Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
S

SULEIMAN (Elia)

cinéaste palestinien (Nazareth 1960).

Formé en partie aux États-Unis, Elia Suleiman incarne une nouvelle génération de cinéastes palestiniens, marqués par la télévision et la vidéo. Après une coréalisation avec Jayce Salloum d'un documentaire essentiellement composé d'archives cinématographiques et télévisuelles (Introduction à la fin d'un argument, DOC, 1990), il réalise plusieurs films le plus souvent situés à la frontière du documentaire et de la fiction : Hommage par assassinat (doc, 1992), Chronique d'une disparition (1998) et le Rêve arabe (DOC, 1998). La dimension mélancolique de son travail et tout particulièrement de Chronique d'une disparition, qui le rapproche presque de Takeshi Kitano par son humour distancié et sa manière de regarder le monde, lui a valu la reconnaissance de la critique et du public.

SULLAVAN (Margaret Brooke, dite Margaret)

actrice américaine (Norfolk, Va., 1911 - New Haven, Conn., 1960).

Comédienne amateur très précoce, elle fait ses débuts professionnels auprès d'Henry Fonda (qu'elle épousera) et de James Stewart (qui sera son partenaire privilégié à l'écran). En 1931, on parle d'elle à Broadway et, en 1933, elle remplace Irene Dunne et Claudette Colbert, défaillantes, dans Une nuit seulement (J. M. Stahl). Étrange actrice, étrange carrière, étrange destin : Margaret Sullavan était une hypersensible qui vivait ses rôles avec une intensité vive et qui extériorisait sans effort ses propres émotions. Son premier rôle fut d'emblée l'un des plus grands, assurément dur pour la débutante qu'elle était : Une nuit seulement faisait naître une des meilleures actrices que le mélo ait connues. De grands yeux, un petit visage triangulaire, une fragilité à fleur de peau la placent dans la voie royale amorcée par Lillian Gish et Janet Gaynor. Elle remplacera d'ailleurs cette dernière comme actrice préférée de Frank Borzage. Sous la direction de ce dernier, elle devient meilleure encore, donnant vie à une féminité lumineuse, presque mystique. L'apparition de son visage radieux sous la pluie au début de Et demain ? (1934) reste inoubliable, comme le monologue qui se lit dans son seul regard à la fin de l'Ensorceleuse (1938). The Mortal Storm (1940) n'a pas de telles envolées mais offre, en revanche, une interprétation plus modulée : fille d'un universitaire juif, elle se dresse face au nazisme et meurt dans la lumière de la neige et de la liberté. Mais ce rôle pâlit à côté de la flamme qui l'habite dans Trois Camarades (1938), où son dernier adieu à Robert Taylor sur le balcon neigeux du sanatorium est sans doute une des plus belles « morts » de l'histoire du cinéma. Un temps mariée à William Wyler, elle joue sous sa direction un délicat personnage de jeune fille troublée et innocemment troublante dans la Bonne Fée (1935). Mais c'est dans le mélodrame, de l'Ange impur (H. C. Potter, 1938) à la Flamme qui s'éteint (R. Maté, 1950), en passant par Back Street (R. Stevenson, 1941), qu'elle trouve sa véritable expression. Menacée par la surdité, il semble qu'elle n'ait pas supporté l'idée de renoncer à son art et elle se suicide en 1960.

Films  :

Une nuit seulement (J. M. Stahl, 1933) ; Et demain ? (F. Borzage, 1934) ; la Bonne Fée (W. Wyler, 1935) ; So Red the Rose (K. Vidor, id.) ; Épreuves (Next Time We Love, Edward H. Griffith, 1936) ; The Moon's Our Home (W. Seiter, id.) ; Trois Camarades (Borzage, 1938) ; l'Ange impur (The Shopworn Angel, H. C. Potter, id.) ; l'Ensorceleuse (Borzage, id.) ; Rendez-vous (E. Lubitsch, 1940) ; The Mortal Storm (Borzage, id.) ; Back Street (R. Stevenson, 1941) ; So Ends Our Night (J. Cromwell, id.) ; Rendez-vous d'amour (Appointment for Love, Seiter, id.) ; Cry Havoc (R. Thorpe, 1943) ; la Flamme qui s'éteint (R. Maté, 1950).

