Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
K

KASSOVITZ (Mathieu)

acteur et cinéaste français (Paris 1967).

Né dans une famille de techniciens du cinéma, il fait partie de la génération de cinéastes français révélés par leurs essais dans le court métrage et qui ont accédé relativement vite à des conditions professionnelles de production. Son premier long métrage, Métisse, date en effet de 1994. Organisé autour d'un thème racial qui soutient discrètement des arguments de comédie remis au goût du jour, ce film bénéficie de quelques touches personnelles bien venues (le grand-père parlant yiddish, par exemple). C'est la Haine (1995) qui le rend célèbre. Reconnu au Festival de Cannes (Prix de la mise en scène), succès commercial, ce film est aussi un phénomène de société dans son rapport avec le public jeune, et un film d'action pariant sur l'efficacité. L'auteur a pris soin de tourner en noir et blanc ; il multiplie les effets de réel et affiche une grande vivacité de caméra. Reçue comme un film sur la banlieue alors que le récit relate plutôt une bavure policière, la Haine relève d'une certaine violence qui se confirmera sous des formes moins bien acceptées de la critique dans le film suivant, Assassin(s) [1997], qui reprend l'argument de son court métrage de 1991, Assassins. Mathieu Kassovitz est de plus en plus tenté par le film d'action à l'américaine, comme en témoigne les Rivières pourpres (2000), tiré d'un best-seller de Jean-Christophe Grangé.

Acteur dans Métisse et Assassin(s), il a prouvé un réel talent dans cet autre aspect de ses activités, en particulier avec Jacques Audiard (Regarde les hommes tomber et Un héros très discret) et avec J.-P. Jeunet (le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain).

KAST (Pierre)

cinéaste et écrivain français (Paris 1920 - meurt dans l'avion qui le ramène de Rome, 1984).

Il débute par la critique (Cahiers du cinéma), l'assistanat (Grémillon, Clément, P. Sturges, Renoir), puis le court métrage (Robida, explorateur du temps, 1953 ; Claude-Nicolas Ledoux, l'architecte maudit, 1954 ; Le Corbusier, l'architecte du bonheur, 1956) et aborde le long métrage en 1957. Grand lecteur de Stendhal et de Queneau, ami de Vian et de Vailland, fasciné par la science-fiction et l'utopie, il construit une œuvre de facture classique mais personnelle, qui, s'articulant sur quelques lieux privilégiés (les Salines de Chaux, de Ledoux ; le Portugal ; l'île de Pâques), s'attache à décrire avec une lucidité non dénuée d'ironie la relation qu'il établit entre culture et plaisir et la quête d'un bonheur dont l'amour ne saurait être absent, mais qui, excluant la convention bourgeoise, exige l'invention d'une nouvelle logique. Utilisant les acquis de l'analyse psychologique pour explorer le territoire d'une morale de l'avenir, réconciliant intelligence et sensibilité, établissant avec son spectateur des rapports de complicité fraternelle, Pierre Kast, qui a écrit par ailleurs plusieurs romans (les Vampires de l'Alfama, 1975 ; le Bonheur ou le Pouvoir, 1980), compte parmi les marginaux du cinéma français, plus à l'aise sans doute dans l'observation des jeux de miroirs intellectuels (le Bel Âge ; la Morte-Saison des amours ; le Soleil en face) que dans les récits artificiels d'aventures semi-picaresques (la Guerillera).

Films :

le Bel Âge (1960), la Morte-Saison des amours (id.) ; Vacances portugaises (1963) ; Drôle de jeu (1968) ; les Soleils de l'île de Pâques (1972) ; Un animal doué de déraison (1976) ; le Soleil en face (1980) ; la Guerillera (1982) ; l'Herbe rouge (1985).

KASTLE (Leonard)

musicien et cinéaste américain (New York, N. Y., 1929).

