CONSERVATION DES FILMS. (suite)
L'arrivée de l'imagerie numérique semblait être la solution idéale pour une conservation à très long terme du patrimoine cinématographique. Pour des raisons techniques, il apparaît que la durée de vie des supports informatiques ne soit pas aussi longue que l'on avait imaginé. Si la stabilité dimensionnelle des supports est acquise dans le temps, il n'en est pas de même des différents types d'enregistrements utilisables aujourd'hui : les enregistrements magnétiques se dégradent dans le temps d'autant plus que la densité des informations est grande, les enregistrements optiques (disques laser) se dégradent en raison de l'instabilité de différents composants constituant la couche de métallisation et de plus, l'évolution rapide des techniques conduit à des changements de standards fréquents qui obligent à maintenir en ordre de marche des équipements pour lesquels il devient impossible de se procurer des pièces détachées.
La conservation des éléments de tirage des films cinématographiques reste donc essentielle pour la conservation du patrimoine cinématographique. Le syndrome du vinaigre fait apparaître la nécessité de conserver les documents originaux ou les éléments de tirage dans des locaux à température et hygrométrie contrôlées. De tels stockages ont été créés par les laboratoires cinématographiques pour remplacer les stockages habituels, sans aucun conditionnement d'air.
Par contre, l'imagerie numérique constitue un apport considérable pour la restauration des documents. Il devient possible d'éliminer les défauts physiques, rayures, poussières, de reconstituer des images inutilisables (cassures, déchirements), de restaurer les couleurs (même procédure que pour la colorisation des films noir et blanc) et d'établir de nouveaux éléments donnant un résultat comparable à ceux de l'époque.
De même pour le son, les possibilités du numérique en matière de filtrage, de reconstitution de portions devenues inaudibles permettent, d'une manière générale de restaurer intégralement la bande sonore d'un film. Reste que ces possibilités de restauration numériques doivent respecter l'œuvre et la rendre identique à ce qu'elle était à l'origine et rien de plus.
Un bilan.
Si l'on essaie de dresser un bilan sommaire de la conservation des films depuis que le cinéma existe, on peut distinguer trois grandes périodes.
Au début, les copies étaient vendues au mètre et les films étaient couramment recyclés en fin d'exploitation. (Après décapage de la gélatine et récupération de l'argent qu'elle contenait, ou bien on refondait le support, ou bien on le réenduisait d'une nouvelle couche sensible.) Mais comme on tirait en général beaucoup de copies, il est finalement assez fréquent - si le négatif a disparu, et c'est souvent le cas - qu'au moins l'une d'entre elles nous soit parvenue, en plus ou moins bon état. Le problème est plus dramatique pour les documents originaux, par exemple les bobines d'actualités qui n'avaient pas été incorporées à l'époque dans un montage. Négligés pendant longtemps par les cinémathèques, nombre de ces films ont disparu ou nous sont parvenus irrécupérables. (Notamment, de très nombreux films de Méliès.) Toute une partie de notre « mémoire » cinématographique est ainsi irrémédiablement perdue.
Quand le cinéma devint une industrie, le négatif constitua un capital à préserver. Pour les productions d'Hollywood, où l'industrie était particulièrement structurée, il est rare que nous ne possédions pas le négatif original ou une bonne copie de celui-ci : on peut donc tirer aujourd'hui des copies comparables en qualité à celles de l'époque. (Exception : les films Technicolor, dont les pellicules actuelles de tirage ne parviennent pas encore à restituer complètement la « touche » particulière.) Là où la production était plus artisanale, notamment en France, tout dépend des cas : s'il est difficile d'affirmer qu'il y a beaucoup d'œuvres totalement perdues, nous ne possédons souvent qu'une copie des originaux. À l'heure actuelle, l'enjeu conservation-restauration est essentiellement assumé par les pouvoirs publics. Le CNC a mis en place depuis 1990 un plan « nitrate » afin d'assurer la sauvegarde et la restauration des films produits avant 1954. Près de 800 titres sont désormais sauvés chaque année. Ce plan est mis en œuvre par les Archives du film du CNC et concerne l'ensemble des collections détenues par les archives françaises.