SULLIVAN (Patrick Barry, dit Barry)

acteur américain (New York, N. Y., 1912 - Sherman Oaks, Ca., 1994).

Très présente dans le film noir depuis pratiquement la naissance du genre vers le milieu des années 40, la silhouette familière et massive de Barry Sullivan n'accédera jamais au vedettariat. Il a de temps à autre le rôle principal, comme dans le curieux film de série B The Gangster (Gordon Wiles, 1947), et il s'en acquitte fort bien. Mais, dans les séries A, on le confine aux rôles de deuxièmes couteaux ou aux jeunes premiers décoratifs. Dans les années 50, son visage marqué, qui ne manque pas d'une certaine intensité tragique, lui vaut des emplois plus gratifiants, comme le cinéaste de talent exploité par le producteur Kirk Douglas dans les Ensorcelés (V. Minnelli, 1952). Il forme à trois reprises un couple attachant avec l'énergique Barbara Stanwyck dans la Plage abandonnée (J. Sturges, 1953), la Horde sauvage (J. Kane, 1956) et surtout Quarante Tueurs (S. Fuller, 1957), où ils vivent une intense passion qui mêle ingénieusement amour et intérêt. Il est ensuite très actif à la télévision dans les années 60. On est content de revoir sa trogne bourrue, même fugitivement, dans Willie Boy (A. Polonski, 1970). Son dernier film de cinéma date de 1978.

SULLIVAN (C. Gardner)

scénariste et producteur américain (Stillwater, Minn., 1879 - Los Angeles, Ca., 1965).

L'un des plus actifs parmi les scénaristes du muet, notamment auprès de Thomas S. Ince (Civilization, 1916) et de William S. Hart (l'Homme aux yeux clairs, 1918). Vers le milieu des années 20, il se consacre, avec succès, à la production, avec des œuvres originales comme Gigolo (William K. Howard, 1926), la Toison d'or (id., 1927), Tempest (Sam Taylor, 1928). Enfin, il revient à l'écriture, notamment pour Cecil B. De Mille qui bénéficie de son travail classique et bien construit dans les Flibustiers (1938) et dans Pacific Express (1939). Après un silence de dix-huit ans, il travaille sur le scénario de la nouvelle version des Boucaniers tournée en 1958 par Anthony Quinn.

SULLIVAN (Patrick O'Sullivan, dit Pat)

cinéaste d'animation américain d'origine australienne (Sydney 1887 - New York, N.Y., 1933).

Il débute en publiant des dessins humoristiques dans les journaux londoniens et s'établit aux États-Unis, où il poursuit une carrière de dessinateur satiriste. Après un court séjour dans le studio de Raoul Barré, il fonde sa propre structure de production vers mai 1915. En 1916, il rencontre et engage le dessinateur Otto Messmer. Cette année-là, le dessinateur crée une adaptation d'une bande dessinée (Sammy Johnsin) et réalise plusieurs films d'animation ayant pour personnage central Charlie Chaplin, avec l'accord de ce dernier qui y voyait un moyen de promouvoir ses films. Otto Messmer crée en 1919 Félix le Chat, l'un des plus plaisants personnages de dessin animé, qui apparaît dans Feline Follies. Il fait l'objet par la suite d'un comic strip hebdomadaire (1923), puis quotidien (1927), au succès inépuisable. Si Félix doit beaucoup à son cousin Krazy Kat, dessiné dès 1910 par George Herriman, il devance largement la souris Mickey, et n'a rien à envier à Walt Disney sur le plan de la fantaisie graphique. « Nous lui devons nos plus belles terreurs enfantines », écrit Remo Forlani, qui n'hésite pas à comparer les aventures poétiques de Félix aux histoires de Jules Renard. Le petit félin débrouillard aux oreilles en pointe et à la queue en trompette se meut, en effet, dans un univers où l'absurde est roi : le décor est celui des petites campagnes du Middle West, mais Félix, d'un coup de moustache magique, le transforme en pays des merveilles, avant de s'en aller, seul, sur la grand-route, son baluchon sur l'épaule, tel Charlot le vagabond. Sullivan profitera toute sa vie des fruits de cette création. Messmer aura le plus grand mal ultérieurement a faire reconnaître sa paternité sur Félix.