HONGRIE. (suite)
Une audience internationale.
Le « nouveau cinéma » hongrois, qui est donc né en deux vagues successives (la première en 1954, la seconde en 1963-64), consolide petit à petit son audience internationale. Limitée à une vingtaine de films par an, la production se signale par plusieurs œuvres de grande valeur. Si Zoltán Fábri n'a pu, dans ses derniers films (la Famille Tot, 1969 ; la Fourmilière, 1971 ; À un jour près, 1972 ; le Cinquième Sceau, 1976 ; les Hongrois, 1977), faire oublier la réussite de Vingt Heures, Károly Makk, en revanche, après Devant Dieu et les hommes (1968), a tourné en 1970 une œuvre poignante, Amour, en 1974 Jeux de chats et en 1982 Un autre regard.
Au cours des années 70, Gaál signe un film important (Paysage mort, 1972), Jancsó approfondit ses thèmes de prédilection (Psaume rouge, 1972 ; Rhapsodie hongroise, 1979), Szabó s'impose sur le plan international avec Mephisto (1981). Des noms nouveaux, qui ont fait leurs premiers essais à la fin des années 60, apparaissent et consolident dans la plupart des festivals du monde la place privilégiée que la Hongrie a conquise en une dizaine d'années : Zoltán Huszárik* (Sindbad, 1971), Gyula Maar (la Fin du chemin, 1973), Zsolt Kezdi-Kovacs* (Quand Joseph revient, 1975), Márta Mészáros* (Adoption, id. ; Neuf Mois, 1976), Imre Gyöngyössy* (Une vie tout ordinaire, CO : Barna Kabay, 1977), Pál Gábor* (l'Éducation de Vera, 1978), Judit Elek* (Peut-être demain, 1979), Peter Gothar (le Temps suspendu, 1982), Pál Sándor* (Daniel prend le train, 1982). Les thèmes dominants (interrogations sur l'histoire et, à travers elle, sur les vicissitudes politiques ; répercussions sur la jeune génération des traumatismes de la Grande Guerre puis des événements de 1956 ; déracinement des villageois appelés à travailler dans les grandes villes) semblent peu à peu s'effacer devant une veine « sociographique » qui est un recensement implacable des problèmes quotidiens, une chronique passionnée de la vie « ordinaire » qui privilégie l'individu par rapport à la communauté et se rapproche bien davantage du « croquis en direct » que des grandes fresques. Documentaires fictions, moins construits, moins géométriques, les films de l'« école de Budapest » n'en rendent pas moins compte de la Hongrie d'aujourd'hui en évitant le recours à l'allégorie ou à la parabole. Au cours de la décennie suivante, le cinéma hongrois modifie peu à peu son image de marque, notamment sur le plan international. La raréfaction des tournages, la place grandissante de la télévision, l'impact de la crise économique conduisent à une certaine perte de la lisibilité de l'ensemble de la cinématographie hongroise à l'exception du documentaire qui poursuit une voie originale et voit éclore de nouveaux réalisateurs comme Pál Erdőss Ferenc Grunwalsky ou Györgÿ Szomjas. Le cinéma de fiction rompt progressivement avec la veine historique, la reflexion sur le passé national et s'intéresse davantage au présent qu'il montre souvent d'une vision noire et désespérée. László Lugossy, Péter Gothár, Gyula Gazdag, András Jeles, Gábor Bódy (qui se suicidera en 1985) signent les films les plus originaux de cette période de transition. En effet, en octobre 1989 le Parti communiste s'autodissout et en mars 1990 le premier gouvernement né du processus démocratique est formé. Le 24 avril 1991 un communiqué annonce la création de la Fondation pour l'Art cinématrographique. Mais en même temps la plus grande partie des salles passe sous le contrôle de sociétés étrangères et la naissance de multiplexes programmant essentiellement des films « porteurs » américains rendent de plus en plus problématique le bon équilibre du cinéma national. Curieusement on voit apparaître une inflation de « premiers films » tandis que les metteurs en scène confirmés – hormis Jancsó et Szabó (ce dernier travaillant souvent avec l'appui de coproductions internationales) —éprouvent de grandes difficultés à imposer leurs scénarios. Le documentaire reste néanmoins lucide et pugnace (Sándor Sára, Pál Schiffer Tamás Almási, Peter Forgacs). Parmi les cinéastes de fiction, la génération 90 donne naissance à quelques films de qualité réalisés par Zoltán Kamondi, Tamás Tóth, Attila Janisch, Ildikó Enyedi, János Szász mais les figures dominantes semblent être György Feher et Béla Tarr qui offrent au public des films très « travaillés » et exigeants. La Hongrie s'honore également d'une école d'animation très inventive (Ottó Foky, György Kovásznai, Gyula Macskássy, Jószef Nepp, Marcell Jankovics, Sándor Reisenbüchler, Béla Vajda).