Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
A

ANIMATION (techniques de l').

Au XIXe siècle apparaissent des techniques d'images animées qui ne sont plus obtenues par des procédés mécaniques mais à partir de la production d'une séquence d'images statiques disposées en fonction du temps. La mise au point de ces techniques achève la préhistoire des spectacles optiques : trois mille ans d'images aériennes, d'ombres féeriques, de miroirs magiques ou de projections mécanisées. Lorsque les images animées se dotent de moyens mécanisés (verres à tirettes, chromatoscope à rotation, etc.), commence un art instrumental inédit : le cinéma d'animation. Que les séries de phases distinctes, statiques soient composées grâce à des moyens photocinématographiques, vidéoélectriques ou informatiques, cet art de l'image par image marque l'apparition d'une relation de l'individu à son environnement et des capacités d'analyse et de synthèse des phénomènes dynamiques. Ainsi va se confirmer un mariage des sciences et des arts que Riccotto Canudo n'appellera de ses vœux que bien plus tard, et qui, dans notre civilisation « mécanisée », ne va plus cesser de provoquer l'intérêt des générations d'ingénieurs, de créateurs et de dramaturges visuels.

Découverte de l'image par image.

Rejoignant une observation de John Locke sur le cercle de feu produit lorsque l'on fait tourner un charbon ardent (1739), Peter Mark Roget a présenté à la Royal Academy, en 1824, un mémoire consacré aux effets de la persistance rétinienne sur la perception des objets mouvants. L'ère de la synthèse du mouvement visuel va s'ouvrir sur une floraison de jouets optiques à lecture directe qui exploreront les caractéristiques de la persistance des images rétiniennes et de la perception des mouvements apparents en autorisant un enchaînement de séries d'images fixes de plus en plus longues.

Le Thomatrope du docteur John Ayton Paris (1825-26) ne permet que de confondre deux images complémentaires, tracées sur les deux faces d'un disque tournant autour d'un fil. Exploitant les apports de la stroboscopie, Joseph Plateau et Simon Stampfer (1832) tirent un mouvement de 16 à 24 images à travers les créneaux du disque du Phénakistiscope reflété dans un miroir. En disposant les images successives sur une bande et en les plaçant dans un tambour crénelé, le zootrope de William George Horner portera jusqu'à 50 images.

Pour éviter la brutalité optique des procédés stroboscopiques, Émile Reynaud va compenser optiquement le passage d'une image à l'autre avec un prisme rotatif pour donner un mouvement enchaîné aux délicates figurines du Praxinoscope (1828) ou du Praxinoscope théâtre (1882), qui, grâce à des personnages tracés sur fond noir, les situe en surimpression sur un décor reflété par un miroir.

Le film comme support d'images.

Reynaud échappe enfin au piège des disques et des tambours et aux cycles répétés de mouvements en fixant sur une bande souple et perforée progressivement déroulée un nombre indéfini de poses successives (jusqu'à 700), tracées et colorées à la main. C'est le Théâtre optique : Un bon bock (1889), Clown et ses chiens (1890) sont ainsi les premiers films d'animation de l'histoire de l'art ; le dispositif du Théâtre optique résout à la fois le problème de la projection, du film, de la fixation d'un nombre indéfini d'images successives, en bref, celui du spectacle de projection d'images animées.

La chronophotographie.

La photographie, en se généralisant, va supplanter la production graphique des séries de positions des personnages. Mais, la saisie photographique instantanée n'étant pas encore réalisée, c'est à partir de poses successives que cette synthèse va être tentée (bioscope de Antoine Jean François Claudet (1852), Kinematoscope de Coleman Sellers (1863).

Avec le Kineograph de Thomas Linnett apparaît une forme de livre que Gutenberg n'avait pas prévue. Populaires vers 1897 sous le nom de flip book ou de feuilletoscope, les photos successives regroupées en carnet glissent sous les doigts comme un paquet de cartes à jouer en reproduisant le mouvement.

La mise au point de la photographie instantanée va étendre les capacités de saisie, d'analyse et de synthèse des images en mouvement. Une nouvelle étape de l'évolution des arts visuels s'engage avec l'apparition des méthodes chronophotographiques, qui, à partir de 1882, vont proposer une nouvelle famille de documents irréfutables qui traduisent l'idée de temps en termes d'espaces. Leurs positions condensées ou enchevêtrées ne participent plus à l'unité, du point de vue instauré par la Renaissance : Jules Janssen, Étienne-Jules Marey, Eadweard James Muybridge ou Thomas Eakins exploiteront différents dispositifs (plaque mobile, plaque fixe pour saisie stroboscopée, batterie d'appareils à déclenchements successifs et finalement film) qui fragmentent en positions successives les mouvements d'êtres vivants ou mécaniques.

Le cinématographe.

En 1888, Marey met au point son chronophotographe à plaque mobile. George Eastman propose des bobines de papier négatif qui vont généraliser les observations et les communications visuelles fondées sur des séries indéfinies des photogrammes. Dès ces premières réussites se confirme l'importance des capacités d'analyse et de synthèse des images animées, par opposition à la simple reproduction des images d'enregistrement que va bientôt imposer le Cinématographe des frères Lumière et qui domineront, pendant presque un siècle, la conception et la production réaliste des imageries dynamiques du cinéma et de la télévision.

Partisans d'un visionnement individuel du spectacle cinématographique, Thomas Alva Edison réalise un Mutoscope (1895) qui, en bloquant successivement les plaquettes cartonnées portant des images photographiques et fixées sur une couronne tournante, restitue le mouvement photographié.

Reynaud met au point un Photo-scénographe (1895) animant par projection des séries de photos coloriées à la main et qui, tournées à 16 images par seconde, doivent être réduites à 4 par seconde, étant donné le système de déroulement manuel.

Ici commence une exploitation de la structure chronophotographique du film. Elle va encourager des formes de traitement arbitraire et irréaliste de la prise de vues cinématographique, formes que pratiqueront les écoles française, américaine et britannique de films à trucs à partir de 1898.