BRAY (John Randolph)
producteur américain de films d'animation (Detroit, Mich., 1879 - Bridgeport, Conn., 1978).
Cartooniste dans le journal de Brooklyn, Eagle, il devient vers 1912 un des pionniers du dessin animé en réalisant The Dachsund and the Sausage ou The Artist's Dream (probablement vers 1913). Responsable pour la Paramount d'un magazine filmé (le Bray Pictograph), il impose, dès 1912, le dessin animé dans l'exploitation commerciale. En décembre 1914, il crée le deuxième studio d'animation américain, The John Randolph Bray Studio, où est réalisée la série Police Dog de Carl Anderson. Tous ses efforts tendent à rendre le processus de production rationnel et profitable. Ainsi dépose-t-il plusieurs brevets dès 1914 (décors imprimés ; application de dégradés de gris au dessin) et engage-t-il, dès 1915, le remarquable animateur Earl Hurd dont il convoite le récent brevet de celluloïd transparent (les cells). Le brevet devient leur co-propriété. Il est à l'origine de la carrière des frères Max et Dave Fleischer, les futurs créateurs de Betty Boop et de Popeye, qui travaillèrent d'abord à leur fameuse série Hors de l'encrier (Out of the Inkwell de Paul Terry [les Terry Toons] et Walter Lantz [les Bugs Bunny]). J. R. Bray réalisa dans ses studios la série Colonel Heeza Liar, puis lança la formule du film d'enseignement (Comment nous respirons ; Action du cœur humain) avant d'utiliser le cinéma pour l'éducation militaire, au cours de la Première Guerre mondiale.
BRAY (Yvonne de)
actrice française (Paris 1889 - id. 1954).
Venue de la Comédie-Française, elle aborde le cinéma avec un des classiques de l'Occupation, l'Éternel Retour, tourné par Delannoy (1943) sur un scénario de Cocteau. Ce dernier lui donne un rôle dans l'Aigle à deux têtes (1948), mais surtout elle reprend celui d'Yvonne, la mère, tenu au théâtre dans les Parents terribles, que Cocteau encore porte à l'écran (1949). Son visage de lionne défaite, sa voix rauque et grasseyante, son souffle difficile sont devenus les atouts d'un métier consommé. Elle est parfaite dans le rôle de Mme Alvarez (« Mamita »), dans Gigi (1949), que tourne Jacqueline Audry ; laquelle, peu après, lui confie un autre rôle dans Olivia (1951), tandis que Richard Pottier fait d'elle la duchesse de Caroline chérie (1951). On la voit ensuite dans un mélo pesant de Pierre Billon (Agnès de rien, 1950), dans Nez de cuir (Y. Allégret, 1952), dans Nous sommes tous des assassins (A. Cayatte, id.), ainsi que dans un autre mélo, renié par son auteur, Quand tu liras cette lettre (J. -P. Melville, 1953). Les deux heureuses rencontres de sa brève carrière à l'écran sont Jean Cocteau et Jacqueline Audry ; ils ont sauvé cette trouble figure de monstre sacré de l'invisible et du silence.
BRAZZI (Rossano)
acteur et cinéaste italien (Bologne 1917 - Rome 1994).
En 1939, il débute en même temps au théâtre et au cinéma, et interprète des rôles classiques : Processo e morte di Socrate (Corrado d'Errico, 1940), Kean (G. Brignone, id.), La Tosca (J. Renoir et C. Koch, 1941) ou de jeune séducteur : Noi vivi et Addio Kira ! (G. Alessandrini, 1942). Grâce à son personnage romantique très « MGM » dans les Quatre Filles du Dr March (M. LeRoy, 1949), il devient à Hollywood le prototype du latin lover et joue dans plusieurs productions américaines, dont la Fontaine des amours (J. Negulesco, 1954), la Comtesse aux pieds nus (J. Mankiewicz, 1954), les Amants de Salzbourg (D. Sirk, 1957), South Pacific (J. Logan, 1958). Revenant en Italie dans les années 60, il n'y trouve plus le même succès. Il dirige deux films d'aventures sous le pseudonyme de Edward Ross : Salvare la faccia (1969), Sette uomini e un cervello / Criminal Symphony (1970). Il apparaît ensuite dans de petits films érotiques ou comiques, parodiant son ancien rôle de beau séducteur.
