cinéaste japonais (Tokyo 1910 - id. 1998).
Dernier fils d'une famille de sept enfants issue d'une authentique lignée de samouraïs, Akira Kurosawa, encore très jeune, est marqué par le suicide d'un de ses frères, Heigo, qui consacre ainsi sa révolte contre le père. Il termine ses études secondaires, puis s'inscrit dans une école de beaux-arts de Tokyo, l'académie Dushuka. Il y étudie surtout la peinture, classique et moderne, dont l'influence sera primordiale dans son œuvre (il dessinera d'ailleurs presque toujours les plans de ses films, notamment pour Kagemusha et Ran). Il pense alors faire une carrière de peintre, mais, en 1936, à la suite d'une annonce, il passe un concours aux studios PCL (qui allaient être absorbés par la Toho immédiatement après), et devient assistant réalisateur de Kajiro Yamamoto, tout en écrivant des scénarios pour d'autres réalisateurs de la Toho. En 1941, il travaille avec Yamamoto pour le film les Chevaux (Uma), dont il réalise lui-même certaines séquences en extérieurs. Il tourne ses premiers films en pleine guerre avec la Légende du Grand Judo (1943), qui, malgré certaines tendances nationalistes, fut amputé par la censure de plusieurs séquences jugées « trop sentimentales ». La séquence finale, un combat de judo à peine entrevu dans les hautes herbes battues par le vent, demeurera célèbre. Après le Plus Beau (1944), où l'auteur faisait preuve d'un regard personnel sur un sujet de commande (l'attitude morale d'ouvrières dans une usine d'optique de guerre), et une suite à son premier film, la Nouvelle Légende du Grand Judo (1945), Kurosawa adapte, avec des moyens très réduits, une pièce du répertoire kabuki et kyogen, les Hommes qui marchent sur la queue du tigre (id.), dont les séquences de la forêt préfigurent celles de Rashomon. Le premier film où Kurosawa exprime véritablement ses idées, et un sens généreux de l'humanisme, est Je ne regrette rien de ma jeunesse / Rien à regretter de ma jeunesse (1946), où l'actrice Setsuko Hara fait une composition remarquable en épouse fidèle aux idéaux de son mari jugé comme espion pendant la guerre : on y trouve déjà ce sens du rythme et du montage court qui marquera les films suivants. Après un mélodrame lyrique tourné dans le Tokyo d'après-guerre, Un merveilleux dimanche (1947), il réalise l'Ange ivre (1948), où, dans les bas-fonds de Tokyo, s'affrontent un « bon » médecin alcoolique (Takashi Shimura) et un « mauvais » gangster atteint de tuberculose (Toshiro Mifune) qu'il soigne contre sa volonté, sur fond de corruption. C'est le véritable début de la célèbre collaboration Kurosawa-Mifune, ce dernier volant la vedette à Takashi Shimura. Il le retrouvera dans presque tous les films de Kurosawa, jusqu'à Barberousse (1965). Dans Chien enragé (1949), Mifune incarne un policier cherchant à retrouver son pistolet volé, et l'on a comparé ce film au Voleur de bicyclette de De Sica. Mais c'est surtout pour le cinéaste l'occasion de peindre un tableau de Tokyo après la guerre, pendant un été torride, tout en imposant sa maîtrise technique (le combat final, comme celui de l'Ange ivre). Mifune devient alors l'acteur fétiche de Kurosawa et atteint à la célébrité en interprétant le rôle du bandit Tajomaru dans Rashomon (1950), film charnière de l'œuvre de l'auteur, qui remporte de façon inattendue le Lion d'or de la Mostra de Venise en 1951. Adapté de deux nouvelles de l'écrivain Ryunosuke Akutagawa, le film, construit en flash-back successifs, propose une vision pirandellienne du monde, où chaque personnage, y compris le mari mort, donne sa version des événements dans une affaire de viol située dans le Japon médiéval. La virtuosité de l'opérateur Kazuo Miyagawa et les audaces du montage n'y sont que les instruments d'une conception éthique résumée à la fin par un bonze reprenant espoir dans l'humanité après avoir trouvé un enfant abandonné sous la porte de Rasho (qui donne son titre original au film). En outre, le public occidental y découvrait, à part Mifune, certains des plus grands acteurs japonais de l'époque : Machiko Kyo, Masayuki Mori, et Takashi Shimura dans le rôle du bûcheron.