C'est tout à fait fortuitement que ce compositeur et dramaturge lyrique (Desirate ; The Parias), sans formation cinématographique, est amené à tourner un film des plus curieux à partir d'un fait divers très fidèlement suivi, les Tueurs de la lune de miel (Honeymoon Killers, 1969). Un couple de racketteurs (Martha Bech, Raymond Fernandez) rafle les économies des femmes esseulées et naturellement en vient à les occire. Sans éclairage spécial, dans un noir et blanc impressionnant (PH : Oliver Wood), des acteurs de théâtre menés de main de maître font apparaître un univers de crédulité, de solitude, de frustration et de violence. Un film unique, comme l'est resté, par exemple, de Laughton, la Nuit du chasseur.

KASZNAR (Kurt Serwischer, dit Kurt)

acteur américain d'origine autrichienne (Vienne, Autriche, 1913 - Santa Monica, Ca., 1979).

Il vient aux États-Unis en 1937, avec une troupe de comédiens de Max Reinhardt mais n'aborde le cinéma que dans les années 50. Son physique brun et corpulent lui vaut de nombreux rôles de latins, de Mexicains et d'étrangers levantins, comme le padre dans Vaquero (J. Farrow, 1953). Il a participé avec entrain à de bonnes comédies musicales (Donnez-lui une chance, S. Donen, 1953 ; Ma sœur est du tonnerre, R. Quine, 1955). Il s'est retiré en 1967.

KATO (Tai)

cinéaste japonais (Kobe 1916 – Tokyo 1985).

Neveu du cinéaste Sadao Yamanaka, il est engagé comme assistant à la Cie Toho, en 1937. Après la guerre, il travaille avec Daisuke Ito, et avec Akira Kurosawa sur Rashomon (1950). Il débute dans la réalisation en 1951 (Troubles over Swords and Women/ Kenna Jonan), et se spécialise dans les films populaires de samourais (Chroniques du clan Sanada/Sanada Fuunroku, 1963 ; le Vagabond Samourai/ Kaze no bushi, 1964 ; Histoire cruelle de la fin de la période d'Edo/ Bakumatsu zankoku monogatari, id.). Mais il réalise également d'inusables mélodrames (l'Amour pour une mère / Mabuta no haha, 1962 ; le Visage d'un homme montre son histoire personnelle/ Otoko no kao wa rirekishi, 1966), et surtout des films de série sur le monde des yakuza, qui marquent l'apogée du genre et de son style, avec un penchant certain pour les contre-plongées (la Joueuse à la pivoine rouge/ Hibotan bakuto, trois films de 1969 à 1971). Après un dernier film en 1981 (Flammes de sang/ Honoo no gotoku), Tai Kato meurt d'un cancer en 1985, laissant une œuvre inégale, mais parfois brillante, dans un cinéma de genre qui périclite.

KAUFMAN (Boris)

chef opérateur d'origine russe (Białystok 1906 - New York, N. Y., 1980).

Cadet d'une famille de bibliothécaires de Białystok (dans la Pologne occupée par les Russes), il se réfugie en 1915 à Moscou avec les siens pour fuir l'invasion allemande, puis retourne en Pologne vers 1919. À partir de 1925, ses frères Denis (Dziga Vertov) et Mikhaïl lui apprennent le cinéma par correspondance. Il s'installe en 1927 à Paris, où il se lie à Moussinac, Lods, etc. Il acquiert suffisamment d'expérience pour que Vigo lui propose en 1929 d'être l'opérateur d'À propos de Nice (1929-30), où l'on retrouvera, effectivement, à côté de l'humour anarchiste du Français, l'esprit du ciné-œil vertovien. Il est l'opérateur de tous les autres films de Vigo et aussi de cinéastes expérimentaux ou documentaristes comme Eugène Deslaw (la Marche des machines, 1928), Jean Lods (Champs-Élysées, 1929) ou Henri Storck (les Travaux du tunnel sous l'Escaut, 1932). En 1940, il émigre en Amérique, tourne des documentaires pour l'ONF au Canada, collabore aux films de propagande de l'US Office of War Information, puis est l'opérateur de quelques-uns des principaux films de Kazan (Sur les quais, 1954 ; Baby Doll, 1956 ; la Fièvre dans le sang, 1961) et de Sidney Lumet (Douze Hommes en colère, 1956 ; l'Homme à la peau de serpent, 1960 ; le Prêteur sur gages, 1965 ; le Groupe, 1966).