ARLETTY (Léonie Bathiat, dite) (suite)
La grande comédienne qui sommeille en elle va se réveiller dans ses deux personnages les plus accomplis, imaginés par Jacques Prévert et animés par Marcel Carné, Dominique des Visiteurs du soir (1942) et Garance des Enfants du paradis (1945) : si jamais l'expression beauté du diable a pu s'appliquer à une actrice, c'est bien à elle dans son personnage de complice du démoniaque Jules Berry, figure séduisante et ambiguë qui sème le trouble dans le cœur des hommes et déclenche un drame tout en cherchant à prévenir les irrésistibles effets de son pouvoir maléfique. Quant à Garance, elle incarne la vérité toute nue, sans manières mais sans impudeur, tandis que son cœur bat en secret pour le mime Baptiste, qui ne sait pas saisir sa chance ; et le plan final de ce film est certainement la plus belle image d'elle que le cinéma ait jamais donnée. Ces deux personnages reflètent symboliquement les deux aspects complémentaires de sa personnalité de comédienne, et peut-être de femme : la séduction de la beauté physique et la limpidité de l'âme.
À la Libération, ses imprudentes fréquentations allemandes pendant l'Occupation lui valent de sérieux ennuis : deux ans d'une sorte de résidence surveillée en province. Mais, dès 1947, elle fait partie de la distribution d'un film de Carné qui restera malheureusement inachevé, la Fleur de l'âge. Ce réalisateur lui reste encore fidèle en l'engageant pour l'Air de Paris (1954), qui sera le dernier film important d'une carrière dont la période d'après-guerre s'avère décevante par la banalité de la plupart des films où elle figure, parmi lesquels : Portrait d'un assassin (Bernard Roland, 1949), le Père de Mademoiselle (M. L'Herbier, 1953), le Grand Jeu (R. Siodmak, 1954), Huis clos (J. Audry, id.) et le Jour le plus long (PR D. Zanuck, 1962). En 1962, elle a un accident oculaire qui la conduit à une quasi-cécité et met pratiquement fin à sa carrière.
Autres films :
la Douceur d'aimer (René Hervil, 1930) ; la Belle Aventure (R. Schünzel, 1932) ; Un soir de réveillon (K. Anton, 1933) ; Je te confie ma femme (René Guissart, id.) ; la Guerre des valses (L. Berger, id.) ; le Vertige (Paul Schiller, 1935) ; la Fille de Mme Angot (Jean Bernard-Derosne, id.) ; Aventure à Paris (M. Allégret, 1936) ; le Mari rêvé (Roger Capellani, id.) ; Messieurs les ronds-de-cuir (Y. Mirande, 1937) ; Aloha ou le Chant des îles (L. Mathot, id.) ; Si tu m'aimes / Mirages (Alexandre Ryder, 1938) ; le Petit Chose (M. Cloche, id.) ; la Chaleur du sein (Jean Boyer, id.) ; Tempêtes (Bernard-Deschamps, 1940) ; Boléro (J. Boyer, 1942) ; la Femme que j'ai le plus aimée (Robert Vernay, id.) ; l'Amant de Bornéo (Jean-Pierre Feydeau et René Le Hénaff, id.) ; Gibier de potence (R. Richebé, 1951) ; l'Amour Madame (G. Grangier, 1952) ; Mon curé chez les pauvres (H. Diamant-Berger, 1956) ; Vacances explosives (Christian Stengel, 1957) ; le Passager clandestin (Ralph Habib, 1958) ; Et ta sœur (Maurice Delbez, id.) ; Maxime (H. Verneuil, id.) ; Un drôle de dimanche (M. Allégret, id.) ; la Gamberge (N. Carbonnaux, 1962) ; les Petits Matins (J. Audry, id.) ; la Loi des hommes (Charles Gérard, id.) ; le Voyage à Biarritz (G. Grangier, id.) ; Tempo di Roma (D. de La Patellière, 1963). ▲