lot, productions modestes, sans grandes vedettes, eurent, en 1940, un succès inattendu et, en l'espace de quelques mois, Preston Sturges devint l'un des réalisateurs les plus importants d'Hollywood et l'un des plus chers. Son œuvre se compose de huit productions Paramount qui lui apportent une brève mais éclatante renommée, puis de quatre productions indépendantes aux fortunes diverses et aux succès beaucoup moins probants qui l'obligent à terminer sa carrière en France, dans un relatif oubli.
Les onze films américains de Preston Sturges suffisent à faire de lui un des plus grands maîtres de la comédie américaine. Il mêle avec une virtuosité malicieuse les trouvailles de dialogue et les gags visuels pour atteindre, dans le genre comique, à une plénitude presque unique. Ses comédies sont très bavardes, très mouvementées et complètement folles. Les personnages extravagants sortent de nulle part, tel ce roi du hot-dog en grand chapeau qui vient jouer les bonnes fées pour Claudette Colbert (Madame et ses flirts, 1942), ces héros qui se dédoublent en jumeaux (encore Madame et ses flirts), ces petites pestes précoces et perverses (Diana Lynn dans Miracle au village, 1944) ou ces couards grandioses (Héros d'occasion, id.). Par son refus d'une logique traditionnelle, par son goût du bizarre, par son agressivité, le monde de Preston Sturges est proche de celui de Tex Avery.
Brève, son œuvre est pourtant riche et complète. Après deux films un rien languissants (pour lui) pendant lesquels il fait ses classes, il signe quatre chefs-d'œuvre réalisés en moins de trois ans (Un cœur pris au piège, Madame et ses flirts, Miracle au village, Héros d'occasion), un film-testament (l'admirable et profond Voyages de Sullivan), un échec de prestige (The Great Moment), trois films maudits (Quel mercredi !, 1947, stupéfiante analyse du comique de Harold Lloyd ; Infidèlement vôtre, 1948, une des comédies les plus originales, les plus neuves et les plus audacieuses qui se puissent voir ; Mamzelle Mitraillette, 1949, au Technicolor éblouissant et qui reste le film de Sturges où sa parenté avec le dessin animé est la plus évidente), et, enfin, un échec final assez discret (les Carnets du Major Thompson, 1955, qui contient pourtant des idées amusantes de distribution [Martine Carol, Jack Buchanan et Noël-Noël]).
Avec la méticulosité d'un Flaubert et la précision maniaque d'un Feydeau, Preston Sturges nous a livré un catalogue de la folie ordinaire qui est l'une des plus belles pages du cinéma hollywoodien des années 40.
Films :
Gouverneur malgré lui (The Great Mc. Ginty, 1940) ; le Gros Lot (Christmas in July, id.) ; Un cœur pris au piège (The Lady Eve, 1941) ; les Voyages de Sullivan (Sullivan's Travels, id.) ; Madame et ses flirts (The Palm Beach Story, 1942) ; Miracle au village (The Miracle of Morgan's Creek, 1944) ; Héros d'occasion (Hail the Conquering Hero, id.) ; The Great Moment (id.) ; Quel mercredi ! (Mad Wednesday, 1947) ; Infidèlement vôtre (Unfaithfully Yours, 1948) ; Mamzelle Mitraillette (The Beautiful Blonde From Bashful Bend, 1949) ; les Carnets du Major Thompson (FR, 1955).