BRDEČKA (Jiři Brnečka, dit Jiři)
cinéaste, scénariste et illustrateur tchèque (Hranice, Autriche-Hongrie, 1917 - Prague 1982).
D'abord critique de cinéma, dessinateur humoristique et auteur de nouvelles, il vient au cinéma par l'animation et collabore à partir de 1946 aux scénarios des films de J. Trnka (les Vieilles Légendes tchèques, 1952 ; le Songe d'une nuit d'été, 1959), E. Hofman, M. Makovec ou B. Pojar. Il réalise aussi plus de vingt courts métrages d'animation, notamment la Verve et la Raison (Rozum a cit, 1962), Gallina Vogelbirdae (Špatně namalovaná slepice, 1963) ou Pourquoi souris-tu, Mona Lisa ? (Proč se usmíváš, Mono Liso ?, 1966). Sa verve de conteur s'y donne libre cours et il fait appel avec bonheur aux graphistes les plus variés. Il est aussi le scénariste de longs métrages de fiction comme le Piège à loups (J. Weiss, 1957), les Enfants perdus (Veliké dobrodružstvi, Miloš Makovec, 1952), Un jour un chat (V. Jasny, 1963), Joe Limonade (Oldřich Lipsky, 1964), qui reprend un personnage créé par Brdečka en 1939 et déjà adapté par lui en pièce puis en roman, et Nick Carter à Prague (Lipsky, 1977). Sa versatilité est très grande, mais Brdečka n'a guère convaincu avec ses films non animés : les Nuits de Prague (Pražské noci, 1968) et l'Histoire d'une rose (Román o ru̇ži, 1972).
BRECHT (Bertolt)
dramaturge allemand (Augsbourg 1898 - Berlin 1956).
Après avoir interrompu des études de médecine à l'université de Munich, Brecht exprime, dans sa première pièce, Baal, sa révolte contre les événements de la guerre de 1914-1918 dont il a été le témoin. Suivront Tambours dans la nuit (1922) et Dans la jungle des villes (1923). Ce n'est qu'après ces œuvres, encore fortement marquées par l'expressionnisme, que mûrira sa propre conception d'un théâtre épique qui, après la Seconde Guerre mondiale, influencera décisivement nombre de dramaturges et de scénographes du monde entier. Mais l'arrivée de Hitler au pouvoir en 1933 signifie pour lui la persécution (interdiction des partis politiques et des syndicats) et l'exil, d'abord à Vienne, à Paris, au Danemark, puis aux États-Unis. Charles Laughton crée, en 1947, Galileo Galilei. Travaillant comme scénariste à Hollywood et sommé de comparaître devant la Commission des activités antiaméricaines, il regagne Berlin-Est, en passant par la Suisse. Il y crée la troupe du Berliner Ensemble et monte des pièces qui vont transformer la vision de l'art dramatique. Son travail cinématographique ne fut qu'indirect, marginal et décevant. Il renia toutes les adaptations qui furent faites de ses œuvres, en particulier l'Opéra de quat'sous de Pabst et Maître Puntila et son valet Matti, filmé par Cavalcanti. À Hollywood, il travailla à divers scénarios, notamment Arc de triomphe (L. Milestone, 1948), d'après Erich Maria Remarque, et Les bourreaux meurent aussi de Fritz Lang. C'est pour ce film que son apport fut le plus important ; mais, mécontent de la réalisation de Lang, il fit retirer son nom du générique, en tant que scénariste. Si l'on excepte Kühle Wampe, réalisé par Slatan Düdow et interprété par le plus grand acteur brechtien avec Helene Weigel, Ernst Busch, les seules réalisations fidèles à l'œuvre de Brecht sont le simple filmage, sur la scène du Theater am Schiffbauerdamm, de deux représentations du Berliner Ensemble jouant la Mère et Mère Courage et ses enfants. La méfiance de Brecht à l'égard d'une adaptation véritablement cinématographique de cette dernière pièce laisse inachevé un film élaboré avec Wolfgang Staudte et interprété par Simone Signoret et Bernard Blier.