AVANT-GARDE. (suite)
La deuxième avant-garde
a plusieurs visages. Entre 1921 et 1926, elle est picturale. En Allemagne, elle s'efforce de retrouver au cinéma l'abstraction lyrique et le rythme pur que les arts plastiques (du cubisme et du futurisme au simultanéisme et au suprématisme) ont déjà conquis. Avec Viking Eggeling, Hans Richter, Walter Ruttmann, Oskar Fischinger, elle anime la peinture et la fait devenir. En France, cette recherche demeure concrète, figurative. Fernand Léger, Man Ray, Jean Grémillon, Henri Chomette prennent leurs matériaux dans le monde réel et les soumettent aux transfigurations de la lumière, de la vitesse, des jeux de miroirs. Entre 1924 et 1930, la deuxième avant-garde est dadaïste et surréaliste. René Clair (Entr'acte), Man Ray, Marcel Duchamp, Luis Buñuel (Un chien andalou, l'Âge d'or), Jean Painlevé en France, Adrian Brunel en Angleterre, Hans Richter, Moholy-Nagy en Allemagne, Charles Dekeukeleire en Belgique, Robert Florey aux États-Unis, font passer dans leurs films, presque toujours de court métrage, l'esprit négateur, les provocations sociales, les blasphèmes, la déraison, l'onirisme, l'érotisme, la logique de l'inconscient — thèmes et valeurs subversives dont Tristan Tzara pour dada et André Breton pour le surréalisme sont alors les hérauts.
La troisième avant-garde
(1927-1930) est documentaire. Influencée par le ciné-œil de Dziga Vertov et la rationalité du Bauhaus, elle pose sur le monde réel un regard neuf, poétique et souvent politique. Elle s'attache au collectif, filme les capitales, les grands rassemblements humains. Ruttmann (Berlin, symphonie d'une grande ville), Joris Ivens (Borinage, Zuiderzee), Vigo (À propos de Nice), Richter (Inflation), Siodmak (les Hommes le dimanche), Jay Leyda (A Bronx Morning) portent témoignage sur un monde en crise. La troisième avant-garde produit en Grande-Bretagne l'école documentariste anglaise (1929-1940) et inspire en Italie le meilleur des ciné-clubs universitaires fascistes (CineGUF, 1934-1941). Elle resurgira avec le néoréalisme italien, le free cinema anglais des années 50 et, dans les années 60, avec les différents courants du cinéma direct.